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Une baisse historique pour la moisson française de blé tendre

Posté le 21 août 2024
par Aliye Karasu
dans Entreprises et marchés

La France, premier producteur et exportateur européen de blé tendre, devrait connaître, cette année, une de ses plus faibles récoltes depuis ces 40 dernières années. Provoqué par les fortes intempéries, cet épisode exceptionnel remet les enjeux environnementaux au centre des préoccupations dans le milieu agricole.

C’est officiel depuis ce vendredi 9 août : la production de blé tendre est en baisse de près de 25 % par rapport à 2023. En effet, les données statistiques publiées par l’Agreste[1] rapportent qu’« en 2024, la production de blé tendre est estimée à 26,3 millions de tonnes (Mt) » ; c’est une quantité en recul de près de 24 % par rapport à la moyenne des cinq dernières années.

À 62,4 quintaux par hectare, le rendement est en baisse de 15,5 % par rapport à celui de 2023 ; 2024 est ainsi une des trois plus petites récoltes de blé tendre des 40 dernières années.

Ce recul de près d’un quart de la production n’atteint cependant pas le niveau observé en 2016 qui reste, dans les mémoires, une année noire pour la récolte de la céréale du pain.

Les conditions météorologiques en cause

Le facteur expliquant cette faible récolte relève principalement de la situation météorologique du pays. L’hiver 2023 a été marqué par une abondance de pluie d’une durée exceptionnelle touchant l’ensemble du territoire ; le printemps peu ensoleillé s’est traduit, quant à lui, par un manque de luminosité.

Le mois de mars a connu un excédent pluviométrique qui a atteint environ 85 % (par rapport aux normales 1991-2020) ; c’est le 5e mois de mars le plus pluvieux enregistré depuis le début des mesures en 1958.

Ces fortes précipitations ont perturbé la réalisation des semis à l’automne puisque les champs étaient inondés. Les surfaces consacrées à la culture du blé tendre ont donc été réduites de près de 11 % en un an, selon la note de l’Agreste. Cet important repli des surfaces cultivées explique une grande part des mauvais résultats de la production de blé.

L’agriculture face aux enjeux environnementaux

La principale ressource en eau pour l’agriculture en France est l’eau de pluie ; il s’agit d’une agriculture pluviale qui est à distinguer de l’agriculture irriguée. L’agriculture est un domaine pour lequel la gestion de l’eau, qu’elle soit surabondante ou insuffisante, est capitale pour garantir une stabilité des récoltes.

Pour atténuer l’impact engendré par les oscillations de la pluviométrie, il est impératif de développer des procédés pour stocker l’eau quand elle est excédentaire afin de permettre son utilisation lors des années de sécheresse. Cela peut être effectué par un canal en dérivation d’un cours d’eau ou par un barrage. Les sécheresses, plus fréquentes ces dernières années, rendent les systèmes d’irrigations de plus en plus nécessaires pour sécuriser la régularité des productions.

Même si cette baisse historique de la récolte de blé tendre demeure conjoncturelle, son origine peut aussi relever de problèmes structuraux.

La France possède les champs parmi les plus fertiles au monde et est le cinquième plus gros producteur mondial de blé, avec près d’un hectare sur six consacré à la culture du blé. Sa production excédant la demande intérieure, la France fait partie de la dizaine de pays exportateurs de blé dans le monde avec plus de la moitié de sa récolte destinée à l’export. Ces gigantesques productions vont de pair avec une agriculture très industrialisée et hyperspécialisée. Or, la monoculture induit un épuisement et un appauvrissement des terres sur le long terme contraignant à l’utilisation de fertilisants chimiques qui polluent les sols et les eaux.

En outre, favoriser l’implantation d’arbres et de haies au sein des champs de blé permettrait d’améliorer la circulation et le stockage de l’eau. Or, « depuis 1950, 70 % du linéaire de haies ont disparu des bocages français ». Il est donc primordial de replanter, car l’agroforesterie permet de lutter contre la sécheresse en créant un microclimat qui évite l’évapotranspiration.


[1] Service de statistiques du ministère de l’Agriculture


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