« Les écosystèmes ne répondent pas de façon linéaire à la hausse de l’aridité : un petit changement de celle-ci va, à un moment donné, entraîner des grands changements au niveau des écosystèmes », prévient Nicolas Gross, chercheur à INRAE au sein de l’Unité de recherche « Ecosystème Prairial ». Une nouvelle étude parue dans Science, auquel cet expert de l’écologie des zones arides a participé, met ainsi en évidence trois seuils de transition des zones arides.
Une même réponse des végétations selon l’aridité sur toute la planète
« L’aridité est un indice compris entre 0 et 1 qui met en relation la pluviométrie et l’évapotranspiration, traduisant la demande en eau des plantes, rappelle Nicolas Gross. Les milieux arides ont une aridité qui dépasse 0,6, ce qui correspond à des végétations que l’on commence à observer dans le sud de la France en milieu méditerranéen, puis les steppes comme en Patagonie, les savanes africaines, les maquis et des milieux buissonnants, des forêts sèches et enfin, les déserts. »
L’étude a synthétisé des données sur la réponse des écosystèmes à l’aridité à l’échelle de la planète. « L’ensemble des 20 attributs étudiés répondent en trois seuils d’aridité, partage Nicolas Gross. Ces attributs comprennent par exemple la biomasse produite chaque année par les plantes, les réponses écophysiologiques des plantes, des mesures de la photosynthèse, d’agrégation physique des sols, de biodiversité en microbes comme les mycorhizes et les pathogènes des plantes, des relevés de diversité et d’abondance des plantes… »
Trois seuils d’aridité plutôt qu’une réponse linéaire
Le premier seuil arrive à une aridité de 0,54. Il s’agit d’un déclin brutal de la production végétale. Les plantes commencent alors à être réellement limitées par le manque d’eau. « Lorsque l’on passe de végétations tempérées à des végétations méditerranéennes, les plantes réussissent bien à s’adapter à la sécheresse, car elles vont minimiser la taille de leurs feuilles et maximiser la capacité photosynthétique sous contrainte hydrique, explique Nicolas Gross. Cette stratégie de réduction de la surface foliaire atteint une certaine limite écophysiologique lorsque l’on arrive au premier seuil de 0,54, car les feuilles ne peuvent pas devenir infiniment plus petites ». C’est la transition entre la végétation méditerranéenne vers des végétations plus arides telles que retrouvées au sud de l’Espagne ou dans les paysages de steppes nord-africaines.
Une aridité de 0,69 marque l’arrivée du deuxième seuil, avec de multiples changements sur plusieurs variables du sol. « On observe alors une perte des capacités d’agrégation du sol, une hausse de la sensibilité à l’érosion, une baisse de la fertilité, une baisse de la matière organique dans les sols, une disparition de certains microbes comme les champignons mycorhiziens bénéfiques aux plantes et une augmentation de leurs pathogènes », détaille Nicolas Gross. La troisième phase arrive à 0,8 d’aridité, avec un effondrement de l’écosystème. Il n’y a plus de couverture végétale, le sol devient complètement minéral avec une augmentation de l’albédo ; c’est l’arrivée du désert.
Un scénario catastrophe pour l’avenir
À partir de cette découverte, les chercheurs ont exploré les conséquences d’un accroissement des émissions de CO2 tel qu’observé aujourd’hui, selon un scénario d’émissions de gaz à effet de serre « business as usual ». Dans ce scénario connu sous le nom de GIEC RCP8,5, le monde connaît une augmentation des températures jusqu’à 5°C en 2100. Selon les niveaux d’aridité prédits en 2100, la Terre subit des changements drastiques de végétation et de paysage.
L’étude a ainsi permis d’élaborer une carte de vulnérabilité.
Les grandes zones potentiellement impactées sont l’Afrique subtropicale, l’Asie et le bassin méditerranéen. « Aujourd’hui, 41 % de la surface terrestre sont des zones arides, renseigne Nicolas Gross. Dans ce scénario, 20 % des surfaces terrestres, quelles qu’elles soient, pourraient franchir au moins l’un de ces trois seuils. »
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