Un extrait de L’aile volante à hydrogène – Conception, défis et enjeux, par Yves GOURINAT.
A partir du moment où l’habitacle devient vivable – et non plus un alignement de sièges ,– on peut envisager d’allonger la durée des trajets. Or les enjeux environnementaux pourraient nécessiter de tels accroissements de durée.
Le trafic aérien civil n’est responsable que de 2 % des émissions mondiales de CO2 ; en outre, les effets des activités aérospatiales pour ce qui est du réchauffement climatique sont probablement nettement inférieurs à 2 % des effets de l’ensemble de l’activité humaine, de par l’augmentation de l’albédo terrestre due à la vapeur d’eau des sillages. Mais le secteur aérospatial a un tel effet d’entraînement, de prototypage et d’exemplarité qu’il est nécessaire – et même indispensable – de réduire l’empreinte carbone des avions. Le transport aérien de masse, qui continuera de croître, verra donc le Mach moyen M diminuer. Or, toutes choses égales par ailleurs, le coût énergétique horaire du vol est, en subsonique, approximativement proportionnel à M3, et le coût énergétique total du voyage est proportionnel à M2 (puisque la durée du trajet est en 1/M). Si donc, pour un même avion, la croisière passait de M = 0,85 (valeur actuelle pour les longs courriers) à M = 0,5, la consommation énergétique horaire serait divisée par 4,9 et, partant, le coût énergétique total du trajet par 2,9. Mais dans ces conditions, le trajet Paris-Sydney qui représente actuellement 22 heures de vol en nécessiterait 38. Et donc dans ces conditions l’aménagement de la cabine ne serait plus un luxe ou une option, et deviendrait indispensable, compte tenu en particulier du vieillissement de la population. Mais ce voyage allongé ouvre des perspectives extrêmement intéressantes.
On le voit, l’enjeu du Mach est ici de diviser par 3 l’empreinte énergétique du vol des longs courriers, rien de moins. Si l’on prend en compte le gain structural supplémentaire de 30 % susmentionné, dû à l’architecture en aile volante, alors ce ratio est supérieur à 3,5. Et si l’on utilise des propulsions plus propres, on peut encore accroître ce chiffre. Mieux, l’utilisation de propulsions non – ou peu – carbonées renforce encore le gain et la justification de réduction du Mach. Et l’aile volante est une architecture qui permet précisément d’envisager l’utilisation de l’hydrogène.
Préférer l’hydrogène au kérosène
L’hydrogène possède une énergie massique de combustion exceptionnelle (142 MJ/kg, 3 fois celle du kérosène d’aviation). Mais comme sa masse volumique est très faible (71 kg/m³ sous forme liquide) son énergie volumique est 3,7 fois plus faible que celle du kérosène. Autrement dit, à énergie emmagasinée égale, l’hydrogène sera certes trois fois plus léger que le kérosène, mais presque quatre fois plus volumineux. De plus, le stockage de l’hydrogène liquide est très complexe d’une part à cause de la température de -252°C à maintenir, et d’autre part par le caractère fugace de ce liquide qui passe à travers les matériaux. Non seulement le volume interne des réservoirs d’hydrogène est immense, mais les isolants et protections prennent une place non négligeable, ce qui a, pour le moment, limité leur utilisation opérationnelle aux lanceurs spatiaux. La mise en œuvre de l’hydrogène ou de combustibles évolués dans une architecture d’avion classique nécessiterait donc des réservoirs gigantesques intégrés à un fuselage de type « transport de charges volumineuses ».
On voit qu’ici le facteur de 3,5 obtenu par la réduction de Mach et le passage en architecture aile volante est tout à fait stratégique et permet justement de se ramener à des configurations plus raisonnables, puisque d’une part le volume de carburant serait réduit d’autant et d’autre part les passagers pourraient être moins proches du carburant. En somme, le bénéfice Mach + architecture compense pratiquement l’augmentation des volumes. Et l’architecture en aile volante permet à la fois de contourner les isolations des réservoirs par rapport à la cabine (par l’arrangement des systèmes) et l’allongement de la durée des vols (par l’aménagement de l’habitacle). L’architecture aile volante permet donc l’utilisation de l’hydrogène, et donc de bénéficier également du gain en masse que celle-ci représente par rapport à l’usage du kérosène (du fait de l’énergie massique bien plus élevée de l’hydrogène).
Exclusif ! L’article complet dans les ressources documentaires en accès libre jusqu’au 30 décembre 2020 !
L’aile volante à hydrogène – Conception, défis et enjeux par Yves GOURINAT
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