Des chercheurs du Fraunhofer Institute of Photonic Microsystems ont développé une technique portative permettant d’analyser la composition des textiles en vue de leur recyclage. Basée sur l’utilisation d’un spectromètre ultra-compact relié à un smartphone, cette technologie associe imagerie, spectroscopie et algorithmes d’intelligence artificielle.
En plus d’optimiser les processus de recyclage des textiles, cette technologie NIR[1] portative permettrait également de déceler les contrefaçons et pourrait aussi déboucher sur de multiples applications encore inconnues.
La filière REP textiles : automatiser le tri pour le rendre plus efficace
En France, depuis la création de la filière REP des « textiles, chaussures et linge de maison », les metteurs sur le marché sont soumis à des obligations en matière de traitement des déchets textiles en fin de vie.
Si en près de 15 ans d’existence, cette filière REP « TLC » a permis d’accroître le taux de collecte des textiles usagés et de développer les activités de tri, les quantités collectées restent insuffisantes : à peine 35 % en 2018, quand l’objectif fixé pour 2019 était de 50 %[2].
La marge de progression est donc forte concernant la collecte et le tri des textiles. Alors qu’un nouveau cahier des charges vient d’être défini pour la filière (60 % de taux de collecte en 2028) et devant l’obligation, pour tous les professionnels, de trier les déchets de textiles dès le 1er janvier 2025[3], la filière se prépare à un fort accroissement des quantités de textiles à traiter et à recycler.
Pour un traitement efficace de ces flux de déchets et une identification correcte des différents textiles, des techniques de tri automatisées et de plus en plus sophistiquées devront être mises en place.
Une technologie qui associe NIR, IA et imagerie, pour des analyses plus précises
Selon le rapport 2023 concernant les Technologies de tri, reconnaissance et délissage des matières textiles, mené par le bureau d’études Terra pour l’éco-organisme français Refashion[4], la spectroscopie proche infrarouge, ou NIR, demeure l’une des technologies les plus intéressantes pour le tri automatisé des déchets textiles.
La technologie en elle-même est éprouvée, puisqu’elle est déjà utilisée depuis plusieurs dizaines d’années dans le tri des déchets plastiques, qui sont des matériaux chimiquement proches des textiles.
En revanche, les limites des systèmes NIR généralement utilisés sont également connues :
- difficulté à détecter les mélanges de plus de deux matières ;
- comme la détection est surfacique, les textiles multicouches sont moins bien détectés ;
- les matières contenues en faible proportion ou chimiquement trop proches sont mal analysées.
Malgré ces limites, la technologie NIR reste la plus courante et la plus prometteuse pour le tri des textiles.
C’est également l’avis des chercheurs de Fraunhofer, qui possèdent une expérience de plusieurs décennies dans la construction de spectromètres NIR utilisant la technologie MEMS (systèmes microélectromécaniques).
C’est cette expérience qui leur a permis de développer un système NIR miniaturisé, contrôlé par IA et relié à une base de données de matériaux textiles.
C’est ce qu’explique le docteur Heinrich Grüger, chercheur au département des micromodules sensoriels du Fraunhofer IPMS[5], dans un communiqué daté du 4 octobre 2023 :
« Au fil des ans, nous avons réussi à miniaturiser de grands instruments de spectroscopie de laboratoire à l’aide de la technologie MEMS afin qu’ils puissent également être utilisés de manière mobile ».
L’analyse NIR assistée par IA, comment ça fonctionne ?
La première étape consiste à utiliser la caméra du smartphone pour capturer une image du tissu.
L’IA sélectionne ensuite un point spécifique des données de l’image qui sera examiné par le module d’analyse spectrale.
La lumière réfléchie par le tissu est alors captée par le module spectromètre.
- Elle y entre par une fente d’entrée.
- Elle est transformée en faisceaux lumineux parallèles à l’aide d’un miroir collimateur.
- Puis elle est projetée sur un réseau de diffraction à l’aide d’un miroir de balayage.
- Selon l’angle d’incidence et de sortie, le réseau divise les faisceaux lumineux en différentes longueurs d’onde.
- La lumière réfléchie par le réseau est dirigée par le miroir de balayage vers un détecteur qui capture la lumière sous forme de signal électrique.
Ces signaux analogiques sont alors convertis en signaux numériques puis analysés par un processeur de signaux.
Comme le spectromètre est doté d’une résolution optique de 10 nanomètres, le profil spectrométrique obtenu permet ainsi une analyse précise de la composition des fibres. Il devient alors possible, grâce à des algorithmes d’IA, d’identifier des tissus mixtes tels que des vêtements fabriqués à partir de polyester et de coton.
De multiples applications « portatives »
Grâce à sa petite taille, ce spectromètre NIR miniature conviendrait à toutes sortes d’application en lien avec l’identification des textiles. Dotés d’une telle technologie[6], les professionnels de la seconde main pourraient alors vérifier rapidement la composition du vêtement, même lorsque l’étiquette est effacée et ainsi indiquer aux futurs acquéreurs les instructions de lavage appropriées. Par ailleurs, pour ce qui est des vêtements de luxe, ce serait également un moyen rapide de déceler d’éventuelles contrefaçons.
En plus des textiles, les chercheurs du Fraunhofer imaginent également d’autres applications potentielles, en lien avec l’industrie agroalimentaire et même pour le diagnostic dermatologique sous contrôle médical.
[1] near infrared
[2] Source
[3] Source
[4] Source
[5] Institute of Photonic Microsystems
[6] Hors aspects économiques, le coût n’étant pas précisé dans le communiqué de Fraunhofer !
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