Qu’ont en commun les mondes glacés d’Europe, de Titan et d’Encelade ? Toutes ces lunes de planètes géantes abritent un océan caché sous leur croûte gelée. Or, ces océans sont prometteurs pour la recherche en astrobiologie. Encelade en particulier, qui orbite autour de Saturne, fait de l’œil aux astrophysiciens avec son océan probablement en contact avec le cœur rocheux de la lune (source importante de minéraux). De plus, les failles d’Encelade laisseraient jaillir dans l’espace une partie de cette eau des profondeurs. Alors, à quand une collecte d’échantillons ? Pas pour tout de suite apparemment, car l’environnement extrême de la lune saturnienne rend l’opération difficile. Sans compter l’absence de connaissance approfondie du terrain et les énormes délais de communication (jusqu’à 155 minutes !) entre les opérateurs humains et un éventuel robot d’exploration. Pourtant, le défi a été relevé par une équipe de recherche internationale menée par Tiago S. Vaquero, du Jet Propulsion Laboratory (JPL) au California Institute of Technology (Pasadena, États-Unis). Son robot inspiré des serpents est décrit dans le journal Science Robotics du 13 mars 2024.
Comme un serpent-robot sur la glace
Le serpent robotique du JPL se nomme EELS, pour Exobiology Extant Life Surveyor. Il se compose de dix segments articulés identiques, amenant sa longueur totale à près de 4,4 mètres pour une masse avoisinant les 100 kg. Chaque segment possède trois actionneurs : deux pour modifier sa forme au besoin, et un troisième pour activer sa peau. Cette dernière, en forme de vis, lui permet de se déplacer dans tout type d’environnement. La structure répétitive d’EELS lui fournit une redondance bienvenue en cas de dégradation avancée de l’un des segments. Le robot d’exploration est une véritable plate-forme instrumentale mobile. L’extrémité qui joue le rôle de tête contient toute une panoplie de capteurs afin d’observer les environs. Ainsi, un Lidar permettant de mesurer les distances à l’aide de faisceaux laser est couplé à quatre caméras stéréo. S’y ajoutent un baromètre et des diodes luminescentes, bien pratiques pour éclairer son chemin dans la pénombre des failles.
Les travaux de l’équipe de Tiago S. Vaquero ont donné naissance à un serpent-robot autonome, adaptable et résilient. Un atout de premier ordre pour l’exploration à haut risque des terrains gelés d’Encelade. Selon ses créateurs, EELS serait capable de descendre au sein des failles éruptives pour aller y récupérer de précieux échantillons d’eau non altérée. Pour valider leurs attentes, ils ont soumis différentes versions de leur robot à des tests en laboratoire et sur le terrain. Les premiers ont eu lieu dans les terrains sablonneux du Mars Yard, au cœur même du JPL. Quant aux seconds, ils ont nécessité le transport d’EELS jusqu’aux terres glacées et enneigées de Big Bear[1], en Californie. Le serpent robotique a pu dans chacun des cas être confronté à différents environnements : terrain plat, pentes inclinées, obstacles et trous. Les résultats ont fait plus que rassurer l’équipe, qui se prend déjà à imaginer EELS rejoindre l’océan sous-glaciaire d’Encelade. Est-ce possible ? Cela, seul l’avenir nous le dira…
[1] dans les montagnes de San Bernardino
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