Le système électrique français est interconnecté avec ses pays voisins au sein du réseau de l’Europe continentale qui constitue un réseau « unique ». Dans cette zone, l’ensemble des moyens de production et de consommation doit être équilibré en permanence. Lorsqu’il y a un équilibre parfait entre la production et la consommation, la fréquence est la même partout, égale à 50 Hz.
Les différentes zones synchrones sont reliées entre elles par des liaisons à courant continu qui fonctionnent comme des robinets que l’on peut fermer. Elles permettent de faire des échanges d’électricité et d’optimiser la production de chacune.
Comment tout cela fonctionne-t-il ?
Lorsqu’il y a un excès de production, la fréquence du réseau augmente. Au contraire, lorsqu’il y a un déficit de production par rapport à la consommation, la fréquence baisse. Les gestionnaires de réseaux doivent donc rester au plus proche de 50 Hz pour assurer la qualité du réseau.
Ce respect de la fréquence est important, car les process industriels et les machines de production ont besoin d’une fréquence de 50 Hz (c’est la norme) et l’ensemble des appareils électriques ont un fonctionnement optimal à cette fréquence : télévision, réfrigérateur, etc.
Dès que l’on s’écarte de cette valeur, le rendement des machines est dégradé. « Lorsque l’on s’écarte trop de 50 Hz, on risque de voir des machines de production s’arrêter et se déconnecter automatiquement du réseau », commente Jean-Paul Roubin, Directeur du dispatching national de RTE, l’opérateur du réseau de transport d’électricité français. « À 47 Hz, plus aucune machine de production n’est capable de rester connectée à un réseau », ajoute-t-il.
Il en reste que cette puissance moyenne est supérieure à celle de 15 réacteurs nucléaires de type EPR. Cette puissance importante permet d’éviter des désagréments trop fréquents pour les utilisateurs. En effet, grâce à sa valeur élevée, les petits problèmes qui surviennent tous les jours dans les différentes centrales passent totalement inaperçus aux yeux des utilisateurs.Heureusement, « plus le réseau est grand, plus il est robuste : un aléa sur une production va être compensé par l’ensemble de la zone synchronisée », fait-il savoir. Ainsi, sur la zone synchrone d’Europe continentale, « une variation de fréquence d’un hertz, correspond en moyenne à une différence de puissance entre la production et la consommation d’environ 25 000 MW », estime-t-il. Cela est évidemment différent à tout moment en fonction du niveau global de consommation et de production !
Grâce aux interconnexions situées aux 46 zones transfrontalières françaises, les acteurs du marché de l’électricité organisent des échanges d’électricité avec l’ensemble des pays membres de la zone. « On est passé d’une optimisation locale et nationale à une optimisation de la production d’électricité qui se fait sur la maille européenne », précise Jean-Paul Roubin.
Ces acteurs vont pouvoir observer la disponibilité et le coût des moyens de production dans les différents pays et décider, par exemple, de démarrer plutôt une centrale au charbon dans un pays ou d’importer de l’électricité produite par des éoliennes à un moment donné.
Comment éviter les black-out ?
Les black-out ont 3 origines principales : l’écroulement de fréquence, l’écroulement de tension et l’effet cascade de surcharges sur le réseau. L’écroulement de fréquence est lié à un déséquilibre entre la production et la consommation. Il traduit une surcharge généralisée et non prévue. Pour y remédier, il faut réaliser une cascade de coupures ou des délestages choisis. Dans ce cas, il faudra revenir à une fréquence supérieure à 50 Hz, avant de reconnecter les utilisateurs ou les process, afin de ne pas « écrouler » la fréquence à leur reconnexion.
L’effet cascade de surcharges sur le réseau se produit lorsqu’une ligne déclenche et surcharge ses voisines par son report de transit. Pour mieux comprendre de quoi il s’agit, il faut se rappeler que les lignes transportant l’électricité sont en métal. Plus la ligne transporte de l’électricité, plus le métal chauffe et se dilate et se rapproche donc du sol.
Lorsque la ligne est en surcharge, elle peut être « disjonctée » automatiquement par mesure de sécurité, pour respecter sa distance minimale de sécurité avec le sol ou une habitation, par exemple. Dès lors, l’électricité qu’elle transportait est reportée vers une autre ligne. Si le report d’électricité est trop important, les surcharges de ligne peuvent se faire en chaîne, la quantité d’électricité à reporter s’amplifiant au fur et à mesurer que le nombre de lignes en surcharge augmente.
Le dernier cas de cause possible de black-out est l’écroulement de la tension. En France, nos habitations sont alimentées par un réseau de distribution en basse tension (220 V). En revanche, le réseau de transport de l’électricité est composé de lignes à très haute tension, entre 63 et 400 kV. La tension « s’écroule » si la puissance appelée par le réseau de distribution dépasse la puissance maximale transmissible par le réseau de transport. Pour y remédier, il faut réaliser une cascade de coupures ou des délestages.
Pour éviter tous ces incidents, plusieurs moyens de suivi sont mis en place. Le plus important est de pouvoir anticiper la consommation et la production sur le réseau, ainsi que les échanges aux interconnexions. Il faut avoir des prévisions de production à chaque instant pour regarder en permanence l’état du système électrique, détecter des zones à risques et activer des leviers pour éviter les problèmes. Cela commence plusieurs années à l’avance et finit en temps réel, dans la salle de contrôle du dispatching national de RTE à Saint-Denis. Le centre reçoit plus de 50 000 informations en temps réel, rafraichies toutes les 10 secondes.
Si cela vous intéresse, RTE met en ligne en temps réel la consommation, la production, les échanges commerciaux et le contenu CO2 de l’électricité française sur son site Internet ou via l’application éCO2mix pour iPhone et Android.
Par Matthieu Combe, journaliste scientifique