Le Sénat vient de publier un rapport d'information relatif à la prévention et à la lutte contre l'intensification et l'extension du risque incendie, notamment pour faire face à l'émergence de feux hors normes. Regroupées en 8 axes, 70 recommandations sont formulées dans le document pour faire face à ce défi.
Depuis les années 1980, la stratégie française d’attaque massive sur feux naissants a fait ses preuves. Les surfaces boisées brûlées ont en effet été divisées par cinq entre les périodes 1980-1989 et 2015-2020. Malgré tout, la France doit se préparer à une évolution défavorable du risque, engendrée par le réchauffement climatique ainsi que par l’augmentation de la biomasse forestière. Ces deux dernières années, la France a connu trois des plus grands incendies ayant touché son territoire ces 40 dernières années. Et en 2050, les experts prévoient que près de 50 % des landes et des forêts métropolitaines pourraient être concernées par un risque incendie élevé, contre un tiers en 2010.
Le Sénat vient de publier un rapport d’information¹ relatif à la prévention et à la lutte contre l’intensification et l’extension du risque incendie. Les auteurs de ce rapport dressent ce constat initial : « Si l’efficacité de la stratégie française de lutte est un modèle en Europe et dans le monde, cet atout ne lui suffira plus à faire face à l’augmentation du risque incendie et notamment à l’émergence de feux hors normes ». Pour répondre à ce défi, 70 recommandations sont formulées dans le document et regroupées en 8 axes.
Face à son évolution rapide, les sénateurs recommandent d’élaborer une stratégie nationale interministérielle d’anticipation du risque. Le succès de cette stratégie repose sur une amélioration des connaissances et des données relatives aux feux de forêt et de végétation. C’est pourquoi l’une des mesures conseillées par les rapporteurs est de revenir sur les 500 suppressions de postes de l’ONF (Office national des forêts) prévues d’ici à 2025. Ceci, afin de « rétablir des postes d’agents de la protection de la forêt méditerranéenne et redéployer plus de personnels sur la défense contre les feux de forêt hors de cette zone. »
Inciter les propriétaires à débroussailler leurs terrains
En matière d’aménagement du territoire, un axe de prévention doit consister à mieux réguler l’interface entre la forêt et les zones urbaines pour réduire les départs de feux et la vulnérabilité. « Le débroussaillement constitue une mesure essentielle de prévention contre les incendies, permettant d’en diminuer l’intensité et d’en limiter la propagation », note le rapport. Sur le plan réglementaire, il existe des obligations légales de débroussaillement (OLD), mais celles-ci sont malheureusement trop peu appliquées, puisque le taux de réalisation est souvent inférieur à 30 %. Les sénateurs recommandent donc de rendre la franchise obligatoire dans les contrats d’assurance habitation en cas de non-respect des obligations légales de débroussaillement et d’accroître son montant au-delà de la limite maximale actuellement prévue.
Alors que la biomasse forestière augmente régulièrement depuis les années 1980, moins de la moitié de la croissance annuelle est prélevée. Or, gérer la forêt durablement constitue un des premiers pares-feux. Constatant que la forêt privée, qui représente les trois quarts de la forêt française, est insuffisamment gérée, l’une des mesures phares du rapport consiste à abaisser le seuil d’obligation des documents de gestion durable pour la forêt privée à 20 hectares, contre 25 à ce jour.
Au cours de leur travail d’auditions, les sénateurs ont observé que les maires souhaiteraient gérer davantage la forêt pour prévenir les feux, mais le fait que les propriétés sont très morcelées et possèdent de multiples statuts (forêt usagère, biens de section) complique leur tâche. Les rapporteurs préconisent donc « d’instaurer un droit de préemption des parcelles de forêt présentant un enjeu au regard de la défense des forêts contre l’incendie, au profit des communes s’engageant à intégrer la parcelle au régime forestier. »
Prescrire la réalisation des travaux agricoles la nuit
La mobilisation du monde agricole est aussi un axe important dans la prévention des incendies. En créant des discontinuités de végétation, les activités pastorales et agricoles jouent en effet le rôle de pare-feu protégeant la forêt. Sauf que cette interface forêt/terres agricoles est également exposée au risque. Les rapporteurs recommandent de permettre au préfet de prescrire la réalisation des travaux agricoles (moissons…) la nuit en cas de fort risque incendie.
Étant donné que 90 % des feux sont d’origine humaine, la sensibilisation des usagers est aussi un axe essentiel sur lequel il est important d’agir. Parmi leurs recommandations, les sénateurs conseillent de « mobiliser le budget des collectivités territoriales pour recruter, former et équiper des jeunes du Service national universel (SNU), afin de prévenir et de sensibiliser les usagers en forêt lors des périodes à risque. »
La lutte contre l’augmentation du risque incendie passera également par l’augmentation des moyens matériels pour y faire face. Car la flotte française semble aujourd’hui insuffisante pour relever ce défi. Il convient donc « d’augmenter le budget de la protection civile pour permettre l’acquisition de moyens aériens (avions et hélicoptères) à la hauteur du risque et s’appuyer, en tant que besoin, sur la location d’appareils », indique le rapport.
Enfin, lorsque ni la prévention ni la lutte n’ont permis d’éviter un sinistre, vient l’étape du reboisement, nécessitant une aide financière de l’État et une réflexion sur les essences à planter, qui doivent concilier adaptation à la station forestière et résistance aux incendies. Les sénateurs conseillent de « conditionner l’aide de l’État à des choix d’essences et de gestion adaptés au risque incendie (par exemple en maintenant des pares-feux, en expérimentant des corridors de feuillus ou une moindre densité de peuplement). »
¹ Le rapport d’information a été rédigé par les sénateurs et la sénatrice suivants : M. Jean Bacci, Mme Anne-Catherine Loisier, M. Pascal Martin et M. Olivier Rietmann
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