Avant d’engager des travaux pour améliorer la performance énergétique d’un bâtiment, il est important de déterminer la résistance thermique des parois à isoler. Aujourd’hui, deux méthodes sont principalement utilisées pour mesurer cette résistance, mais elles manquent de fiabilité et surtout, elles procèdent de manière indirecte. La première se base sur la consommation d’énergie globale à partir des factures de chauffage. La seconde s’appuie sur les caractéristiques du bâtiment, grâce notamment à sa date de construction et à des observations visuelles. Un projet de recherche baptisé RESBATI, coordonné par le CERTES (Centre d’études et de recherche en thermique, environnement et systèmes) et financé par l’ANR (Agence nationale de la recherche), vient de développer un prototype pour mesurer de manière directe et précise la résistance thermique des parois. L’équipement prend la forme d’une plaque chauffante à placer contre un mur et qui mesure le flux de chaleur traversant la paroi ainsi que le gradient thermique mesurant l’écart de température entre l’intérieur et l’extérieur.
Plusieurs innovations ont été nécessaires pour mettre au point cet appareil. La première concerne la méthode de détermination de la résistance thermique. Celle-ci peut être calculée de deux façons différentes et les équipes de ce projet ont privilégié l’une d’elles, comme le décrit Alain Koenen, référent technique à la direction des essais du LNE (Laboratoire national d’essai) : « La première, appelée régime permanent, consiste à atteindre une température et des flux de chaleur constants, mais nécessite d’attendre plusieurs jours pour parvenir à un résultat fiable. Il était hors de question de demander à des particuliers d’avoir un équipement chez eux pendant plusieurs jours. Nous avons donc développé une technique, qui s’inspire en partie de la méthode bayésienne, et qui consiste à introduire des valeurs variables d’estimations des caractéristiques de la paroi puis de comparer les valeurs estimées aux valeurs réelles. Cette méthode de détermination nécessite de nombreux calculs mathématiques, mais permet de se rapprocher de la vraie valeur de résistance ». Cette méthode se révèle en effet beaucoup plus rapide, puisqu’il faut compter entre 5 et 10 heures pour obtenir un résultat contre 70 heures classiquement.
Une plaque chauffante mieux dimensionnée
La deuxième innovation a concerné la plaque chauffante. Les ingénieurs ont dû déterminer sa dimension de telle sorte que le flux de chaleur soit unidirectionnel, c’est-à-dire que la chaleur traverse le mur et ne s’échappe pas sur les bords. « La plaque chauffante doit être relativement grande mais compatible avec les valeurs qu’on mesure et posséder un capteur de flux tout petit, précise Alain Koenen. La dimension de la plaque a été déterminée par simulation et elle mesure 60 cm de côté ». Enfin, le développement du prototype a demandé un travail d’ingénierie qu’a réalisé l’entreprise Themacs. Les ingénieurs ont sélectionné une résistance électrique ainsi qu’un capteur de flux et les ont intégrés dans l’appareil. Le contrôleur, qui pilote le système, a quant à lui été développé sur un Arduino, une petite carte électronique programmable.
Le prototype a fait l’objet de plusieurs essais en laboratoire et chez des particuliers. Résultat : il mesure la résistance thermique d’une paroi avec une marge d’incertitude d’environ 10 % pour les résistances thermiques faibles. « Pour des mesures in situ, une telle incertitude est particulièrement faible et se rapproche de celle de la boîte chaude gardée, une méthode normalisée très fiable, ajoute Alain Koenen. Nous sommes donc satisfaits de la fiabilité de la mesure de notre prototype. »
L’appareil se révèle facile d’utilisation – il suffit de le placer à l’intérieur ou à l’extérieur d’un logement – et est totalement autonome. Par contre, le résultat obtenu est fiable lorsque la résistance thermique de la paroi est inférieure à 6 m².K/W. Au-delà, la paroi devient trop résistante et le flux de chaleur n’est plus unidirectionnel. Il faut savoir que les bâtiments respectant la réglementation RT2012 (Réglementation thermique) doivent avoir une consommation d’énergie inférieure à 50 KW/m² et par an avec des modulations selon les zones géographiques. Par exemple, pour des planchers de combles perdus, la résistance thermique doit être supérieure à 4,8 m².K/W.
Détecter des défauts d’isolation après les travaux de rénovation
En termes d’usage, ce prototype se révèle très pertinent pour calculer la performance énergétique de bâtiments avant d’engager des travaux de rénovation ou après rénovation pour vérifier le niveau d’isolation obtenu. Le résultat mesuré est beaucoup plus précis que les autres méthodes actuellement utilisées et qui procèdent de manière indirecte. Cet appareil permet aussi de mettre en évidence des défauts d’isolation, une fois les travaux réalisés. « Par exemple, en isolation par l’extérieur, la lame d’air présente entre la paroi du bâtiment et l’isolant peut réduire considérablement la performance thermique du système installé s’il n’y pas eu de jointement sur la périphérie de la paroi empêchant les phénomènes de convection, complète Alain Koenen. Un tel défaut est invisible avec une caméra infrarouge. Notre prototype permet de le détecter. »
Les équipes de ce travail de recherche sont actuellement à la recherche de financement pour industrialiser ce prototype en vue de le commercialiser. Une seconde version est aussi en cours de développement afin de réussir à mesurer des parois dont la résistance thermique est supérieure à 6 m².K/W et sur celles isolées avec des matériaux biosourcés.
Dans l'actualité
- De l’indécence énergétique à l’interdiction des passoires énergétiques en 2028
- Une chaire industrielle pour créer le ballon d’eau chaude du futur
- Un matériau capable de produire du froid uniquement avec la chaleur solaire
- Comment a évolué la consommation électrique française en 2019 ?
- Un matériau cristallin à la conductivité thermique extrêmement basse
- Ingénieur en efficacité énergétique : un profil recherché par les entreprises
- Le Falcon 10X, un jet d’affaires « augmenté »
- Rafraîchir par les planchers, une bonne idée
- Muodim : la « radiographie », version XXL…
- Trois technologies pour aider les nageurs de l’équipe de France avant les JO 2024