17 000 tonnes, c’est le volume estimé de résidus issus de la taille de vignes, d’arbres fruitiers, de haies, d’écorces et de bourgeons dans le nord-ouest de l’Europe. Un programme européen de recherche baptisé AgriWasteValue a débuté pour valoriser ces coproduits qui sont actuellement jetés ou brûlés. Son objectif est d’ouvrir la voie à de nouvelles pistes de recyclage afin d’atteindre le « zéro déchet ».
Réunissant des chercheurs français, belges et suisses, le projet prévoit une cascade de valorisation. La première consiste à extraire des composés à forte valeur ajoutée. « Des molécules aux propriétés biologiques intéressantes sont naturellement présentes dans ces coproduits, explique Florent Allais, enseignant-chercheur à AgroParisTech et directeur de l’Unité de Recherche et Développement Agro-Biotechnologies Industrielles (URD ABI). Certaines ont des effets anti-oxydants, anti-âges et anti-rides. D’autres peuvent avoir des propriétés anti-pigmentant, c’est-à-dire qu’elles enlèvent les taches brunes sur la peau liée au vieillissement, ou alors ont un rôle anti-UV et sont capables d’absorber les UV ». La plupart de ces molécules sont des métabolites secondaires de type polyphénols comme la phlorétine et la phloridzine. Une fois extraits, ces composés bioactifs seront vendus à l’industrie cosmétique et nutraceutique. Ils permettront ainsi de réduire la dépendance de l’Europe aux importations car la majorité des actifs naturels utilisés dans les formulations des produits de beauté ou des compléments alimentaires sont actuellement importés.
Deux techniques pour extraire les molécules d’intérêt
Même si la littérature scientifique mentionne déjà la présence de ces molécules précieuses dans les résidus de l’agroforesterie depuis plusieurs années, aucun procédé n’avait jusqu’ici été exploité pour les extraire de manière efficace tout en les préservant. « La plupart du temps, lorsqu’on extrait ou manipule ces molécules, il y a un risque important de les détériorer, analyse Florent Allais. Notre travail de recherche consiste à trouver des procédés durables et suffisamment doux pour ne pas les dénaturer ». Deux techniques sont actuellement utilisées par les chercheurs. Tout d’abord, la technique membranaire, un procédé physique qui consiste à passer le mélange de coproduits à travers différentes membranes. Cette technique permet de récupérer de manière sélective les molécules à travers l’épaisseur de la membrane. Le deuxième procédé employé est celui de l’éco-extraction liquide-liquide. Dans ce cas, le mélange de coproduits est placé au contact d’un solvant vert comme de l’éthanol qui a la capacité à extraire préférentiellement les molécules d’intérêt. « Les deux étapes peuvent être séquentielles ou totalement séparées, ajoute le chercheur. Nous testons en ce moment différentes combinaisons pour évaluer laquelle est la plus efficace en matière de rendement et d’impact écologique. »
Une fois ces molécules extraites, un second niveau de valorisation est réalisé à moindre valeur ajoutée. Il consiste à séparer deux constituants présents dans ces résidus afin de les valoriser chacun de leur côté. Tout d’abord, les polysaccharides c’est-à-dire les sucres. Leur fermentation à l’aide de micro-organismes va permettre la fabrication de solvants comme du bio-éthanol ou du bio-butanol. « Ces bio-solvants pourront ainsi remplacer les solvants chimiques utilisés et qui sont pour la plupart toxiques et dangereux pour l’environnement comme pour l’homme », précise Florent Allais. Ensuite, la lignine est le second constituant extrait et est valorisée en biofertilisants pour les sols. Enfin, les résidus finaux restant après l’ensemble de ces procédés d’extraction sont valorisés pour alimenter des unités de méthanisation. Leur pouvoir méthanogène contribue ainsi à la production de biogaz. Une nouvelle filière de valorisation des déchets
Débuté en juin 2019, ce programme de coopération territoriale européen Interreg doit se terminer en juin 2023. Il concerne les régions transfrontalières à la France, l’Allemagne, la Belgique, le Luxembourg, les Pays-Bas, l’Irlande et le Royaume-Uni. Doté d’un budget de 3,2 millions d’euros dont une partie financée par l’Europe, ce projet regroupe une vingtaine de chercheurs. « Nous sommes encore au début de ce travail. Après la validation scientifique et technique des différents procédés d’extraction, ce programme doit se poursuivre par la création d’une nouvelle filière de valorisation de ces déchets », conclut Florent Allais.
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