À partir du 1er janvier 2023, les allégations « neutre en carbone », « zéro carbone », « climatiquement neutre », « 100 % compensé » ou toute formulation de signification ou de portée équivalente seront encadrées par un décret paru le 13 avril dernier. Elles ne pourront être utilisées qu’à la seule condition que l’entreprise rende aisément accessible au public un bilan carbone complet du produit ou service, assorti d’explications détaillées sur la façon dont les émissions de CO2 sont « prioritairement évitées, puis réduites et enfin compensées. »
Ces éléments devront être publiés sur le site internet de l’entreprise et un lien ou code QR devra être apposé sur la publicité ou l’emballage portant l’allégation de neutralité carbone. Le bilan carbone devra être mis à jour annuellement pour prouver que les réductions attendues ont bien lieu, et toute mention devra être retirée si l’empreinte carbone absolue du produit ou service augmente entre deux années.
Ce décret concrétise une recommandation de la Convention Citoyenne pour le Climat qui recommandait d’interdire l’usage des allégations de neutralité carbone. Un amendement de dernière minute avait remplacé l’interdiction stricte par un encadrement. Fanny Fleuriot, animatrice comptabilité carbone à l’Ademe et co-autrice de l’avis « Utilisation de l’argument de neutralité carbone dans les communications », nous explique les changements à venir.
Techniques de l’Ingénieur : L’article 12 de la loi Climat et Résilience visait à interdire dans la plupart des cas les allégations de neutralité carbone pour un produit ou un service. Elles seront néanmoins toujours possibles sous certaines conditions ; est-ce suffisant et conforme aux recommandations de l’Ademe ?
Fanny Fleuriot : Ce décret n’interdit pas totalement l’allégation de neutralité carbone d’un produit ou d’un service, mais les modalités sont très contraignantes. Pour l’utiliser, une entreprise devra calculer l’empreinte carbone de son produit selon les normes ISO en vigueur et la rendre publique. On est bien sur l’ensemble des étapes du cycle de vie du produit, de l’extraction des matières premières pour sa fabrication jusqu’à son utilisation et la fin de vie. L’entreprise devra mettre en place une stratégie de réduction compatible avec une stratégie de décarbonation ambitieuse, compatible avec l’accord de Paris et se tenir à cette stratégie. Si l’empreinte carbone du projet augmente d’une année sur l’autre, l’entreprise n’aura plus le droit d’utiliser l’allégation.
Certes, cela autorise l’allégation mais avec des modalités contraignantes pour décourager les acteurs qui voudraient utiliser ces allégations pour faire du greenwashing. Cela donne un cadre sur l’utilisation de telles allégations qui aujourd’hui se trouvent partout sans gage d’investissement et de réduction concrète d’émissions.
Même s’il n’y a pas beaucoup de consommateurs lambda qui scanneront les codes QR, les associations de consommateurs veilleront au grain. Les entreprises qui utiliseraient cette allégation sans démarche sérieuse de réduction des émissions de gaz à effet de serre se mettraient en porte-à-faux d’un point de vue juridique. Les associations de consommateurs ne vont pas se gêner pour faire monter les mauvaises pratiques auprès de la DGCCRF. Il ne faut pas non plus négliger l’impact des réseaux sociaux sur ces sujets.
Pourquoi l’Ademe ne recommande-t-elle pas l’utilisation de la mention « neutre en carbone » ?
Cette mention ne va tout simplement pas dans le bon sens pour changer les comportements des consommateurs. On ne doit pas promettre un produit « neutre en carbone », car les consommateurs doivent comprendre l’impact des produits qu’ils achètent. Et l’utilisation des mentions de ce type fragilise encore la confiance du consommateur envers la communication des organisations.
Dans la langue française, le « neutre » veut bien dire qu’il n’y a pas d’impact. Il y a donc un imaginaire trompeur pour le consommateur qui a l’impression que son produit n’a pas d’impact. En plus, même si l’Ademe est totalement favorable au principe de compensation carbone qui permet de la solidarité climatique pour financer des projets, il y a bien différentes réalités. Il y a en effet une difficulté à faire le tri entre les acteurs qui ont une démarche sincère et ceux qui basent toute leur stratégie sur l’achat de crédit carbone à bas coût.
Enfin, parler de neutralité carbone contribue à mettre le carbone comme l’ennemi public n°1. Il ne faut pas oublier qu’il y a une panoplie d’autres impacts environnementaux, mais aussi des enjeux de changements de comportement, des enjeux de qualité de vie et des enjeux sociaux pour aller vers une société plus résiliente, plus juste, plus respectueuse du vivant.
Qu’est-ce qu’une communication responsable pour dire qu’un produit ou un service limite son impact ?
Il faut partir sur l’affichage environnemental du produit et non pas se limiter à son empreinte carbone. Car un produit peut avoir une faible empreinte carbone mais par exemple épuiser les ressources ou être toxique pour l’eau. Si l’entreprise veut communiquer sur sa stratégie de réduction côté carbone, à l’Ademe, on l’invite à communiquer sur un pourcentage de réduction d’émissions plutôt qu’une neutralité potentielle.
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