L’étoile de mer dite commune (Asterias rubens) est considérée comme une espèce invasive. Localisée en Europe du Nord, principalement dans la mer d’Irlande, la mer du Nord, la mer Baltique et la Manche, elle peut faire de gros dégâts. En Bretagne, certains éleveurs de moules de bouchot ont évalué des pertes de production liées à sa présence allant jusqu’à 60 % en 2017. Sa prolifération rapide est attribuée au changement climatique qui provoque une augmentation de la température de la mer et un manque d’eau douce, lié aux faibles précipitations.
Des chercheurs du laboratoire IRDL (Institut de recherche Dupuy de Lôme) se sont penchés sur une solution originale pour éliminer ces étoiles de mer. Dans le cadre d’un projet nommé SEMEA (séchage et méthanisation des astéries), ils ont étudié la faisabilité d’une filière locale allant de la récolte jusqu’à la valorisation de cette biomasse, grâce à un processus combinant le séchage et la méthanisation.
« Les quantités d’étoiles de mer sont très fluctuantes, explique Jean-Louis Lanoisellé, professeur à l’UBS (Université Bretagne Sud) et chercheur à l’IRDL. Il est nécessaire de les éliminer rapidement, car lorsqu’elles sont à l’air libre, elles se dégradent, ce qui provoque une odeur nauséabonde. Le séchage permet d’éviter ces odeurs et de les stocker dans de bonnes conditions. Il présente également l’intérêt de limiter leur dégradation, et donc la perte du potentiel de méthanisation. »
Les chercheurs ont étudié un mode de séchage à l’aide d’une technologie par jet d’air impactant qui permet d’améliorer la vitesse de séchage. Objectif : limiter la quantité d’eau présente dans les astéries à environ 10 %. Deux températures ont été testées, toutes les deux à des niveaux relativement modérés afin de limiter la consommation d’énergie. La première, à 40 degrés, a nécessité un temps de séchage de 480 minutes et la seconde, à 70 degrés, a demandé 200 minutes.
« Les températures testées conviennent toutes les deux, précise le chercheur. Après, pour ajuster le niveau, il s’agit d’un compromis entre le temps de séchage, la consommation énergétique et la dimension du séchoir. Cette élimination des étoiles de mer nécessite une collaboration entre des pêcheurs et des agriculteurs en bord de mer possédant des équipements de séchage et de méthanisation. Les séchoirs agricoles ont l’avantage de fonctionner souvent à basse température. »
Un temps de dégradation dans le digesteur d’une trentaine de jours
Une fois séchées, les astéries deviennent très friables et peuvent être facilement fractionnées en petits morceaux de quelques millimètres avant d’être introduites dans un méthaniseur. Dans le cadre de ce projet, la méthanisation a été réalisée en laboratoire. Les scientifiques ont observé un temps de méthanisation de l’ordre d’une trentaine de jours. Comparé à d’autres matières, ce temps de dégradation est jugé assez rapide. Pour les besoins de l’expérimentation, ces étoiles de mer représentaient l’unique matière introduite dans le méthaniseur. Les chercheurs voulaient savoir si les molécules présentes dans les étoiles de mer, et qui sont réputées comme toxiques et antibactériennes, allaient stopper le processus de décomposition de la matière organique par les bactéries dans le digesteur. Il n’en a rien été.
« L’une des difficultés pourrait se situer au niveau de la teneur assez importante en matières minérales présentes dans cette biomasse, analyse Jean-Louis Lanoisellé. Elles ne sont pas digestibles et ne peuvent pas être transformées en d’énergie. Ces matières minérales se décantent et restent dans le fond du digesteur. Ce phénomène pourrait poser un problème sur les méthaniseurs qui ne sont pas conçus avec un système d’évacuation des matières solides présentes dans le fond de la cuve. »
Une analyse du bilan énergétique du processus démontre que la chaleur générée par le biogaz à partir des étoiles de mer pourrait couvrir entre 22 % et 96 % de la chaleur totale nécessaire pour l’opération de séchage. Cet important écart dépend de l’optimisation des procédés mis en œuvre. L’analyse économique révèle quant à elle que la valorisation du biogaz produit via la cogénération pour une production combinée de chaleur et d’électricité ou via l’injection directe dans le réseau de gaz naturel pourrait couvrir le coût du traitement.
« Cette étude préliminaire montre que la voie du séchage et de la méthanisation peut être une solution pour répondre à une problématique locale de cette espèce invasive, déclare Jean-Louis Lanoisellé. Ce travail de recherche pourrait déboucher sur une démarche plus globale puisque la région Bretagne voudrait valoriser les molécules d’intérêt présentes dans les astéries. La méthanisation pourrait ensuite être utilisée pour les éliminer, mais à condition que toute la matière organique des astéries n’ait pas été prélevée lors de l’étape de la valorisation. »
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