Légers, résistants et polyvalents, les matériaux composites ont aujourd’hui pris une place majeure dans l’industrie de pointe, notamment dans les secteurs de l’aéronautique, de l’automobile et de l’énergie. La recherche de performances spécifiques, d’une meilleure durabilité ou d’une réduction des coûts de fabrication fait d’ailleurs du développement de nouveaux composites l’une des priorités de l’innovation industrielle. Le procédé de fabrication qui consiste à combiner au moins deux matériaux non miscibles de nature différente semble offrir une infinité de possibilités, ouvrant la voie au développement de nouveaux matériaux « sur mesure », possédant des propriétés bien spécifiques, ciblées pour un type d’utilisation.
Matériaux composites : un recyclage difficile
Mais la recherche sur les composites ne se limite cependant pas à leur développement. Une nouvelle problématique est en effet apparue ces dernières années : que faire de ces matériaux lorsqu’ils arrivent en fin de vie ? La nature même des composites, qui sont souvent à base de polymères thermodurcissables, les rend en effet très difficiles à recycler. « Aussi merveilleux que soient ces matériaux pour la fabrication de véhicules économes en énergie, le problème avec les composites est que nous n’avons pas de moyen pratique pour les recycler, de sorte que ces matériaux finissent dans les décharges », explique Travis Williams, professeur de chimie à l’Université de Californie du Sud (USC) dans un communiqué.
C’est notamment le cas des fibres de carbone (polymères renforcés de fibres de carbone, CFRP). Leur grande légèreté couplée à leur grande résistance et une forte rigidité en font un matériau prisé notamment dans l’aéronautique. On estime ainsi qu’entre 6 000 et 8 000 avions commerciaux contenant des composites arriveront en fin de vie d’ici 2030, tandis que le secteur de l’éolien produira d’ici 2050 environ 483 000 tonnes de déchets CFRP.
Dans une optique de développement durable, la recyclabilité de ces matériaux devient donc un nouvel enjeu.
Objectif : récupérer les fibres tout en valorisant la matrice polymère
Certes, il existe bien actuellement une méthode de recyclage. La combustion nécessaire à la récupération des fibres de carbone entraîne cependant la perte de la matrice polymère. Un procédé qui n’est d’ailleurs appliqué qu’à 1 % seulement des déchets CFRP. Pourtant, comme le fait remarquer Steven Nutt, professeur d’Ingénierie chimique à l’Université de Californie du Sud, « la matrice est un matériau technique que nous ne souhaitons pas sacrifier », à la fois pour des raisons économiques et environnementales.
Le procédé présenté dans une nouvelle publication, parue dans la revue Journal of the American Chemical Society, se veut donc novateur sur ce point. « Notre méthode a le potentiel de créer de nouvelles chaînes de valeur dans le recyclage et l’industrie chimique tout en réduisant considérablement l’impact environnemental des matériaux composites », explique Travis Williams, qui a encadré ce projet.
Recyclage des fibres de carbone : les champignons à la rescousse
La stratégie développée consiste premièrement à recycler les fibres de carbone des CFRP en transformant la matrice polymère en acide benzoïque. Un composé dont raffole Aspergillus nidulans, une souche de champignon filamenteux modifiée, créée pour la première fois dans le laboratoire de Berl Oakley (Université du Kansas). La matrice est ainsi valorisée par biocatalyse. Le champignon, consommant l’acide benzoïque, produit en effet de l’OTA ((2Z,4Z,6E)-octa-2,4,6-trienoic acid), un acide organique habituellement utilisé dans le domaine médical et pharmaceutique, notamment pour la confection d’antibiotiques et d’anti-inflammatoires. Pour Clay Wang, co-auteur de l’étude et professeur au Département de Pharmacologie et des Sciences Pharmaceutiques à l’USC, « cette découverte est importante puisqu’elle montre qu’il existe une façon efficace de transformer ce qui était précédemment considéré comme un déchet en un produit valorisable dans le domaine médical ».
Les chaînes de réactions ont également été réfléchies pour préserver au maximum la longueur des fibres de carbone, de sorte qu’elles puissent être transformées en nouveau composite, sans perte de leurs propriétés mécaniques par rapport à des fibres de carbone vierges. L’équipe annonce ainsi une conservation de 97 % de la résistance initiale.
Il s’agirait du premier procédé à permettre un recyclage efficace et une valorisation à la fois des fibres de carbone et de la matrice polymère. Ces résultats démontrent notamment l’apport de la biotechnologie dans ce contexte de valorisation des déchets composites. Un concept qui offre très certainement des solutions prometteuses applicables à plus grande échelle pour une gestion durable des matériaux.
Par Morgane Gillard
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