Le méthane (CH4) est un puissant gaz à effet de serre dont le potentiel de réchauffement climatique moyen est 28 fois supérieur à celui du CO2. S’il peut être valorisé lorsqu’il est récupéré sous sa forme concentrée, il est à combattre quand il est émis de manière diffuse (dégradation des déchets, traitement des eaux usées…) et en particulier dans les espaces clos. Lorsque sa concentration dans l’air est inférieure à son point d’inflammabilité (5 %), la biofiltration est considérée comme une alternative rentable pour le transformer. Dans le cadre d’un projet baptisé BioMeth1, des scientifiques tentent de démontrer l’efficacité d’un procédé de biofiltration fonctionnant avec un champignon : le fusarium solani.
La biofiltration est une technique d’épuration qui repose sur l’utilisation d’un support sur lequel se développent des microorganismes (bactéries, champignons) qui sont capables d’éliminer des polluants. « Dans le cas du méthane, au lieu d’obtenir une oxydation par combustion, ici, ce sont les microorganismes qui vont l’oxyder, explique Cécile Hort enseignante-chercheuse au LaTEP (Laboratoire de Thermique, Energétique et Procédés). La biodégradation du méthane grâce à des bactéries fait déjà l’objet d’études, mais ce n’est pas le cas avec des champignons. Des travaux réalisés par l’université des Andes au Chili ont déjà constaté l’efficacité du fusarium solani pour dégrader le méthane, mais sans le démontrer. C’est tout l’objet de notre projet. »
Contrairement aux bactéries qui se développent de manière verticale, l’intérêt des champignons est qu’ils peuvent se développer de manière horizontale sur le support du biofiltre, ce qui permet d’augmenter la surface d’échange avec le méthane et donc d’obtenir une meilleure efficacité du procédé biologique. Autre avantage : le champignon est capable de se développer dans une phase liquide-solide, mais peut aussi se développer de manière totalement aérienne alors que la bactérie a besoin d’un milieu aqueux. Le fusarium solani est un champignon que l’on rencontre couramment dans l’environnement humain et présent aussi bien dans les régions tropicales et intertropicales qu’en zone tempérée.
Utiliser du carbone marqué pour différencier le méthane biodégradé
Pour démontrer l’efficacité de ce nouveau procédé, la méthode expérimentale consiste à utiliser un tube dans lequel est placé un support sur lequel pousse le champignon, puis à faire circuler du méthane à l’intérieur. Au lieu d’utiliser du méthane classique, possédant une masse molaire de 12 grammes par mole, les chercheurs utilisent un carbone marqué dont la masse molaire s’élève à 13 grammes par mole. « On peut ainsi facilement le différencier et si ce méthane marqué est biodégradé, la biodégradation donnera du CO2, avec un carbone à 13 grammes par mole et non 12 grammes comme celui que l’on rencontre partout », complète Cécile Hort.
Des microcosmes sont aussi réalisés à l’aide de petits flacons dans lesquels les scientifiques tentent de reproduire le procédé de biofiltration pour observer la vitesse de dégradation du méthane. Des analyses par chromatographie en phase gazeuse sont également pratiquées pour compléter ces observations. Et pour comprendre la manière dont le méthane est dégradé, des chercheurs de l’IPREM (Institute of Analytical Sciences and Physico-Chemistry for Environment and Materials) sont aussi associés à ce projet et procèdent à des analyses de l’ADN et de l’ARN pour démontrer les phénomènes en jeu.
L’expérimentation a débuté et nécessite plusieurs mois avant que le champignon ne commence à biodégrader le méthane. « Nous espérons des premiers résultats en juillet, précise Cécile Hort. Ce type de procédé pourrait trouver des applications pour traiter les émanations diffuses de biogaz, celles que l’on ne sait pas canaliser ni valoriser, comme c’est le cas dans les stations d’épuration et les sites de traitement des déchets. La seule contrainte avec les champignons est que contrairement aux bactéries, il est plus difficile les maintenir en vie, car ils ont besoin d’un certain taux d’humidité et de température particulière. »
1 Procédé de Biofiltration fongique pour l’élimination du Méthane à faible concentration
Dans l'actualité
- « Il y a des fuites de méthane tout au long de la chaîne de production du GNL »
- Fort potentiel du biométhane
- Optimiser la valorisation du CO2 issu du biogaz pour fabriquer du méthane
- La production de biométhane gagne à être flexible
- Coup de boost pour le biométhane
- Sauver la planète, une bouchée à la fois : les solutions de l’industrie agroalimentaire
- Les plantes ont-elles des yeux ?
- 10 articles à lire à l’occasion de la Semaine de l’industrie 2024