Fabriqué à partir de graphène, un patch développé par la startup Grapheal se glisse à l'intérieur d'un pansement pour mesurer l'évolution de plaies chroniques et détecter le risque d'infection. Vincent Bouchiat, PDG de l'entreprise, nous présente cette innovation.
Mal soignées, les plaies chroniques peuvent avoir des conséquences graves et mener jusqu’à l’amputation du membre infecté. Pour améliorer la prise en charge des patients concernés, la startup Grapheal a conçu un pansement « intelligent » capable de surveiller l’évolution d’une plaie et transmettre les données mesurées au personnel de santé.
Le biocapteur à l’intérieur du pansement est fabriqué à partir de graphène, un nanomatériau carboné. Vincent Bouchiat, ex-chercheur au CNRS et PDG de la société, nous explique le procédé technologique et son intérêt médical.
Techniques de l’Ingénieur : Comment fonctionne cette innovation ?
Vincent Bouchiat, PDG de Grapheal : A l’origine, l’innovation est issue d’un laboratoire de recherche du CNRS, l’Institut Néel, où l’on étudie le graphène et ses applications en bioélectronique. Ce matériau est un bon conducteur électrique qui est sensible à l’environnement physico-chimique. Il peut servir de détecteur électrochimique et en même temps il est très flexible et biocompatible. Il présente donc des applications biomédicales. Nous utilisons la méthode du dépôt chimique en phase vapeur (CVD) pour fabriquer ce nanomatériau constitué d’une couche de carbone pur d’un seul atome d’épaisseur. Cette méthode consiste à décomposer du méthane à très haute température (1 000 °C) pour produire des atomes de carbone qui se déposent et se cristallisent sur un support de cuivre en présence d’hydrogène. Le graphène ainsi formé est ensuite transféré sur un polymère en plastique. Nous y ajoutons un microprocesseur, une mémoire et une antenne. Tout ceci forme un patch que l’on peut introduire à l’intérieur d’un pansement traditionnel quelle que soit la taille de ce dernier.
Quel est l’intérêt médical de ce patch ?
Il est capable de mesurer en temps réel et objectivement l’évolution d’une plaie, son degré de cicatrisation et ainsi détecter précocement les risques d’infection. Les données mesurées sont transmises, via un smartphone, sur une application et donc disponibles à distance au personnel soignant. La transmission est réalisée grâce au protocole NFC (Near Field Communication), celui utilisé pour le paiement sans contact ou le passe Navigo de la RATP. Ce patch s’adresse principalement aux personnes âgées ainsi qu’à celles atteintes du diabète et qui souffrent de plaies chroniques supérieures à six semaines. Ces plaies sont une véritable épidémie silencieuse qui coûte chaque année un milliard d’euros au système français de santé. On dénombre 12 000 personnes diabétiques amputées par an à cause d’infections liées à ces plaies. Nous souhaitons aussi développer un serveur sécurisé qui conserve tout l’historique des mesures ainsi que les soins prodigués aux malades, car ces plaies peuvent parfois durer trois à quatre ans. Avec le renouvellement du personnel soignant, il est actuellement difficile de retracer le parcours de soins, les antibiotiques administrés aux malades…
A quelle phase de votre projet en êtes-vous ?
Nous travaillons sur cette innovation depuis cinq ans. Des prototypes ont été réalisés ainsi que des essais in vitro et in vivo sur des animaux. Nous avons démontré la non-toxicité de notre technologie. Elle est protégée par des brevets qui couvrent le procédé de dépôt du graphène, celui du transfert du matériau sur un polymère et le dispositif médical. Nous allons débuter des essais cliniques sur des personnes saines puis sur des patients diabétiques. Le dossier d’agrément pour obtenir l’accord de la réglementation européenne est assez long et nous pensons commercialiser notre procédé en 2023. Nous allons profiter de ce temps pour effectuer un travail de pédagogie pour démontrer l’utilité de notre dispositif auprès des médecins qui prescriront son usage, des infirmiers qui auront à le gérer et bien sûr des patients. D’autres entreprises travaillent également sur un pansement « intelligent » mais utilisent des matériaux différents, comme le silicium. Ce matériau est, selon moi, moins adapté à l’usage d’un pansement et entraîne un coût plus élevé. Nous sommes la seule société à mesurer l’évolution d’une plaie à partir du graphène. Notre patch sera vendu environ 10 euros pour un usage unique.
Propos recueillis par Nicolas Louis.
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