En ville, les embouteillages ont pour effet d'augmenter les consommations de carburant des véhicules et au final les émissions de polluants. L'IFPEN a développé et expérimenté un outil de régulation pour adapter les limitations de vitesse en zones urbaines, en fonction de la densité du trafic afin de réduire la congestion.
Sur les autoroutes et certains périphériques des grandes agglomérations, sont installés des panneaux de signalisation avec des inscriptions lumineuses pour limiter la vitesse habituelle des véhicules en cas de forte affluence, dans le but d’éviter les bouchons. Ce type de dispositif a pour effet de réduire la pollution, car la diminution de la congestion permet de réduire les consommations de carburant et au final les émissions polluantes des véhicules. Pour l’instant, il n’est pas mis en œuvre en ville, un lieu où il est beaucoup plus complexe à installer, étant donné les multiples voies de circulation à contrôler. En collaboration avec le Gipsa-lab1, l’IFPEN (IFP Énergies nouvelles) a développé un outil de régulation des limitations de vitesse pour les zones urbaines, qui s’adapte à la densité du trafic en temps réel.
Cet outil a fait l’objet de plusieurs expérimentations grâce à des simulations numériques réalisées sur un réseau routier simplifié de type Manhattan, constitué d’artères toutes perpendiculaires les unes par rapport aux autres. Un simulateur de trafic a été utilisé pour reproduire la dynamique des véhicules selon différents niveaux de congestion, avec une prédiction de l’évolution du trafic sur les minutes à venir. Il a été couplé à un modèle numérique développé par l’IFPEN permettant d’estimer les niveaux de consommation de carburant ainsi que les émissions de polluants associés, à partir du profil de vitesse de chaque véhicule.
L’outil de régulation a été mis à l’épreuve en le soumettant à un plus ou moins grand nombre de véhicules au même moment. Résultat, alors qu’une limitation de vitesse de 50 km/h apparaît plus efficace sur le plan des consommations de carburant lorsque la densité du trafic est faible en raison du régime du moteur plus favorable, une limitation de 20 km/h devient moins énergivore lorsque le trafic se densifie. La limitation de vitesse permet en effet de retarder l’apparition de l’effet « accordéon » observé en cas d’embouteillage et donc de limiter les accélérations associées, qui sont grandement responsables de la surconsommation.
Une baisse des émissions polluantes de plus de 15 %
Dans le cadre de ces expérimentations, les scientifiques ont calculé que cet outil permettait de réduire la consommation de carburant et les émissions d’oxyde d’azote de plus de 15 % en moyenne en zone urbaine. « En pratique, le régulateur est très efficace quand on l’utilise en anticipation de la congestion, explique Bassel Othman, ingénieur recherche et développement à l’IFPEN. Lorsque le trafic est déjà congestionné, l’intérêt du régulateur est assez faible, car les véhicules sont quasi à l’arrêt. Il en est de même quand le trafic est très fluide. » Certains pourraient alors se poser la question de l’intérêt d’un tel outil, qui ne va servir que quelques heures par jour, aux heures de pointe ? « Mais c’est justement là que la pollution est la plus importante et qu’il faut intervenir », argumente Giovanni de Nunzio, chef de projet et ingénieur recherche et développement à l’IFPEN.
L’enjeu est donc d’identifier les zones qui vont être congestionnées, puis de tenter de réguler leur accès. « On peut le faire en augmentant la durée des feux rouges sur les brins routiers qui donnent accès à ces voies congestionnées, mais le problème est que l’on va accentuer le phénomène d’arrêt et redémarrage, analyse Bassel Othman. Il est préférable de réguler les véhicules en limitant leur vitesse. On réduit ainsi le débit pour rester à peu près fluide, cela permet de diminuer les consommations et les émissions polluantes. »
Cet outil a été expérimenté sur un cas-type où l’on connaît en avance les itinéraires de tous les véhicules. Pour l’utiliser en condition réelle dans une ville, il serait nécessaire d’obtenir des données sur les flux des véhicules. Ces données existent dans les métropoles, qui ont l’habitude d’installer des boucles de comptage sur des grands axes stratégiques, pour connaître les débits réels aux différentes heures de la journée. Sauf qu’ensuite des investissements seraient nécessaires sur l’infrastructure pour changer les panneaux de limitations de vitesse, afin de les rendre dynamiques en fonction de la congestion d’une zone. Dans le futur, la solution pourrait venir des véhicules connectés, qui recevraient les informations en temps réel sur les nouvelles limitations de vitesse pour éviter les embouteillages.
1 Le laboratoire GIPSA-lab (Grenoble Images Parole Signal Automatique) est une unité mixte du CNRS, de Grenoble-INP et de l’Université de Grenoble-Alpes, qui mène des recherches sur les signaux et les systèmes
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