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Un outil autonome en énergie qui rend intelligent les réseaux d'eau potable

Interview

Un outil autonome en énergie qui rend intelligent les réseaux d’eau potable

Posté le par Nicolas LOUIS dans Innovations sectorielles

La start-up Save innovations a développé une turbine capable de produire de l'électricité en toute autonomie qu'elle a couplée à un module de capteurs afin de mesurer plusieurs paramètres dans l'eau des canalisations. Elle souhaite ainsi aider les gestionnaires de réseaux à mieux surveiller la qualité de l'eau. Entretien avec le directeur général de l'entreprise.

Créée en 2012, la start-up Save Innovations a développé un outil pour mettre en place des réseaux d’eau potable intelligents, que l’on appelle également smart water. Il se compose d’une turbine capable de produire de l’électricité en toute autonomie dès qu’un faible flux d’eau la traverse, ainsi qu’un module de capteurs pour mesurer plusieurs paramètres dans l’eau. L’entreprise souhaite aider les gestionnaires de réseaux à mieux surveiller la qualité de l’eau pour respecter les normes sanitaires. Elle veut aussi aider à la préservation de la ressource en eau, en facilitant la détection des fuites, qui sont responsables d’environ 20 % des pertes en volume d’eau en France. Save innovations est lauréate du concours I-Nov 2019 organisé par l’Ademe et a reçu le label « Seal of Excellence » délivré par la Commission européenne. Olivier Salasca, directeur général de cette start-up, nous parle de la technologie développée, sur le point d’être industrialisée.

Techniques de l’Ingénieur : Pourquoi est-ce important de surveiller les réseaux eau potable ?

Olivier Salasca, directeur général de Save innovations. Crédit : Save innovations
Olivier Salasca, directeur général de Save innovations. Crédit : Save innovations

Olivier Salasca : En 2020, la Commission européenne a publié une refonte de la Directive Cadre Eau qui encourage les pays à plus de prévention dans la gestion des risques sanitaires. La France impose également aux gestionnaires de réseaux de limiter les fuites dans leurs canalisations. Il est important de cartographier les réseaux à l’aide de capteurs pour comprendre sur le plan physico-chimique ce qui se passe dans l’eau afin de prévenir tous risques de pollution. Par exemple, la présence d’une fuite peut entraîner l’entrée de matières à l’intérieur du réseau. Des accélérations brusques de débits peuvent aussi provoquer une remise en suspension de la matière dans l’eau. À certains endroits également, l’eau peut stagner et des bactéries peuvent se développer. Aujourd’hui, face à ces risques, les gestionnaires de réseaux ont tendance à injecter des quantités trop importantes de chlore dans le réseau. Cette manière de procéder ne va pas dans le bon sens, tant pour la santé des consommateurs, le goût de l’eau et l’environnement.

Face à cette situation, quelle technologie proposez-vous ?

Le système intégré développé par Save innovation regroupe une turbine pour produire de l'énergie à un module de capteurs d'analyse de la qualité de l'eau. Crédit : Save innovations
Le système intégré développé par Save innovation regroupe une turbine pour produire de l’énergie à un module de capteurs d’analyse de la qualité de l’eau. Crédit : Save innovations

Nous avons développé une turbine que l’on immerge dans l’eau, et lorsque l’eau passe à travers, elle fait tourner des pales, qui elles-mêmes font tourner un rotor constitué d’aimants. De chaque côté de ces aimants, sont placés des circuits en cuivre pour créer un alternateur, et il est conçu de telle façon qu’il n’y a pas de frein magnétique lors de faibles vitesses de rotation des pales. Grâce au design magnétique de cet alternateur que nous avons développé, nous parvenons à produire de l’énergie dès que l’eau s’écoule à une vitesse d’un m3 par heure. Cette performance est également liée au fait que la turbine est totalement immergée dans l’eau et qu’il n’y a pas d’arbre de transmission allant des hélices jusqu’à l’alternateur, qui est lui-même est dans l’eau. Cette première technologie constitue la brique énergétique de notre outil. Ensuite, nous avons développé un module pour mesurer sept paramètres physico-chimiques de l’eau recommandés par la Commission européenne, et qui sont le débit, la pression, le pH, le chlore, la température, la conductivité, et la turbidité.

Quels sont les avantages de votre procédé ?

Notre outil s’installe très simplement dans les canalisations d’eau potable existante ou neuve, il suffit d’enlever un bout de canalisation de 40 cm, pour la remplacer par notre canalisation intelligente, qui produit de l’énergie et prend des mesures. Notre système modifie très peu la pression du réseau, puisque son impact est inférieur à 0,1 bar. Concernant la transmission des mesures, elles sont principalement envoyées aux gestionnaires des réseaux par GSM 3G et 4G, mais il est également possible de le faire par Wi-fi ou ondes radio, selon les demandes des clients.

Pour cartographier un réseau d’eau potable, il faut installer de nombreux capteurs, environ un tous les 5 à 6 km de canalisation. La clé pour les déployer à grande échelle est l’autonomie en énergie. Il n’est pas envisageable de les alimenter grâce à du courant électrique, car cela nécessiterait des travaux de voirie trop importants. Ceux qui fonctionnent sur batteries ont leurs limites, car il faut remplacer régulièrement les piles. Du coup, la plupart transmettent les données toutes les 48 heures, afin d’éviter de les remplacer trop fréquemment, mais cela ne permet pas de détecter une anomalie sur le réseau en temps réel. Notre système est totalement autonome en énergie avec une durée de vie de 10 ans, et transmet les données toutes les minutes. Un point important concerne la maintenance de ces capteurs. Nous avons développé notre propre système d’analyse des paramètres de l’eau et obtenu une stabilité ainsi qu’une durabilité des mesures. Du coup, il n’y a pas besoin de les calibrer avant six mois, et nous visons une à deux calibrations par an.

Enfin, étant donné que notre outil s’installe dans les canalisations, il ne doit pas dégrader la qualité de l’eau. Aucun matériau impropre à la consommation d’eau potable ne doit être utilisé, ce qui limite beaucoup les choix et constitue une vraie barrière au développement d’une telle technologie. Notre outil est fabriqué à l’aide de polymères et de céramiques spécifiques, et toutes les pièces de roulement fonctionnent sans aucun lubrifiant. Nous avons ainsi réussi à obtenir l’homologation ACS (Accréditation de conformité sanitaire).

Comment parvenez-vous à identifier les fuites ?

Nous ne pouvons pas les identifier précisément, mais notre système facilite leur localisation. Les réseaux sont déjà divisés en secteurs, et les gestionnaires analysent les volumes d’eaux en entrées et ceux en sorties à travers la consommation des ménages, et parviennent ainsi à déceler les fuites en calculant la différence. Étant donné que nos capteurs quadrillent plus finement le réseau et qu’ils sont équipés de débitmètres, nous aidons à mieux localiser les fuites, puisque le secteur à surveiller est plus petit. De plus, la nuit, il n’y a quasiment pas de consommation d’eau, et nos capteurs aident à identifier les débits anormaux.

À quel stade se trouve votre projet ?

Notre turbine qui produit de l’électricité est déjà installée depuis 6 ans en France et dans des pays limitrophes chez des gestionnaires de réseaux d’eau potable. Elle leur a permis d’alimenter leurs propres capteurs d’analyse de la qualité de l’eau. Notre module de capteurs a été développé dans un second temps et tous les pilotes que nous avons développés ont été testés et validés sur le terrain. Nous sommes actuellement dans une phase d’industrialisation de notre système intégré, c’est-à-dire la turbine couplée à notre module de capteurs, et nous commençons à le déployer en France et à l’international. Nous travaillons déjà avec Suez et Véolia et nous avons déjà des premières commandes en région Rhône-Alpes et en Suisse.

Pour aller plus loin

Posté le par Nicolas LOUIS

Les derniers commentaires

  • L’eau est plus précieuse que l’or, et l’investissement d’un tel système n’est rien comparé aux problèmes qu’engendreraient pour tous, son absence.


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