Les récifs coralliens sont extrêmement précieux. Ils abritent au moins un quart des espèces marines et contribuent à l’alimentation de centaines de millions de personnes. Ils fournissent également un habitat aux poissons et à d’autres espèces marines. En 2021, l’agence américaine d’observation océanique et atmosphérique (National Oceanic and Atmospheric Administration ou NOAA) estimait qu’entre 30 et 50 % d’entre eux avaient déjà disparu sur la planète et prédisait que si rien n’était fait, les écosystèmes des récifs tropicaux pourraient être confrontés à une extinction d’ici à la fin du siècle. Aujourd’hui, elle sonne l’alerte, car la planète subit un quatrième épisode mondial de blanchissement des coraux et le second en dix ans.
Ce phénomène est lié à l’augmentation persistante des anomalies de température océanique observées et modélisées dans de vastes zones des océans Atlantique, Pacifique et Indien. Les coraux hébergent dans leurs tissus des microalgues appelées zooxanthelles qui leur donnent leur couleur. Lorsque ces microalgues sont stressées, comme c’est le cas avec la montée en température de l’eau de mer, elles sont expulsées par les coraux dont les tissus transparents laissent alors apparaître leur squelette blanc.
« De février 2023 à avril 2024, un blanchissement important des coraux a été documenté dans les deux hémisphères sud et nord de chacun des principaux bassins océaniques », déclare le docteur Derek Manzello, coordinateur de la surveillance des récifs coralliens (le Coral Reef Watch ou CRW) de la NOAA. Au total, 53 pays, territoires et économies locales sont concernés parmi lesquels la Floride, les Caraïbes, l’océan Pacifique tropical Est, la Grande Barrière de corail d’Australie, ainsi que de vastes zones du Pacifique Sud, de la Mer Rouge, du golfe Persique et du golfe d’Aden.
Un blanchiment sévère et prolongé peut entraîner la mort des coraux
Ce blanchissement a été mis en évidence grâce à la surveillance du stress thermique basée sur des données de température de surface de la mer et l’utilisation de satellites qui permettent d’établir des cartes de zone d’alerte du blanchiment avec une résolution de 5 km. Il doit encore être confirmé dans chaque bassin océanique pour pouvoir affirmer de manière définitive qu’il s’agit bien d’un phénomène mondial. Mais des rapports locaux signalant un blanchissement étendu dans plusieurs régions de l’océan Indien occidental, comprenant la Tanzanie, le Kenya, Maurice, les Seychelles, l’île Tromelin, Mayotte, ainsi qu’au large de la côte ouest de l’Indonésie, ont d’ores et déjà confirmé ce phénomène.
Depuis de nombreuses années, plusieurs prédictions de modèles climatiques suggèrent que le blanchissement devrait s’accroître dans le futur. « Avec le réchauffement continu des océans de la planète, le blanchissement des coraux augmente en fréquence et en intensité », explique le docteur Manzello. Lorsque les épisodes de blanchissement sont suffisamment sévères ou prolongés, ils peuvent entraîner la mort des coraux, ce qui peut avoir un effet négatif sur les services rendus par les récifs coralliens aux populations qui en dépendent pour leur subsistance. » Malgré tout, ce blanchissement des coraux n’entraîne pas systématiquement la mort de ceux-ci. Si le stress à l’origine du blanchissement diminue, les coraux peuvent se rétablir et les récifs maintenir leur biodiversité et continuer à fournir des services écosystémiques.
Ce phénomène de blanchiment nécessite des actions à l’échelle mondiale. Depuis 1995, l’ICRI (International Coral Reef Initiative), une initiative internationale qui regroupe 101 membres dont 45 pays gardiens de 75 % des récifs coralliens du monde, mène des actions de gestion des récifs basées sur la résilience. Plusieurs méthodes sophistiquées d’intervention et de restauration ont été développées pour faire face au changement climatique. Par exemple, face à l’épisode de canicule qu’a connu la Floride en 2023, des pépinières de corail ont été déplacées dans des eaux plus profondes et plus froides et des parasols ont été déployés pour protéger les coraux dans d’autres zones afin de contrer les impacts négatifs de l’augmentation des températures de l’eau.
Dans l'actualité
- Adaptation au changement climatique : les entreprises sommées d’agir
- Le changement climatique pourrait pousser un tiers de l’humanité à migrer d’ici 2100
- Le potentiel de l’agroforesterie pour réduire le changement climatique
- La chaleur extrême, risque accentué par le changement climatique
- Juillet 2023 : des records de chaleur liés au dérèglement climatique
- L’effondrement de la biodiversité en Europe est-il une réalité ?