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Interview

Un nouvel atlas pour mieux connaître les glaciers terrestres

Posté le par Matthieu Combe dans Environnement

Une nouvelle étude dévoile l’atlas d’écoulement de l’ensemble des glaciers de montagne. Connaître leur vitesse d’écoulement permet de mieux comprendre les stocks de glace qu’ils renferment et suivre leur évolution face au changement climatique.

Connaître l’épaisseur des glaciers est capital pour évaluer leur évolution face au changement climatique. Et comme les glaciers s’écoulent sous l’effet de leur poids, leur écoulement est intimement lié au volume et plus spécifiquement à la distribution spatiale de la glace. En étudiant plus de 800 000 paires d’images satellites, des chercheurs du CNRS, de l’Université Grenoble Alpes et de Dartmouth College (États-Unis) établissent la première carte globale des vitesses d’écoulement de 98 % des glaciers terrestres. Romain Millan, premier auteur de cette étude publiée le 7 février 2022 dans Nature Geoscience, réalisée lorsqu’il était post-doctorant à l’Institut des Géosciences de l’Environnement (IGE), nous explique ces résultats.

Techniques de l’Ingénieur : Votre étude a permis de faire une nouvelle estimation des volumes stockés dans les glaciers terrestres. Quels sont vos résultats par rapport aux évaluations précédentes ?

Romain Millan. © CNRS/IGE

Romain Millan : Tout d’abord, il faut savoir que la cryosphère comprend des glaciers de montagne et les grandes calottes polaires comme le Groenland et l’Antarctique. Notre étude estime les volumes de glace stockés dans 98 % des glaciers de montagne, et n’évalue pas les volumes des calottes polaires du Groenland et de l’Antarctique. Nous avons pu faire une nouvelle estimation des volumes de glaces des glaciers de montagne grâce à des mesures satellitaires et des analyses de terrain. Cela représente plus de 200 000 glaciers. Les glaciers manquants sont souvent situés dans des endroits difficilement observables depuis l’espace, par exemple à cause de couvertures nuageuses permanentes.

Notre étude estime ainsi que, entre les années 2017 et 2018, les glaciers de montagne renferment plus de 140 000 km³ de glace. La méthode ne permet pas de reconstituer l’évolution des volumes de manière saisonnière, c’est une estimation pour une période spécifique. À titre de comparaison, l’Antarctique en renferme plus de 28 millions de km³ et le Groenland 3 millions de km³, ce qui est difficilement appréciable pour la plupart des gens.

Le volume des glaciers de montagne est environ 11 % plus faible que les estimations précédentes. Mais cela cache d’importantes disparités à des échelles locales et régionales. Par exemple, dans les zones tropicales des Andes, où les habitants dépendent beaucoup des ressources en eau stockées dans les glaciers, l’étude estime des ressources jusqu’à 26 % plus faibles que les estimations précédentes. À l’opposé, dans l’Himalaya, dans les bassins de l’Indus et du Chenab, nous trouvons des volumes supérieurs d’un tiers par rapport aux estimations précédentes.

Comment avez-vous procédé pour mesurer ces volumes ?

On considère souvent les glaciers comme des masses de glace immobiles, mais en réalité ils bougent sous l’effet de leur propre poids. Naturellement, un glacier s’écoule un peu comme un fluide visqueux tel que le miel. Il ne faut cependant pas confondre cet écoulement avec une vitesse de fonte. Un glacier est séparé en deux parties : la zone d’accumulation où il y a des chutes de neige qui vont se transformer en glace avec le temps, et la zone d’ablation. La glace s’écoule de la zone d’accumulation vers la zone d’ablation où le glacier va fondre. Si l’on connaît la vitesse à laquelle il s’écoule, on peut alors remonter à la quantité de glace. Pour déterminer cette vitesse d’écoulement, il faut au minimum deux images satellites afin de pouvoir comparer le déplacement des crevasses à la surface du glacier.

Ce qu’il faut également savoir, c’est que la glace ne s’écoule pas exactement de la même manière en surface et au fond du glacier.  Évaluer ces différences est également très important pour reconstruire de manière juste l’épaisseur d’un glacier. C’est pour cela que les mesures faites directement sur le terrain sont aussi importantes pour connaître la manière dont les glaciers se déforment.

À quel point les vitesses d’écoulement varient-elles suivant les glaciers ?

Ce nouvel atlas de la vitesse d’écoulement glaciaire permet de voir qu’elle est très variée suivant les régions du monde et les types de glaciers. Il y a des glaciers par exemple dans les Alpes, comme le glacier du Miage qui s’écoule à quelques mètres par an. Mais on peut aussi avoir des glaciers en Patagonie qui s’écoulent à plusieurs dizaines de kilomètres par an. Par exemple, le glacier Penguin s’écoule à plus de 12 km par an.

Vitesses d’écoulement de la glace pour des glaciers des Andes. © Romain Millan, Jean-Baptiste Barré / CNRS / IGE – données cartographiques : Mapbox / OpenStreetMap / Maxar

Quel est l’impact du changement climatique sur les volumes d’eau dans les glaciers ?

Il y a un équilibre entre la glace qui s’accumule en altitude et celle qui fond en basse altitude. Si l’équilibre est maintenu, alors le glacier ne perdra pas de masse. Avec le changement climatique, les températures augmentent, et nous avons de moins en moins de glace qui s’accumule et de plus en plus de glace qui va fondre dans les basses altitudes. Donc l’équilibre est perturbé et les glaciers reculent.

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Posté le par Matthieu Combe


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