Des chercheurs ont développé un nouveau test rapide de dépistage du virus SARS-CoV-2 à partir d'un capteur électrochimique. Une étude clinique a montré que les résultats sont concordants à 88 % avec des analyses PCR. Rencontre avec Sabine Szunerits qui coordonne ces travaux de recherche.
Sabine Szunerits enseigne à l’université de Lille et réalise ses recherches à l’IEMN (Institut d’électronique, de microélectronique et de nanotechnologie), un laboratoire du CNRS. Ses travaux portent sur le développement d’applications biomédicales et en nanomédecine, telles que des capteurs électrochimiques et plasmiques ainsi que des patchs transdermiques permettant la délivrance contrôlée de thérapeutiques. En mars 2020, elle démarre un travail de recherche, en collaboration avec l’université de Marseille et le CHU de Lille, afin de fabriquer un test rapide de détection de la maladie Covid-19. Une étude clinique a montré que ce test est capable de détecter la présence du virus SARS-CoV-2 chez un patient en quelques minutes et avec une fiabilité proche de celle des tests PCR. Entretien avec Sabine Szunerits.
Techniques de l’Ingénieur : Comment fonctionne votre test de dépistage du Covid-19 ?
Sabine Szunerits : Nous avons développé un test rapide capable de détecter la présence du virus grâce à un capteur électrochimique. Il fonctionne à l’aide d’un potentiostat, un petit appareil de la taille d’une clé USB, qui permet de mesurer des phénomènes électrochimiques. Notre innovation a consisté à modifier l’électrode en lui ajoutant un ligand spécifique conçu à partir de nanobodies. Il s’agit de fractions d’antigènes, qui ont ici la particularité d’être reconnues par la protéine Spike du SARS-CoV-2. Ces nanobodies sont fabriqués à Aix Marseille Université, par l’équipe d’Alain Roussel, qui possède un savoir spécifique dans ce domaine. Ils sont orientés à la surface du capteur ; si le virus est présent dans l’échantillon prélevé, il va en quelque sorte s’attacher à cette interface et provoquer un changement au niveau du signal électrochimique du potentiostat. Celui-ci est connecté à un smartphone dans lequel est installé un logiciel et qui va permettre la mesure du résultat. La particularité de notre test est qu’il est fabriqué non pas à partir d’antigènes mais de nanobodies. Ils sont de très petite taille et ont les propriétés nécessaires pour provoquer une réaction électrochimique.
Quels sont les avantages de votre test comparé à ceux actuellement utilisés ?
Le résultat est très rapide et dure moins de 10 minutes. Sa sensibilité est beaucoup plus grande que les tests antigéniques actuellement. Nous avons réalisé une étude clinique au CHU de Lille sur 200 échantillons de patients positifs et négatifs. Les analyses ont été comparées avec la méthode PCR. Tous les résultats négatifs comme positifs se sont révélés concordants à 88% avec les analyses PCR. Sur le marché des tests rapides, nous avons actuellement la meilleure sensibilité puisque les tests antigéniques ont une fiabilité comprise entre 60 et 70 %.
Comparée aux tests PCR, notre méthode est plus directe. Nous n’avons pas besoin de réaliser un pré-traitement de l’échantillon consistant à détruire le virus pour accéder au matériel génétique ARN, puis à le convertir en ADN et l’amplifier. Il suffit de placer l’échantillon à analyser sur l’électrode modifiée et d’attendre 10 minutes. Autre différence significative : la méthode PCR permet de détecter le virus dans le corps à partir de son ARN mais ne permet pas de préciser si le virus est toujours actif ou pas. Cela peut par exemple signifier que le virus a bien été présent dans le corps à un moment donné mais que la personne n’est aujourd’hui plus contagieuse. Notre méthode détecte uniquement l’infectiosité grâce à la protéine Spike, c’est-à-dire l’enveloppe autour du virus. S’il est détruit dans l’organisme, notre test ne permet plus de le détecter.
Quelle suite va être donnée à ce travail de recherche ?
Ce test fonctionne actuellement à partir de prélèvements nasopharyngés. Nous continuons nos recherches pour qu’il soit efficace à partir de prélèvements salivaires. Nous espérons y parvenir dans les deux mois à venir. L’enjeu principal à présent est de trouver un partenaire industriel capable de fabriquer ces électrodes modifiées en grand nombre. Nous sommes en France et les démarches administratives sont longues et compliquées. Nous avons déposé un brevet avec la SATT Nord, un organisme qui aide au transfert technologique de la recherche publique vers le secteur privé. Une start-up est en cours de création et nous sommes en contact avec deux industriels français dans le but de fabriquer ce test à grande échelle.
Parallèlement, nous allons débuter, à partir de la mi-février, une étude clinique de plus grande ampleur, sur 1 000 personnes au CHU de Lille. Elle durera 3 mois et permettra de vraiment valider notre test ainsi que former le personnel à le pratiquer. Nous croyons vraiment dans notre technologie et nous espérons vivement mettre ce test à la disposition des CHU, des pharmacies, des aéroports, des écoles… le plus rapidement possible.
Vous développez également un autre test faisant appel à une technologie différente ; pouvez-vous nous le présenter ?
Oui, le test dont je viens de parler fonctionne à l’aide d’un capteur électrochimique et s’appelle Cordial-1. En mars 2020, lorsque nous avons débuté nos recherches, nous avons travaillé sur plusieurs techniques différentes afin qu’au moins l’une d’elles aboutisse. À cette époque, nous avons répondu à un appel à projet européen afin de développer un test à partir de la technologie SPR (Surface Plasmon Resonance). Notre demande de financement a été acceptée et ce projet nommé Cordial-S a démarré en septembre.
Ce test fonctionne à l’aide d’une technologie optique très souvent utilisée dans les laboratoires de recherche pour mesurer des affinités biologiques. Elle est donc également adaptée pour mesurer les interactions entre la protéine Spike et le virus SARS-CoV-2. Ce test fonctionne à l’aide de particules magnétiques enrichies en virus. Et là encore, il fait appel à des nanobodies. Nous sommes sur le point d’assembler trois briques technologiques différentes et si tout se passe bien, les études cliniques doivent commencer en avril. Si elles sont concluantes, le premier prototype sera fabriqué en juin. Ensuite, la phase de production à grande échelle pourra démarrer. Deux partenaires industriels sont associés dans ce projet, l’un en Irlande (Magnostics) et l’autre en Israël (PhotonicSys). Les équipes de l’université de Marseille et du CHU de Lille sont également à nos côtés pour développer ce test.
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