Le laboratoire CP2M a développé un réacteur constitué d'une colonne d'eau à l'intérieur de laquelle sont placées deux mousses élastomères soumises à des cycles de compression et détente. Utilisé notamment pour transformer le CO2, il permet une intensification du transfert gaz-liquide, tout en consommant peu d'énergie.
Face au réchauffement climatique, il devient urgent de limiter drastiquement les émissions de CO2 dans l’atmosphère. Depuis plusieurs d’années, des travaux portent également sur la conversion de ce gaz en une source de carbone utile. Dans le cadre d’un projet nommé DYNABIOCAT et cofinancé par les instituts Carnot Ingénierie@Lyon et MICA (Materials institute Carnot Alsace), le laboratoire CP2M (Catalyse Polymérisation Procédés & Matériaux) a développé un nouveau type de réacteur capable de transformer le CO2 gazeux en liquide avec un faible coût énergétique. Il s’agit d’une première étape indispensable avant de pouvoir produire des sels d’intérêts, comme des précipités de carbonate de magnésium ou de carbonate de calcium. Ce dernier composé est par exemple utilisé par les cimentiers pour fabriquer des bétons.
L’innovation repose sur la conception d’un réacteur, constitué d’une colonne remplie d’eau, à l’intérieur de laquelle sont placées deux mousses élastomères qui ont la particularité d’être soumises à des cycles de compression et détente. Comme le montre la vidéo ci-dessous, ce lit dynamique a pour effet de créer des forces de cisaillement des bulles de CO2 et ainsi favoriser le transfert matière du gaz au liquide. « C’est la première fois que la morphologie d’un garnissage est modifiée à l’intérieur même d’une colonne, déclare David Edouard, Maître de conférences à l’Université Claude-Bernard Lyon 1 et chercheur au CP2M. En le comprimant, le garnissage mousse n’a pas la même porosité, et la tortuosité des fluides gaz ou liquide qui s’écoulent à travers est aussi modifiée ; deux paramètres qui sont normalement constants dans des procédés conventionnels. Malgré cette déformation in situ, le volume global du garnissage mousse reste constant puisque lorsque l’une est comprimée, l’autre se détend. Ces cycles ont pour effet de fractionner les bulles de gaz, de les rendre plus petites et ainsi favoriser le transfert gaz-liquide. »
Le réacteur à lit dynamique développé par le laboratoire CP2M. Crédit : Institut Carnot Ingénierie@Lyon
En moyenne, les procédés conventionnels avec un garnissage de deux mousses fixes parviennent à dissoudre environ 500 à 600 mg de C02 par litre d’eau. Grâce à ce réacteur dynamique, la dissolution peut atteindre 1 800 à 1 900 mg/l, soit 3 à 4 fois plus. Et ceci, avec les mêmes conditions de débit de gaz et de liquide, de température et de pression. Cette performance présente l’intérêt de permettre la conception de réacteurs très compacts. La colonne ne mesure en effet que 16 cm, alors qu’avec un lit fixe conventionnel, elle devrait mesurer environ 80 cm, afin d’y accueillir plus de mousse, et ainsi atteindre le même niveau de dissolution du CO2. « En plus de leurs coûts plus élevés, les industriels n’aiment pas les colonnes de grandes dimensions, car elles posent des problèmes de distribution du gaz et du liquide, et des phénomènes de courts-circuits ou de volume mort, analyse le chercheur. Ici, l’intérêt est d’avoir un procédé miniature et peu encombrant permettant une intensification du transfert gaz-liquide et donc une bonne maîtrise de la réaction. »
La consommation électrique ne dépasse pas 35 watts
Au final, le transfert de matière gaz-liquide, mesuré par le coefficient kla (s-1), se trouve grandement amélioré. Il s’élève en effet à environ 10-2 s-1, contre environ 10-3 s-1 pour les systèmes conventionnels à garnissage mousse fixe, soit une multiplication par 10. En contrepartie, la consommation d’énergie pour mettre en œuvre ce procédé est faible. « Pour actionner les cycles de compression et de détente in situ, nous avons conçu un système basé sur un vilebrequin à l’aide d’une roue qui tourne et un axe positionné à sa périphérie, qui monte et qui descend, précise David Edouard. Le système fonctionne à l’aide d’un petit moteur électrique dont la consommation électrique maximale ne dépasse pas 35 watts, soit moins qu’une ampoule. »
La seconde partie de ce projet de recherche, développée en collaboration avec l’ICS (Institut Charles Sadron), est en cours de finalisation. Elle a pour but de transformer le CO2 liquide en bicarbonate (HCO3-) puis en carbonate (CO32-). Cette dernière étape permet ensuite de déclencher les réactions de précipitation, pour produire par exemple des précipités de magnésium, baryum ou de calcium (carbonatation). Les scientifiques développent en ce moment un procédé pour encapsuler l’anhydrase carbonique. Il s’agit d’une enzyme naturellement présente dans le corps humain et capable de transformer de manière très efficace et très rapide le CO2 liquide en bicarbonate et carbonate. En raison de son coût, elle n’est pas employée à l’échelle industrielle. L’encapsulation de l’anhydrase carbonique à l’aide d’un hydrogel supramoléculaire présente l’intérêt de prolonger sa durée de vie. De plus, le caractère aqueux du gel associé au flux d’eau du réacteur doit permettre d’éviter l’accumulation de sels de carbonate et ainsi rendre le procédé plus performant dans le temps. Lorsque ce procédé sera au point, l’enjeu sera alors d’appliquer ces enzymes encapsulées sur les deux mousses élastomères du réacteur afin de les fonctionnaliser. Ainsi, immédiatement après le passage du CO2 sous sa forme liquide, il sera transformé en bicarbonate puis en carbonate et pourra réagir avec des ions Ca2+ ou Mg2+ pour réaliser des précipités d’intérêts.
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