Des chercheurs de l'université de Berkeley ont développé un procédé catalytique capable de recycler le polyéthylène et le polypropylène, deux polymères constituant les deux tiers des déchets plastiques dans le monde. Il pourrait ouvrir la voie à une véritable économie circulaire de ces plastiques, mais son industrialisation risque de se heurter à plusieurs obstacles.
Le polyéthylène et le polypropylène sont des polymères classés dans la catégorie des polyoléfines et qui constituent les deux tiers des déchets plastiques post-consommation dans le monde. Le premier se retrouve dans la plupart des sacs en plastique à usage unique et le second sert à fabriquer, entre autres, des pièces pour l’industrie automobile (pare-chocs) ou des composants pour des appareils électroménagers. Environ 80 % de ces plastiques finissent dans des décharges, sont incinérés ou simplement jetés dans les rues, se retrouvant souvent sous la forme de microplastiques dans les cours d’eau et les océans. Le reste est recyclé en plastique de faible valeur, transformé en matériaux de terrasse, en pots de fleurs et en couverts…
Des chercheurs de l’université de Berkeley en Californie ont développé un procédé catalytique pour recycler ces deux polymères afin de les transformer en gaz hydrocarbonés réutilisables pour la fabrication de nouveaux plastiques. Leurs travaux, publiés dans la revue Science, ouvrent la voie à la création d’une économie circulaire de ces plastiques, réduisant ainsi la nécessité de fabriquer de nouveaux plastiques à partir du pétrole, qui génère des gaz à effet de serre.
Le procédé développé est capable de décomposer les sacs en polyéthylène en monomère de propylène, pouvant ensuite être recyclé pour fabriquer des plastiques en polypropylène. Pour cela, deux catalyseurs solides sont utilisés. Le premier, à base de sodium sur alumine, est capable de casser ou de craquer efficacement divers types de chaînes de polymères de polyoléfine, laissant l’un des deux morceaux avec une double liaison carbone-carbone réactive à l’extrémité.
Un deuxième catalyseur, à base d’oxyde de tungstène sur silice, vient ensuite ajouter un atome de carbone à l’extrémité de la chaîne au gaz d’éthylène, qui circule en permanence dans la chambre de réaction pour former une molécule de propylène. Ce dernier processus, appelé métathèse d’oléfine, laisse derrière lui une double liaison à laquelle le catalyseur peut accéder de manière continue jusqu’à ce que la chaîne entière soit convertie en propylène.
La même réaction se produit avec le polypropylène pour former une combinaison de propylène et d’un hydrocarbure appelé isobutylène. Ce dernier est utilisé dans l’industrie chimique pour fabriquer des polymères destinés à des produits allant des ballons de football aux cosmétiques, ainsi que pour fabriquer des additifs pour essence à indice d’octane élevé.
Le recyclage à grande échelle représente un véritable bond en avant à franchir
Selon les chercheurs, les deux catalyseurs ont été capables de transformer avec une efficacité de près de 90 % un mélange presque égal de polyéthylène et de polypropylène, en propylène et isobutylène. Et lorsque le polyéthylène ou le polypropylène se retrouvent seuls, le rendement atteint des niveaux encore plus élevés. L’avantage du procédé est qu’il n’utilise pas d’eau et nécessite moins d’énergie que d’autres méthodes de recyclage. Il est même « plus efficace que la fabrication de nouveaux plastiques, dits vierges », affirment les auteurs de ces travaux de recherche.
Interrogé dans le Los Angeles Times, Neil Tangri, directeur scientifique et politique de l’Alliance mondiale pour les alternatives aux incinérateurs, une organisation environnementale internationale, émet quelques réserves quant à la future industrialisation de ce procédé. « Mon avertissement principal est que passer d’une analyse en petits lots en laboratoire à un fonctionnement à grande échelle dans des conditions réelles… c’est un énorme bond en avant, explique-t-il. Il n’est donc pas certain que nous allons voir ce passage à la production commerciale d’ici un an ou deux. »
De plus, même si la température nécessaire à la catalyse (plus de 600 degrés) est inférieure à celle de la pyrolyse ou du craquage, le procédé nécessite néanmoins beaucoup d’énergie et « crée donc potentiellement une empreinte carbone assez importante », estime-t-il. En outre, cette température est celle « à laquelle les dioxines ont tendance à se former. »
Enfin, il considère que le tri et le nettoyage nécessaires au bon fonctionnement de ce procédé lorsque les plastiques sont contaminés, ainsi que sa consommation d’énergie auront pour effet de surenchérir le coût de ce plastique recyclé, qui ne pourra pas être mis sur le marché à un prix compétitif comparé à un plastique vierge.
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