9,2 milliards de tonnes. C’est la quantité de plastiques produite dans le monde depuis 1950. Un volume qui ne cesse de progresser et qui devrait dépasser le seuil des 12 milliards d’ici 2050. En France, 3,5 millions de tonnes de déchets plastiques ont été collectés en 2018, dernier chiffre connu. 23 % de ce volume est recyclé, 42 % est incinéré pour produire de l’énergie et 35% est stocké dans des centres de stockage. L’IMT Atlantique développe un procédé de valorisation des déchets thermoplastiques par voie de pyrolyse qui produit des carburants alternatifs ainsi que de l’électricité.
Certes, ce procédé thermique pour traiter les déchets plastiques n’est pas nouveau, mais le concept développé présente une originalité, comme le décrit Sary Awad, chercheur à l’IMT Atlantique : « Une partie des carburants produits par la pyrolyse va servir à alimenter un moteur diesel dont la chaleur résiduelle, comprise entre 400 à 500 degrés, va permettre d’alimenter la pyrolyse, qui a besoin de la même température pour fonctionner. Sur le plan thermique, ce système tourne en boucle et est donc auto-therme. »
Concrètement, sur un kilogramme de déchets plastiques, composé d’une proportion plus ou moins grande de polyéthylène et de polypropylène, la pyrolyse va produire entre 190 et 240 grammes des gaz, sous la forme d’hydrocarbures légers tels que du méthane, du propane, du butane. Ces derniers pourront être valorisés comme gaz de pétrole comprimés (GPC) car ils possèdent une bonne teneur énergétique et ne contiennent pas d’oxygène.
Le diesel produit est entièrement consommé par le moteur thermique
Deux types de liquides vont aussi être issus de la pyrolyse : du diesel (entre 140 et 160 grammes) et de l’essence (environ 400 grammes). Ce diesel va être entièrement utilisé pour alimenter le moteur à combustion ; ce dernier produit quant à lui environ 7 kW d’électricité qui peuvent ensuite être injectés dans le réseau électrique. « Pour améliorer les caractéristiques de ce carburant, il est possible de lui rajouter jusqu’à 7 % de biodiesel afin qu’il soit identique au diesel distribué dans les stations-service, mais ce moteur peut également très bien fonctionner sans biodiesel », ajoute le chercheur.
Concernant l’essence, un additif devra obligatoirement être rajouté afin de valoriser ce carburant et lui donner les mêmes caractéristiques qu’une essence classique. De l’éthanol pourrait ainsi être introduit, jusqu’à 25 %. Par contre, étant donné que ce taux d’incorporation est actuellement réservé à la catégorie superéthanonol (E85), ce qui restreint son utilisation aux véhicules de type flex-fuel, il est possible de le substituer par de l’ETBE (Ethyl-ter-butyl-ether), un additif mis sur le marché pour remplacer le plomb dans l’essence. Dans ce cas, il est introduit avec une proportion moins importante.
La pyrolyse produit aussi un dernier composé, dont les premières analyses ont montré que sa composition est située dans la plage de distillation du kérosène. Mais les chercheurs de l’IMT n’ont, pour l’heure, pas tous les éléments pour le certifier totalement et des ajustements seront peut-être nécessaires pour que ce composé devienne du kérosène.
Les premiers résultats de ce travail de recherche, encore au stade de la preuve de concept, sont prometteurs. Alors qu’il n’a fait l’objet d’aucune optimisation, le prototype développé produit en effet 1,5 fois plus d’énergie primaire qu’il n’en consomme. Ce chiffre correspond à la différence entre l’énergie consommée par le moteur sous la forme de diesel et l’énergie produite par les autres carburants formés à la sortie de la pyrolyse et l’électricité produite par le moteur.
Un important axe de progrès a été observé pour améliorer ce prototype. « Nous avons constaté que seulement 10 % de la chaleur résiduelle pouvant être récupérée dans les gaz d’échappement servait à alimenter la pyrolyse, confie Sary Awad. Pour augmenter ce chiffre, nous avons démarré une étude pour modéliser les phénomènes thermochimiques afin de concevoir un réacteur plus compact et plus efficace en termes d’échanges thermiques. »
La pyrolyse offre une meilleure maîtrise de la dégradation des matières premières
À terme, ce nouveau procédé pourrait être adapté au recyclage des plastiques dans des secteurs où le rayon de collecte est faible, comme des zones peu urbanisées ou des îles. Car les quantités de déchets pour l’alimenter n’ont pas besoin d’être importantes pour qu’il soit rentable. Et contrairement à l’incinération qui ne produit que de la chaleur et de l’électricité, il présente l’avantage de produire en plus des carburants ou des produits chimiques, sous formes d’hydrocarbures légers. Concernant la chaleur résiduelle du moteur, une partie pourrait en effet ne pas servir à alimenter la pyrolyse et être valorisée différemment.
Sur le plan environnemental, la pyrolyse offre un meilleur contrôle de la dégradation des matières premières. Alors que l’incinération peut provoquer des réactions secondaires dans le four et produire des dioxines et des furanes, ce procédé thermique permet une meilleure maîtrise des rejets de ces composés dangereux pour la santé et l’environnement. Il est en effet possible de jouer sur les différentes étapes du processus de destruction des plastiques pour les capter.
Crédit photo Une : Sary AWAD, IMT Atlantique
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