Actuellement, les déchets inertes collectés par les déchetteries, et que l’on nomme plus communément les gravats, sont peu recyclés. Ils sont soit valorisés pour le réaménagement des carrières ou alors éliminés directement dans des installations de stockage de déchets inertes. Dans le cadre de l’appel à projets INNOV’R de l’Ademe, un projet baptisé ReFeR-BTP1 vise à concevoir un matériau alternatif à partir de ces déchets pour aménager des plateformes d’activité économique, et notamment servir de couche de remblais en vue de construire de futurs bâtiments et des parkings attenants. L’objectif final étant de participer à la préservation des ressources naturelles non renouvelables, au développement d’une société du recyclage, et de contribuer à la décarbonation des matériaux du BTP.
Dans un premier temps, un diagnostic du gisement d’une quinzaine de déchetteries publiques et de quatre déchetteries destinées aux professionnels a été réalisé. Elles sont toutes situées dans le secteur de Valence, au sud de la région Auvergne Rhône-Alpes. Résultat : il apparaît que 92 % de ces déchets inertes peuvent être recyclés. Ils sont principalement composés de parpaings, de blocs de béton, de briques de terre cuite, de céramiques, de terres excavées graveleuses,… « La part restante est constituée, entre autres, de plâtres, un matériau qui ne fait pas partie de la catégorie des déchets inertes, ainsi que d’autres éléments indésirables tels que du bois et du plastique, explique Laurent Eisenlohr, chef de groupe Economie circulaire et Matériaux au Cerema. Face à la présence de ces matériaux, nous avons travaillé avec les gestionnaires de ces déchetteries afin de leur expliquer notre démarche et qu’ils améliorent leur tri. »
Dans un second temps, ces déchets inertes, représentant plus de 10 000 tonnes, ont été triés, puis concassés en grave recyclée au moyen d’un concasseur mobile. Des échantillons ont été prélevés et des essais en laboratoire ont été réalisés pour caractériser ce matériau alternatif. D’un point de vue mécanique et géotechnique, ses performances ont été jugées suffisantes pour servir de couche de terrassement à de futures plateformes d’activité. « Au début, on se demandait s’il serait nécessaire de procéder à un traitement particulier pour obtenir ce matériau alternatif, confie l’expert du Cerema. Mais après concassage et criblage, on s’est aperçu que ses performances étaient suffisantes pour ces usages dans le génie civil. On observe à la fois la présence de matières fines, intermédiaires, moyennes et plus grossières pour obtenir un matériau stable. Et aucun gonflement n’a été noté. »
Le projet va rentrer dans une phase expérimentale
Les composés de ce matériau alternatif étant classé dans la catégorie des déchets, des tests sont actuellement en cours pour évaluer son impact sur le plan environnemental et sanitaire. Si les déchets inertes ne sont pas triés correctement, le principal risque pourrait se situer au niveau de la présence de plâtres. Des teneurs en sulfate non négligeables pourraient alors être observées et impacter d’une part les performances mécaniques du matériau, avec des risques de gonflement. Et d’autre part, sur le plan environnemental, contaminer des nappes d’eau situées à proximité à cause de l’eau de pluie qui traverserait le matériau et se chargerait en sulfate.
Le projet ReFeR-BTP va se poursuivre l’année prochaine et s’étendre à de nouvelles déchetteries. Ce matériau alternatif va aussi faire l’objet d’une expérimentation en conditions réelles et être utilisé sous deux bâtiments. « Pendant un an, nous allons suivre l’évolution de ses performances : sa stabilité, sa durabilité, l’absence de gonflement ou de dommages sur les dalles de béton sur la couche de remblais, poursuit Laurent Eisenlohr. À terme, ce matériau alternatif pourrait se substituer aux matériaux issus de carrière, et donc réduire la pression sur les ressources non renouvelables. Notre objectif est de parvenir à créer des filières locales pour permettre de réduire le temps de transport de ces matériaux pondéreux, pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre et au final l’empreinte carbone liée à leurs usages. »
1 Le projet ReFeR-BTP réunit, autour du groupe Cheval, plusieurs partenaires du domaine du BTP : le groupe Delmonico-Dorel, spécialisé dans les matériaux de construction, l’entreprise Valorsol, filiale dédiée à la collecte et la valorisation des déchets, le cluster Indura en charge de promouvoir l’innovation des infrastructures, ainsi que le Cerema.
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