Tout le monde a déjà pu observer ce qu’est un ressaut hydraulique. Lorsqu’un jet d’eau vertical frappe une surface plane, comme le fond d’un évier, il se forme autour de l’impact une paroi liquide circulaire. Autour du jet, l’écoulement est mince et rapide, puis à une certaine distance, une transition brutale apparaît avec un écoulement plus lent et plus épais et la formation d’un mur liquide, qui constitue un ressaut hydraulique circulaire.
Pour les industriels, ce phénomène peut venir perturber ou au contraire favoriser certains procédés de nettoyage et de refroidissement des surfaces, mais aussi les techniques d’impression 3D. Une équipe de chercheurs de l’IEMN (Institut d’électronique de microélectronique et de nanotechnologie) a mis en évidence que ce ressaut hydraulique peut s’ouvrir et se fermer plusieurs fois par seconde et a aussi identifié les paramètres qui régissent son apparition spontanée. Leurs résultats sont publiés dans la revue Physical Review Letters.
« Le ressaut hydraulique est étudié depuis Léonard de Vinci, mais il n’existe toujours pas de modèle analytique complet de ce phénomène et seulement quelques modèles empiriques qui fonctionnent plus ou moins bien, analyse Aurélien Goerlinger, doctorant à l’IEMN. Alors qu’il existait jusqu’ici un consensus sur le fait que le ressaut soit lié à la gravité du jet liquide, une controverse est apparue récemment sur le fait que ce phénomène serait lié à la tension de surface. À l’origine de notre travail, nous voulions clore cette controverse en étudiant ce qui se passait avec des petits débits et des petits jets liquides, car c’est un régime où la tension de surface peut avoir un rôle important. »
Pour leur expérimentation, les chercheurs ont utilisé un jet d’eau de moins de 1 millimètre de diamètre, projeté à travers une aiguille sur un disque de plexiglass. Ils ont observé l’apparition d’une oscillation (ouverture et fermeture) du ressaut hydraulique lorsque le débit du jet est compris entre 2 et 2,5 millilitres par seconde et une fréquence d’oscillation comprise entre 2 et 3 hertz, c’est-à-dire 2 à 3 fois par seconde. Ils ont aussi constaté qu’une fois installée, la période d’oscillation est indépendante de cette plage de débit, mais qu’en revanche, elle augmente avec la taille des disques utilisés, dont le rayon variait de 1 à 6 cm.
Un modèle numérique qui décrit le mécanisme d’oscillation du ressaut
Pour rendre compte de ces observations, un modèle théorique de la couche d’eau sur le disque dans laquelle le ressaut génère des vaguelettes, qui correspondent à des ondes de gravité, a été élaboré. Il a permis de montrer que le disque agit comme une cavité pour ces ondes et de constater que la fréquence d’oscillation du ressaut mesurée expérimentalement correspond toujours à une fréquence propre de la cavité prévue par le modèle. La couche de liquide sur le disque agit donc comme une caisse de résonance des vaguelettes, et ce sont les variations périodiques de la hauteur de la couche d’eau qui provoquent les oscillations du ressaut hydraulique.
Le modèle prévoit également la corrélation entre la période d’oscillation et le rayon du disque, comme observée expérimentalement. Par ailleurs, l’étude a montré qu’en décentrant l’impact du jet sur le disque, on obtenait d’autres fréquences d’oscillation. Et enfin, en utilisant deux jets simultanés, il est possible d’obtenir deux ressauts synchronisés qui oscillent en opposition de phase.
« À notre connaissance, cette oscillation n’avait jamais été reportée dans la littérature scientifique, révèle Aurélien Goerlinger. Sur le plan industriel, la mise en évidence de ce phénomène et des conditions dans lesquelles il apparaît est important, car l’oscillation modifie totalement les transferts thermiques et mécaniques entre le liquide et la surface que l’on veut nettoyer ou refroidir. Intuitivement, on peut penser que le fait que le ressaut se ferme plusieurs fois par seconde pourrait provoquer une perte d’efficacité du refroidissement ou du nettoyage des surfaces, car la zone proche de l’impact où l’écoulement est mince et rapide disparaît par intermittence. Mais peut-être que le fait qu’il s’ouvre et se ferme rapidement peut au contraire rendre plus efficace le jet. Nous sommes encore à un stade de compréhension de ce phénomène. »
Quant à la réponse à la controverse autour du mécanisme qui entre en jeu dans la formation du ressaut hydraulique, ce travail de recherche tendrait à démontrer que la tension de surface a un rôle très minoritaire selon le chercheur : « le fait que nous observons des petites variations de hauteur du mur liquide, qui ouvrent et ferment le ressaut, suffit à aller dans le sens que ce phénomène soit gravitaire. En tout cas, aucune tension de surface ne rentre en jeu dans la description du ressaut hydraulique oscillant de notre étude. »
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