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Un modèle pour prédire la mortalité liée aux températures extrêmes en Europe

Posté le 10 janvier 2025
par Nicolas LOUIS
dans Environnement

Des scientifiques ont développé un nouveau modèle capable de prédire un taux de mortalité lié aux températures extrêmes dans plusieurs régions d'Europe, plus de 10 jours en avance en hiver et 8 jours en été. Ce délai doit ensuite permettre de mettre en place des plans d'urgence adaptés en fonction de l'ampleur de la mortalité anticipée.

Chaque année, plus de 300 000 décès prématurés sont liés aux températures ambiantes en Europe. Actuellement, l’impact du froid sur la mortalité humaine est dix fois plus important que celui de la chaleur, mais cette saisonnalité risque de s’inverser dans le futur avec le changement climatique, qui va provoquer une augmentation rapide des décès dus aux chaleurs extrêmes. Ce changement est déjà visible puisque les températures record observées en 2022 et 2023 ont entraîné 110 000 décès supplémentaires, et il y a plus de 20 ans, la canicule de l’été 2003 avait provoqué 70 000 décès.

Les systèmes d’alerte utilisés afin de mettre en place des mesures de santé publique face à ce risque se basent quasi uniquement sur des prévisions météorologiques avec des seuils régionaux de température à ne pas dépasser, et dans quelques cas, sur d’autres variables climatiques, telles que l’humidité. Mais ils sont loin d’être suffisants, car ils ne tiennent pas compte du risque de décès. Or, quantifier ce risque est très important, car les moyens d’action de prévention à déployer seront différents selon qu’un nombre de décès de 100, 1 000 ou 10 000… personnes est anticipé sur une région donnée.

Une équipe internationale de chercheurs, regroupant des scientifiques espagnols, français et suisses, a développé un nouveau modèle de prévision qui tient compte à la fois des données météorologiques et de la mortalité. Pour cela, ils ont exploité les données de 58 millions de personnes décédées, classées par sexe et âge, dans 16 pays européens entre 1998 et 2012, ainsi que des données de températures entre 1998 et 2020. Leur travail vient d’être publié dans la revue Science Advances.

Pas de classification des décès liés aux températures dans les registres de santé

L’une des difficultés pour mener à bien ce projet a été d’identifier la mortalité liée à la température ambiante. Les registres de santé ne disposent en effet pas de catégories spécifiques pour identifier les décès dus aux températures, qui agissent généralement comme un facteur supplémentaire à un large éventail de comorbidités. Par exemple, les personnes meurent à cause d’une bronchopneumonie en cas de froid, ou de déshydratation ou d’accident cardiaque lors de fortes chaleurs, sans que ces problèmes de santé soient spécifiquement liés aux températures. En analysant les registres des décès jour après jour dans 147 régions européennes et en croisant ces données avec les températures journalières, les scientifiques sont parvenus à surmonter cet obstacle et à déterminer un score de probabilité de la mortalité liée aux températures.

Grâce à l’utilisation de modèles épidémiologiques, ils ont démontré qu’il est possible d’utiliser les prévisions de température pour réaliser des prévisions précises de la mortalité. Leur nouveau modèle est en effet capable de prédire un taux de mortalité lié aux températures, sur une région située en Europe, plus de 10 jours en avance en hiver et 8 jours en été. Ce délai doit ensuite permettre aux autorités publiques de mettre en place un plan d’urgence adapté en fonction de l’ampleur de la mortalité anticipée. Les chercheurs ont aussi observé que le risque de décès dû aux températures chaudes est immédiat et aigu et ne dure généralement pas plus de 5 jours, tandis que celui lié aux températures froides commence avec un décalage d’un ou deux jours et peut persévérer pendant quelques semaines.

Afin que ce nouveau modèle de prédiction profite à tous, il est d’ores et déjà disponible en accès libre sur le site internet Forecaster.health. Chaque utilisateur a la possibilité de renseigner la date à laquelle il souhaite obtenir sa prévision et jusqu’à un maximum de deux semaines à l’avance, ainsi que le sexe et l’âge du sous-groupe de la population. Une fois ces deux variables sélectionnées, l’outil affiche une carte indiquant quatre niveaux de risque (allant de faible à extrême) de la mortalité liée à la chaleur et au froid dans 580 régions de 31 pays européens.


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