Pour plusieurs TPE et PME françaises, la crise de la Covid-19 a été synonyme de création et d’innovation. À Mulhouse (Haut-Rhin), Spinali Design, une petite société composée de huit personnes, a su profiter de cette période de troubles pour créer un gant intelligent. À peine quelques semaines ont été nécessaires pour sa mise au point. Cet accessoire vestimentaire connecté se distingue par sa capacité auto-désinfectante. En effet, grâce à un traitement spécifique à base de dioxyde de titane, ce gant intelligent est capable de détruire toutes les cellules, agents infectieux et substances odorantes se trouvant à sa surface lorsqu’il est exposé à une source de rayons UV.
Selon Romain Spinali, manager de l’innovation chez Spinali Design et professeur vacataire à l’Université de Haute-Alsace de Mulhouse, l’efficacité du gant serait d’au moins trois cents jours. Une solution made in France pour lutter contre la Covid-19, et d’autres « maladies des mains sales », affirme Romain Spinali, avec qui Techniques de l’Ingénieur s’est entretenu.
Techniques de l’Ingénieur : Comment ce gant intelligent est-il né ?
Romain Spinali : En 2015, nous avions mis au point un maillot de bain connecté. À l’aide d’un capteur analysant le rayonnement UV, le vêtement rappelle à l’usager de se remettre de la crème solaire. Les informations sont consultables par l’utilisateur grâce à une application mobile téléchargée sur son smartphone. Nous avons décliné cette technologie au gant connecté, qui pourrait être une alternative au gel hydroalcoolique, notamment en hiver.
Comment le dioxyde de titane permet-il de neutraliser les matières présentes à la surface du gant ?
Sous forme de nanoparticules, le dioxyde de titane exposé aux rayonnements UV a la caractéristique d’effectuer une photocatalyse avec un phénomène d’oxydoréduction. Il dégrade à sa proche périphérie l’ensemble des cellules et agents infectieux qui viendraient à s’y trouver. En clair, le dioxyde de titane crée un milieu qui dégrade naturellement les cellules périphériques, les bactéries, les molécules odorantes et les virus. Au-delà du coronavirus, notre produit permet de se prémunir contre d’autres maladies saisonnières telles que la grippe, ou la gastro-entérite.
Comment savoir que la quantité d’UV est suffisante pour assurer le bon déroulement du processus ?
C’est justement l’un des challenges majeurs. C’est pour cela qu’il a fallu intégrer un capteur d’UV pour accéder à des données précises. À l’aide d’une application installée sur son smartphone, l’utilisateur peut suivre en temps réel l’état de dégradation des matières, et donc de désinfection des gants. Durant les périodes où l’ensoleillement est plus faible, le processus de dégradation peut être le même avec une lampe à UV classique.
Cet accessoire connecté est-il utilisable en cas de mauvaises conditions météorologiques ?
Plus l’intensité du rayonnement UV est forte, plus le gant dégrade rapidement les matières présentes à sa surface. À l’inverse, lorsque le temps est nuageux, le processus dure plus longtemps. Lorsque l’ensoleillement est optimal, le processus de dégradation prend entre quinze et trente secondes. Nous envisageons également de mettre au point une lampe à UVC, strictement réservée à l’usage des professionnels (un policier par exemple pourrait passer ses mains gantées sous la lampe UVC après chaque contrôle de papiers, NDLR). Bien que permettant une désinfection en à peine quelques secondes, nous ne recommandons pas l’usage des UVC par les particuliers, du fait de leur caractère hautement cancérigène.
Comment s’effectue la communication entre ce textile connecté et l’application mobile nécessaire à son emploi ?
Le capteur, composé d’une LED et d’une puce, fait la taille d’un timbre-poste. Il communique avec le smartphone via la technologie Bluetooth à basse consommation, auquel il envoie une information basique. Cette dernière est ensuite traitée grâce à un algorithme. L’intelligence artificielle nous permet de tester le produit et d’établir la courbe de dégradation des bactéries. À l’heure actuelle, nous continuons nos tests dans le but de vérifier si, à l’usage, les résultats sont les mêmes que ceux que nous avions prévus grâce à la cinétique de dégradation des bactéries sur le gant.
Dans quelles conditions cette intelligence artificielle a-t-elle pu être mise au point ?
Grâce à l’Université de Haute-Alsace et le professeur Pierre-Alain Muller, vice-président innovation, nous avons pu accéder à des techniques de développement essentielles au développement de notre intelligence artificielle. Sans toutes les ressources qualifiées qui ont été mises à notre disposition, notre TPE n’aurait pas pu mener ce projet à son terme.
Quels procédés vous permettront d’assurer l’apprentissage en continu de cette intelligence artificielle ?
Pour améliorer l’algorithme, nous allons faire circuler une certaine quantité de gants, et suivre l’évolution des cas de Covid-19 a minima en Europe et en Amérique du Nord. Les gants seront récupérés régulièrement pour analyse.
Avez-vous prévu un moyen d’assurer la gestion de la fin de vie de cet article ?
Nous avons tenu à développer ce produit dans le respect des règles de développement durable. Ainsi, ce gant est pensé pour pouvoir nous être retourné en fin de vie ou en cas de défaillance. L’objectif est de pouvoir récupérer un certain nombre de composants, notamment les électroniques. Ni le textile, ni les différents composants n’ont vocation à finir à la poubelle.
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