Alors qu’il existe des exosquelettes capables d’aider des adultes victimes d’une affection paralysante, cette technologie n’est pour le moment pas adaptée aux enfants dont le corps ne cesse de grandir. Face à ce constat, une soixantaine de chercheurs et professionnels de santé français, belges, néerlandais et anglais se sont engagés dans un programme de recherche, baptisé projet Motion, afin de répondre à cette problématique. « Nous développons un exosquelette adapté aux enfants de 6 à 12 ans et pesant entre 20 et 45 kg » confie Laurent Peyrodie enseignant-chercheur et responsable de ce projet à HEI (Ecole des hautes études d’ingénieur) de Lille. « Il sera capable de suivre leur croissance en hauteur comme en largeur. »
Débuté il y a plus de 8 ans, ce projet bénéficie d’un soutien financier de l’Europe à travers le programme de coopération Territoriale Interreg. Doté d’un budget de plus de 7 millions d’euros, il s’adresse principalement aux enfants cérébrolésés [qui ont subi des lésions cérébrales, NDLR] qui, en plus de présenter une paralysie cérébrale, ont souvent un handicap associé comme une déformation des membres. « L’exosquelette, qui concerne uniquement les membres inférieurs, leur permettra l’apprentissage de la marche dans un cadre hospitalier, précise le chercheur. Pour l’instant, ils apprennent souvent à marcher entre deux rails avec des sangles accrochées au plafond pour les maintenir à l’équilibre ». Pour ces enfants qui n’ont pas le contrôle cérébral de la marche, l’équipement leur permettra de synchroniser leurs membres et leurs articulations afin de maîtriser leurs trajectoires. Le point principal à surveiller sera d’abord le bon alignement des membres. « Nous sommes davantage sur un système préprogrammé de la trajectoire de la marche plutôt que sur une collaboration de l’homme avec la machine » ajoute Laurent Peyrodie.
L’appareil sera équipé jusqu’à 8 moteurs
La structure de l’exosquelette sera réglable en fonction de la taille de l’enfant. Sur chaque jambe, il sera équipé de deux moteurs à la hanche, un au genou et un autre à la cheville. L’appareil sera proposé sous la forme de modules afin de pouvoir en baisser le prix. « Si un enfant n’a pas de problème aux genoux, il pourra utiliser seulement les modules aux hanches et aux chevilles » explique Laurent Peyrodie. Les moteurs développeront une puissance allant jusqu’à 150 watts pour ceux situés au niveau des hanches avec des couples de 100 N.m (Newton-mètre). L’exosquelette embarquera une série de capteurs de mouvements, d’accéléromètres et de gyroscopes destinés à mesurer la vitesse et l’angle des mouvements et à maintenir l’équilibre de l’enfant. Un système de contrôle enregistrera toutes les informations et pilotera les moteurs. L’ensemble sera alimenté par une batterie lithium-ion, de celles que l’on rencontre sur les vélos électriques. Au final, l’équipement pèsera une vingtaine de kg.
L’autonomie attendue sera d’une vingtaine de minutes et correspond à la durée moyenne d’une séance de rééducation. Très encadré sur le plan clinique, l’exosquelette ne doit provoquer aucune douleur, ne pas endommager les articulations et veiller à ne pas favoriser un apprentissage biaisé de la marche, obligeant l’enfant à compenser ses mouvements. Des vêtements intelligents vont être conçus pour évaluer le confort de l’équipement. Sur le haut du corps, une combinaison permettra de mesurer le rythme cardiaque et la sudation. Au niveau des jambes, une autre réalisera un électromyogramme afin de mesurer un signal électrique au niveau des muscles. « Nous souhaitons être capables de détecter l’intention du mouvement pour percevoir l’envie de marcher de l’enfant » déclare le chercheur.
Des consultations à distance pour apprendre à marcher
Ce travail de recherche doit se terminer en septembre 2022 et aboutir à un prototype capable de fonctionner dans un environnement clinique. D’ici là, des tests vont être réalisés sur une quarantaine d’enfants cérébrolésés. À un horizon beaucoup plus lointain, l’exosquelette pourrait permettre un apprentissage de la marche de ces enfants au sein de leur famille, via la télémédecine. « Cela leur éviterait de se déplacer dans un centre de réadaptation » détaille Laurent Peyrodie. « Le personnel soignant encadrerait l’enfant à distance grâce aux informations transmises par l’appareil. »
Reste la question du coût. Pour l’instant, en tenant compte uniquement des matériaux, l’exosquelette revient à 30 000 euros. Avec 6 500 enfants concernés par ce polyhandicap en Europe, ce coût pourrait baisser grâce à une fabrication en grand nombre. D’autant qu’il est aussi envisagé d’élargir la cible à d’autres handicaps, par exemple aux enfants victimes d’une lésion au niveau de la moelle épinière et qui se déplacent en fauteuil roulant. « Avec du volume, le coût pourrait descendre à un tarif raisonnable de 20 000 euros » estime le chercheur. Ce programme de recherche prévoit également qu’un travail de pédagogie soit réalisé vers les parents et les professionnels de santé afin de lever toutes les appréhensions face à cette nouvelle technologie.
Photo de Une : Le projet Motion regroupe des chercheurs et professionnels de santé français, belges, néerlandais et anglais. // Projet Motion.
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