Les sages de la rue Cambon ont publié un rapport sur les réseaux de chaleur urbains. Ils considèrent que ce mode de chauffage, produit à partir d'énergie renouvelable, peut contribuer de manière efficace à la transition énergétique, mais qu'il est insuffisamment exploité.
Les réseaux de chaleur, encore appelés chauffages urbains, fonctionnent selon le principe du chauffage central, mais appliqué à l’échelle d’un quartier ou d’une ville. La chaleur est produite pour l’ensemble des usagers dans une ou plusieurs centrales de production ou chaufferies. En 2015, la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte a fixé un objectif pour la France de multiplier par cinq entre 2012 et 2030 la quantité de chaleur et de froid renouvelables et de récupération livrée à partir de ce type d’installations. La Cour des comptes vient de publier un rapport dans lequel elle analyse la manière dont l’État et les collectivités territoriales compétentes répondent aux problématiques de mise en œuvre de cet objectif national.
L’institution de la rue Cambon constate qu’en France « ce mode de chauffage dit urbain est une contribution efficace à la transition énergétique qui reste insuffisamment exploitée ». Ainsi, entre 2012 et 2019, la consommation de chaleur renouvelable par les réseaux de chaleur est passée de 0,68 à 1,21 Mtep (millions de tonnes d’équivalent pétrole). Malgré cette augmentation de 10 % par an, ce rythme de croissance se révèle insuffisant puisque la chaleur renouvelable livrée en 2030 devrait atteindre 2,26 Mtep, alors que l’objectif fixé par la loi est de 3,4 Mtep. Cette croissance est d’autant plus insuffisante que la Cour considère que le potentiel de ces réseaux est estimé à 5,8 Mtep, soit environ 10 % du besoin national de chaleur.
L’investissement dans de nouvelles infrastructures reste élevé
Le développement de ce mode de chauffage nécessitera une augmentation de la part des énergies renouvelables approvisionnant les réseaux existants ainsi que l’investissement dans de nouvelles infrastructures. Mais cette stratégie se heurte à plusieurs difficultés. La principale est les coûts élevés des investissements initiaux, ceux-ci demandant une approche à long terme sur une durée allant de 20 à 25 ans avant le lancement d’un projet. Or, des incertitudes existent quant à l’évolution des consommations et usages des bâtiments, liées notamment aux différents programmes de rénovation des quartiers.
Face au poids des investissements nécessaires, 80 % des réseaux de chaleur font l’objet d’une délégation de service public (DSP). L’enquête de la Cour des comptes a identifié plusieurs exemples où les contrôles des collectivités délégantes étaient lacunaires, en raison souvent de l’absence de ressources humaines ou techniques adaptées. « Pour cette raison et pour mieux inscrire les réseaux de chaleur et de froid dans l’aménagement des espaces urbains, la compétence de création, d’aménagement, d’entretien et de gestion des réseaux de chaleur et de froid urbain devrait être transférée à tous les établissements publics de coopération intercommunale de plus de 20 000 habitants » conseillent les auteurs du rapport.
Autre carence mise en évidence : la planification territoriale insatisfaisante du développement de ces équipements, qui incombe aux collectivités, à tous les échelons territoriaux. Pour y remédier, l’une des préconisations de la Cour est d’adopter, dans les schémas directeurs des réseaux de chaleur, « une approche multi-énergies, notamment pour identifier les interactions entre les réseaux d’électricité, de gaz et de chaleur à des fins d’optimisation du fonctionnement et des coûts. Cette approche devrait conditionner les aides à l’investissement du fonds chaleur. »
Une transparence insuffisante de la facturation
Le document pointe aussi du doigt la difficulté à obtenir des informations sur les données économiques des infrastructures en place, par exemple sur la facturation. Pourtant, le Code de l’énergie prévoit la collecte de données économiques et statistiques sur l’activité des réseaux de chaleur et de froid. Mais des contraintes liées à la préservation des secrets industriels et commerciaux des exploitants de réseau rendent certaines données économiques peu accessibles ou incertaines, notamment quant au prix de vente de la chaleur. « Il conviendrait d’améliorer la diffusion de ces données utiles pour l’État et les collectivités locales délégantes, tant pour la conduite de la politique nationale de l’énergie que pour une gestion mieux éclairée des réseaux », note le rapport. Les auteurs ajoutent un peu plus loin : « à cette fin, il serait souhaitable que les collectivités délégantes publient un rapport annuel sur les prix et la qualité et le prix du service public de chauffage urbain, à l’image de l’obligation à laquelle elles sont déjà tenues pour d’autres services publics locaux. »
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