Dévoilé ce lundi, le casque Lynx R1 de la start-up Lynx Mixed Reality mêle réalité virtuelle et réalité augmentée. Son inventeur Stan Larroque nous fait part de ses atouts et de son potentiel dans le monde professionnel.
C’est en 2017 que Stan Larroque, alors à ses études d’ingénieur, crée la start-up SL Process (puis Lynx Technologies et maintenant Lynx Mixed Reality), avec l’aide de l’entreprise GFI. Son idée ? Fabriquer un casque autonome de réalité mixte – à la croisée de la réalité virtuelle et de la réalité augmentée – de type «video see through». Cette technique, choisie aussi par les Finlandais de Varjo pour leur casque XR-1, diffère du procédé «optical see through» retenu par Microsoft pour ses lunettes Hololens : la réalité n’est pas vue au travers d’une visière optique transparente, mais filmée par des caméras puis reproduite sur l’écran interne du casque. Les objets 3D s’incrustent alors naturellement dans cette image numérique, au lieu d’être projetés sur la visière. Le prototype séduit les professionnels, à tel point que Stan Larroque a pu lever deux millions d’euros en août 2019 et recruter une équipe d’une dizaine de personnes. Désormais finalisé, le Lynx R1 a été présenté officiellement ce lundi 3 février au salon SPIE Photonics West, à San Francisco. Il coûte 1499$ (1354.80 €), soit deux fois moins que les Hololens. Explications avec son géniteur.
Techniques de l’Ingénieur : Quels sont les usages possibles de ce casque ? Et qui s’y intéresse ?
Stan Larroque : La formation et la téléassistance font partie des principales applications. Du côté de la clientèle, la SNCF expérimente le Lynx R1 dans ses opérations de maintenance sur la ligne RER B, avec l’ambition de réduire la durée de la procédure. En association avec l’Hôpital Bichat, nous avons fait une démonstration de télémédecine. Equipé du casque, le chirurgien peut aussi afficher en surimpression le dossier médical du patient pendant l’opération. A plus long terme, les gestes des chirurgiens pourraient être enregistrés via les caméras intégrées, pour aider au choix des stratégies opératoires et former les nouveaux praticiens. Enfin, nous menons des essais avec la Direction générale de l’armement, en France, et l’armée américaine. Mais je ne peux pas en dire plus (sourire)…
Pourquoi avoir opté pour le procédé «video see through» ?
Pour élargir le champ de vision, qui atteint 90×90° sur le Lynx R1 (contre 54° sur les Hololens 2, ndlr). Ensuite, la luminosité de l’image 3D reste uniforme et les couleurs ne s’affadissent pas, ce qu’une visière optique transparente ne permet pas d’obtenir. Ce dernier point est important dans le contexte d’une opération chirurgicale par exemple. Quant à l’occlusion, elle est parfaite : les objets 3D s’affichent sans la moindre transparence et se positionnent avec exactitude dans la scène 3D. Enfin, deux modes de fonctionnement – réalité virtuelle et réalité augmentée – sont possibles : pour une entreprise ou un industriel, la gestion du parc se simplifie.
Mis à part le «video see through», comment le Lynx R1 se distingue-t-il de la concurrence ?
C’est le premier casque à bénéficier du Snapdragon XR2, le jeu de composants électroniques que Qualcomm a conçu pour la réalité virtuelle (dévoilé le 5 décembre dernier, ndlr). Ce «chipset», très puissant, réduit la latence entre 12 et 15 millisecondes (décalage entre l’image filmée et l’image traitée puis reproduite sur l’écran interne, ndlr). Il prend en charge le Wifi, le Bluetooth et nous travaillons avec Qualcomm sur la 5G. D’autre part, nos lentilles spéciales, différentes des classiques lentilles de Fresnel, suppriment l’effet «grille de pixels». Les deux écrans LCD octogonaux de 1600×1600 pixels ont même été «taillés» pour être adaptés à la forme atypique de ces lentilles. S’ajoutent deux caméras infrarouges pour le suivi oculaire et le rendu fovéal, deux caméras noir et blanc pour le positionnement spatial et la détection du mouvement des mains, et les deux caméras couleur pour filmer l’environnement. Malgré tout, le Lynx R1 possède des dimensions raisonnables, la visière étant deux à trois fois plus fine que celle du Varjo XR-1. Et il ne pèse que 600 grammes.
Microsoft adjoint à ses lunettes Hololens 2 un environnement logiciel (Dynamics 365 notamment) facilitant leur déploiement, ce qui est primordial. Qu’envisagez-vous de votre côté ?
Notre écosystème reposant sur Android, nous prévoyons une place de marché (marketplace), consacrée au téléchargement d’applications professionnelles, et nous mettons à disposition notre SDK (software development kit). Tout est dans les mains des développeurs.
Après cette présentation officielle, quel est votre calendrier ?
A partir de mars/avril, nous allons initier des projets avec l’industrie aéronautique et la SNCF. La production et la commercialisation du casque – directe et indirecte via GFI – commenceront à partir de juin/juillet. Nous travaillons déjà sur la deuxième version, avec l’intention d’éliminer le conflit de vergence-accommodation (discordance entre la distance d’un objet 3D et le plan de netteté de la vision, qui peut embrouiller la perception du cerveau, ndlr).
Propos recueillis par Frédéric Monflier
Crédits photos : Lynx Mixed Reality
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