Débutée en 2015, la collaboration entre TotalEnergies et le GSMA (Groupe de spectrométrie moléculaire et atmosphérique), un laboratoire du CNRS et de l’Université de Reims Champagne-Ardenne, est sur le point de prendre un nouveau tournant. Leur campagne de test à grande échelle et de validation d’un nouveau système complet de quantification en temps réel des émissions atmosphériques de CO2 et de méthane s’est terminée avec succès. Les deux partenaires veulent à présent le déployer sur les sites de la compagnie multi-énergies. Avec pour objectif de localiser et mesurer précisément les gaz à effet de serre émis par les installations en vue de les maîtriser pour atteindre la neutralité carbone en 2050.
Ce nouveau système de mesure fonctionne grâce à un capteur spectrométrique à diode laser capable d’identifier l’empreinte spectrale d’une molécule. À l’aide d’une base de données, il est ensuite possible d’identifier son nom puis sa concentration avec un modèle spectroscopique. Plus précisément, le système est équipé d’un faisceau laser qui se propage dans un échantillon d’air, à l’intérieur duquel la présence de CO2 et de méthane provoque l’absorption du rayonnement infrarouge. Cette absorption du signal entre le laser et le détecteur permet ensuite de calculer la concentration.
Le capteur ne pèse que 1,4 kg
Cette technologie est de plus en plus utilisée dans le monde de la recherche et de l’industrie. Son principal avantage se situe au niveau de son faible poids. Le détecteur développé par TotalEnergies et le GMSA ne pèse en effet que 1,4 kg alors que les appareils standard pèsent environ une trentaine de kilos. Résultat : ce nouveau système peut être embarqué sur un drone et permet de réaliser une représentation en 3D des panaches d’émissions ainsi que leur évolution dans le temps.
« Sur des plateformes pétrolières, la mesure est actuellement réalisée à l’aide d’instruments installés sur des bateaux ou des avions. Sauf que la localisation d’un panache d’émissions dépend de la direction et de la force du vent, et lorsqu’il se met brutalement à changer de sens, le bateau n’est pas assez réactif, tandis que l’avion n’arrive pas à se rapprocher suffisamment des sources. Nous avons démontré que sur ce type d’installation mais aussi sur des torches industrielles de 100 mètres de haut, notre appareil installé sur un drone est un outil de mesure très pertinent », explique Lilian Joly ,chercheur CNRS au GSMA et directeur du nouveau laboratoire commun créé avec TotalEnergies et baptisé LYNNA (Laboratoire d’analYses iNnovantes pour les émissioNs Atmosphériques).
Ce capteur est d’une part capable d’effectuer une cartographie temporelle des émissions grâce à des mesures rapides, allant jusqu’à 50 hertz. Et d’autre part, de décrire spatialement le panache grâce au drone qui peut se déplacer à une vitesse pouvant aller jusqu’à 60 km/heure. Ce détecteur se révèle en plus très précis puisque sa marge d’imprécision comparée à des appareils conventionnels n’est que de 0, 5 %. « Il n’existe pas d’outil commercial pour quantifier de manière précise les émissions de méthane, c’est sur ce plan également que notre système de mesure se différencie », ajoute le chercheur.
Un drone autonome se déplaçant sans intervention humaine
Ce travail de recherche ne va pas s’arrêter là. Grâce au laboratoire commun LYNNA, les deux partenaires ont pour ambition de faire baisser le poids de ce capteur à un kilo. Un nouveau prototype est également en cours de développement afin de réaliser des mesures de manière autonome, sans intervention humaine, grâce à un drone qui se déplacerait à heure fixe, en fonction de la météo, pour capter des échantillons d’air. « L’idée serait d’utiliser de l’intelligence artificielle, de type machine learning, pour que le drone soit capable de changer son profil de conduite en fonction des mesures qu’il détecte en temps réel, afin que la représentation 3D du panache et son évolution dans le temps soient les plus précises possible », complète Lilian Joly.
D’autres projets de développement sont également en réflexion, notamment l’élargissement de la détection à d’autres molécules, comme le monoxyde de carbone. L’objectif ici serait par exemple d’aider à la réalisation de bilan de combustion de torches, afin d’optimiser leur fonctionnement pour qu’elles émettent moins d’émissions.
Ce travail devrait aider la communauté scientifique à appréhender de manière plus fine les émissions de gaz à effet de serre. « Ces développements ont également des retombées sur la recherche au sens plus large, notamment sur un travail que je mène en parallèle sur la conception d’instruments sous balance stratosphérique dans le cadre de phases de calibration et de validation de satellites », conclut le chercheur.
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