L’isolationnisme version Trump
« Promouvoir les intérêts nationaux fondamentaux de l’Amérique, la stabilité régionale et réduire les tensions dans le monde ». Tel est la doctrine présentée par Trump sur son site de campagne. Si elle reprend le concept d’ « America First », elle inclut également un volet extérieur peu en phase avec l’isolationnisme déclaré du candidat, mais qui n’est pas sans déplaire au complexe militaro-industriel américain, très écouté dans la majorité Républicaine. Ainsi, Donald Trump propose une augmentation sensible du budget militaire pour « augmenter la taille de l’armée américaine à 540 000 soldats actifs (contre 475 000 aujourd’hui), celle des marines à 36 bataillons et fournir à l’US Air Force les 1 200 avions de combat dont elle a besoin », explique-t-il.
Ces moyens nouveaux doivent permettre au 45ème président des Etats-Unis de « détruire Daech en s’aidant des alliés arabes », sans préciser de qui il s’agit. En revanche, un partenaire est clairement désigné dans cette quête : Vladimir Poutine. Donald Trump a répété qu’il entamerait un dialogue pragmatique avec le chef du Kremlin pour conjuguer leurs efforts en Syrie et en Irak. Un changement radical par rapport à l’administration Obama. Dans cette optique, le maintien au pouvoir de Bachar-El-Asad serait très probable.
A l’heure où étaient écrites ces lignes, Donald Trump commençait à constituer l’équipe qui formera son administration avec la nomination du général Michael Flynn, comme conseiller du Président sur les affaires de sécurité nationale. Un poste stratégique. Cet ancien chef de la Defense Intelligence Agency, remercié par Barack Obama, est connu pour son obsession de la menace islamiste qui le pousse parfois à l’amalgame avec la communauté musulmane. Par ailleurs, le général à la retraite James Mattis serait pressenti pour occuper le poste de Secrétaire à la Defense. Responsable en 2010 de toutes les forces au Moyen-Orient, il a été très critique à l’égard de l’accord nucléaire signé avec l’Iran. Sur ce point, malgré ses déclarations (« l’Iran est le plus grand sponsor mondial du terrorisme », selon lui), il est peut probable qu’il puisse revenir sur cet accord international validé de surcroît pas le Congrès américain.
Une Europe fragilisée
Les leaders européens n’ont pas anticipé un éventuel retrait américain du Vieux Continent. Donald Trump a sévèrement critiqué le bilan de l’Otan et les trop faibles contributions des Etats européens à cette dernière (les Etats-Unis financent à hauteur de 70% l’organisation). Le nouveau Président-élu devrait logiquement exiger des pays européens de revoir à la hausse leur budget sous peine de réduire le contingent américain en Europe. Une perspective assez réaliste pour que le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, sorte de sa réserve dans un plaidoyer publié dans la presse anglo-saxonne. Il y rappelle l’importance de la coopération transatlantique et la nécessité de garder une présence en Europe pour faire face à la Russie : « Il s’agit de dissuasion, pas d’agression. Nous ne cherchons pas à provoquer un conflit, mais à prévenir un conflit. Les bataillons de l’OTAN, qui comptent des milliers de troupes, ne peuvent être comparés à des divisions russes de dizaines de milliers de soldats. Notre réponse est défensive et proportionnée. Mais elle envoie un message clair et sans équivoque: une attaque contre l’un des membres sera suivie d’une réponse de tous ». Une doctrine appliquée par les administrations précédentes, notamment la présidence Bush et son bouclier anti-missiles qui avait provoqué la fureur du Kremlin. La Russie estime en effet que depuis la chute du l’URSS, l’intégration continue dans l’OTAN de nouveaux membres issus de l’ancienne sphère soviétique constitue une provocation. Difficile de savoir quelle attitude adoptera Donald Trump sur le dossier européen mais les pays de l’Est sont logiquement les plus inquiets de voir les Etats-Unis se rapprocher de la Russie alors que cette dernière est plus active que jamais sur cette partie du continent (cf. l’annexion de la Crimée en 2014). Selon l’ancien ambassadeur américain en Russie Michael McFaul, l’Ukraine est la « grande perdante » des élections américaines.
Quid de l’Asie ?
Romain Chicheportiche
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