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Trump et la Tech : entre soutien, pouvoir et soumission

Posté le 6 février 2025
par Arnaud Moign
dans Informatique et Numérique

Les liens de Trump avec Elon Musk et Sam Altman, le PDG d’open AI, ainsi que ses récentes initiatives dans le domaine de l'intelligence artificielle indiquent une volonté de renforcer la domination américaine dans le secteur de la tech. Néanmoins, Trump n’hésite pas à utiliser l’influence du secteur pour mettre en œuvre sa politique controversée.

Le 21 janvier 2025, au lendemain de l’investiture de Trump, trois dirigeants de la Tech (Oracle, Open AI et SoftBank) dévoilaient le projet Stargate, un programme de 500 milliards de dollars sur 5 ans et qui servira au financement des infrastructures nécessaires au développement de l’intelligence artificielle.

Enthousiaste, Trump a ainsi qualifié Stargate de « plus gros projet d’infrastructure dédiée à l’IA de l’histoire » et qui créera « quasi immédiatement plus de 100 000 emplois » aux États-Unis.

Il a aussi précisé que les sommes investies par ces entreprises « sont de l’argent qui, normalement, serait allé à la Chine ou à d’autres pays, mais plus particulièrement à la Chine. »

Car l’enjeu est bien là : freiner le développement de la Chine en matière de technologies et notamment d’IA, une obsession qui est d’ailleurs l’un des rares points communs entre les politiques de Trump et Biden.

L’IA selon Trump : surpasser le reste du monde, sans contrainte éthique

Mais la comparaison s’arrête là, car l’abrogation du décret exécutif 14110 du 30 octobre 2023, visant à réguler l’IA, a fait partie des premières mesures de la nouvelle administration Trump. Pour rappel, cette réglementation devait permettre de limiter les risques de l’IA en matière de sécurité et de transparence et soutenir un usage responsable et éthique de la technologie.

Aux yeux des républicains, en plus de freiner l’innovation, ce texte était par ailleurs perçu comme vecteur d’une « vision gauchiste qui entrave le potentiel économique de l’intelligence artificielle. »

Selon Trump, le nouveau décret qu’il vient de signer vise donc à « développer des systèmes d’IA exempts de tout parti pris idéologique ou d’agendas sociaux artificiels. »

En clair, Trump veut lever tous les garde-fous, malgré les préoccupations qui émergent au sujet des risques de biais et de discrimination liés à l’IA, afin de surpasser le reste du monde sur ce secteur.

Malheureusement, c’était sans compter sur l’arrivée de l’IA chinoise DeepSeek, perçue comme une humiliation de par ses coûts de fonctionnement bien moins élevés, en comparaison avec ses concurrents américains.

Les géants de la tech américaine renient leurs idées progressistes pour plaire à Trump

Il y a quelques mois encore, les GAFAM arboraient fièrement leurs programmes de Diversité, Équité et Inclusion (DEI). Mais pour obtenir le soutien de Trump, le secteur de la Tech a dû prêter allégeance et opérer un revirement complet.

L’exemple de META est certainement le plus flagrant, puisque la décision d’abandonner les efforts DEI du groupe coïncide avec l’abandon de leur technologie de vérification des faits et de filtrage des contenus. Rappelons au passage qu’il y a peu, Trump qualifiait Mark Zuckerberg d’« ennemi du peuple » et lui promettait « la prison à vie » s’il « complotait à nouveau. »

Depuis le retour de Trump, les relations semblent s’être néanmoins apaisées, mais META a dû faire beaucoup de concessions. En plus de mettre fin à ses programmes DEI et de fact-checking, le groupe a versé 25 millions de dollars de dédommagement à Donald Trump afin de mettre fin aux poursuites intentées suite à la suspension de ses comptes Facebook et Instagram en 2021. Mais il y a peut-être plus grave encore : pour prouver que son allégeance est totale, Zuckerberg a été jusqu’à nommer des alliés de Trump au sein de son conseil d’administration.

La tech, entre soumission au pouvoir et fervent soutien

Cette soumission est d’autant plus dangereuse que Trump a bien compris le pouvoir des géants de la tech, celui d’Elon Musk en particulier.

Car Elon Musk, l’un de ses principaux soutiens financiers, est surtout son premier atout médiatique, puisqu’il n’hésite pas à utiliser sa plateforme X comme outil de propagande et de désinformation.

En août 2024, le Centre contre la haine en ligne (Center for Countering Digital Hate, CCDH) recensait déjà 50 posts évoquant les futures élections et considérés comme faux ou trompeurs. Son directeur déclarait alors « Elon Musk abuse de sa position de pouvoir en tant que propriétaire d’un réseau social influent sur la politique pour semer de la désinformation qui génère dissension et méfiance. »

6 mois plus tard, la propagande a visiblement porté ses fruits. Trump est élu et Musk n’est plus seulement l’homme le plus riche de la planète. Il est peut-être désormais l’homme le plus puissant, à la tête d’une obscure commission à « l’efficacité gouvernementale » (Doge) qui fait déjà face à plusieurs poursuites judiciaires et qui n’a même pas été approuvée par le congrès ni aucune autre instance officielle.

En attendant, son pouvoir n’en finit pas de grandir et inquiète. Le 4 février 2025, un nouveau cap a été franchi, puisque le milliardaire a pris le contrôle du système de paiements du Bureau des services fiscaux du ministère du Trésor, dans le but de découvrir « de la fraude et de la corruption à une échelle inédite dans de nombreux services gouvernementaux ».


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