Le chromage dur est un procédé électrolytique très utilisé, qui permet notamment d’augmenter la résistance à l’usure des pièces fabriquées principalement en acier. Par contre, il nécessite l’emploi du chrome hexavalent, un composé toxique et nocif pour l’environnement. Depuis 2017, l’Europe a interdit son utilisation pour des applications décoratives, mais a accordé des dérogations pour des applications mécaniques à haute résistance. Ces dérogations sont malgré tout temporaires et pourraient prendre fin l’année prochaine.
À ce jour, les traitements de surface alternatifs existants ne satisfont pas les industriels. Ils ne répondent en effet pas totalement à leurs cahiers des charges ou nécessitent des ajustements majeurs de leurs installations de production ; certains coûtent également cher. Dans la zone transfrontalière Franco-belge, les industriels des secteurs du transport et de la transformation utilisent encore du chrome hexavalent dans leurs process et sont dans l’incertitude quant à la réglementation exacte dans les mois à venir. Un programme de recherche Interreg nommé Alt Ctrl Trans a développé des solutions alternatives, de seconde génération, basées sur des technologies classiques et compatibles avec les équipements actuels.
« On s’aperçoit aujourd’hui que dès qu’une pièce est soumise à des sollicitations en usure un peu conséquentes, le chromage dur est un traitement qui est utilisé quasi systématiquement, analyse Véronique Vitry, coordinatrice de ce projet et enseignante-chercheuse à l’Université de Mons. Nous conseillons dans un premier temps aux industriels de s’interroger sur les propriétés dont ils ont réellement besoin pour leurs pièces. Pour les aider, nous avons rédigé un livre blanc, qui se présente sous la forme d’une page web accessible gratuitement, et qui recense toutes les technologies qui existent actuellement et qui permettent de remplacer en partie le chrome hexavalent. »
Deux alternatives reposent sur l’utilisation d’un dépôt par voie humide
Dans le cadre de ce projet, les industriels de la région Franco-belge ont fait l’objet d’un sondage pour évaluer leurs réels besoins. Il apparaît qu’ils recherchent prioritairement des propriétés de résistance à l’usure, de dureté, ainsi qu’un faible coefficient de friction. « Face à ce résultat, on s’est dit que si nous parvenions à développer des traitements qui répondent à ces trois caractéristiques, mais sans avoir toutes les propriétés du chrome hexavalent, nous pourrions satisfaire à un grand nombre de demandes, ajoute Véronique Vitry. Nous avons donc développé trois solutions qui répondent à ces critères. »
La première alternative repose sur l’utilisation d’un dépôt par voie humide, avec du nickel-bore chimique en remplacement du chrome hexavalent. Ce type de revêtement chimique existe déjà depuis de nombreuses années, mais les bains utilisés contenaient tous des métaux lourds toxiques, comme le plomb et le thallium. Ils ont donc été supprimés et remplacés par des adjuvants organiques et inorganiques. Comparée au chromage dur, cette technologie permet d’obtenir une résistance à l’usure quasi-identique, la dureté se trouve quant à elle améliorée, tandis que le coefficient de friction est légèrement supérieur, mais avec une meilleure résistance à la corrosion.
L’avantage de ce premier procédé est qu’il est électroless, c’est-à-dire sans application de courant électrique, ce qui permet de traiter des pièces complexes de manière beaucoup plus simple. « Le chromage dur est une méthode électrolytique et le courant va toujours chercher le chemin le plus court, ce qui provoque des surépaisseurs à certains endroits, complète Véronique Vitry. Il y a donc tout un travail à réaliser au niveau de l’anode pour obtenir un résultat homogène. Grâce à notre procédé, il n’y a pas ce problème et le revêtement de surface s’applique de manière homogène. »
Une technologie par projection thermique a été développée
Étant donné que cette solution électroless nécessite un certain savoir-faire en chimie et que tous les industriels n’y sont pas familiers, un procédé alternatif a été développé pour ceux habitués à travailler avec des dépôts électrochimiques. Cette technologie est basée sur les mêmes principes fondamentaux, sauf que le bain à base de nickel est traversé par un courant électrique. Le durcissement final du revêtement est obtenu grâce à l’ajout de tungstène. La dureté est un peu inférieure à celle d’un chromage dur, mais après un traitement thermique, elle devient égale.
La troisième alternative diffère des deux précédentes, car elle fait appel à une technologie par projection thermique, plus précisément par plasma à l’arc transféré (ou PTA pour Plasma Transferred Arc). Cette méthode est déjà pratiquée, mais emploie du chrome hexavalent. Ici, l’idée retenue est de le remplacer par du chrome pur. « Cette dernière technologie est beaucoup moins mature que les deux premières, car la projection de chrome pur par PTA n’a jamais été réalisée jusqu’ici, révèle Véronique Vitry. Les essais ne sont pas complètement finalisés et les duretés obtenues ne sont pas encore optimales, mais les premiers résultats vont dans le bon sens et nous encouragent à poursuivre. L’un des intérêts de cette méthode est qu’il est possible d’obtenir des couches épaisses de deux à trois millimètres. »
Le projet Alt Ctrl Trans étant terminé, un autre projet Interreg est en cours de rédaction afin de poursuivre la maturation technologie de cette méthode par PTA. Quant aux deux premières à base de nickel, les travaux se poursuivent également, mais cette fois-ci dans le but de les industrialiser.
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