Cet été a été très difficile pour le transport maritime. La faillite de l’armateur sud-coréen Hanjin Shipping en août illustre la plus grave crise que connait le transport maritime depuis 30 ans. Hanjin Shipping, septième entreprise mondiale de fret maritime, a été placé en redressement judiciaire début septembre, incapable de faire face à sa dette estimée à 6.000 milliards de wons (4,8 milliards d’euros). Certains de ses cargos errent encore en attendant une autorisation d’amarrage et/ou de déchargement, les autorités des ports de destination craignant de ne pas être payées pour leurs services. D’autres ont déchargé leurs conteneurs dans des ports, avant leur destination finale, nécessitant la reprise de ces conteneurs par d’autres armateurs.
Pour débloquer une partie de ces navires paralysés, Korean Air Lines Co., le plus gros actionnaire de Hanjin Shipping, a finalement accepté le 21 septembre de valider un prêt de 60 milliards de wons (48 millions d’euros) au transporteur maritime. Ce montant s’ajoute aux 40 milliards de wons (32 millions d’euros) apportés par Cho Yang-ho, le président du conglomérat Hanjin Group, sur sa fortune personnelle. Un plan de redressement crédible doit, en théorie, être dévoilé par la direction avant le 25 novembre. Le tribunal le placera alors en redressement, avec surveillance de sa gestion et rééchelonnement de sa dette, ou le liquidera.
Léger répit pour le secteur maritime
La faillite de Hanjin Shiipping est néanmoins une bonne nouvelle à court terme pour ses concurrents, car les conteneurs abandonnés par l’armateur augmentent les prix de fret. Et les clients de Hanjin vont devoir trouver des solutions alternatives pour leurs prochains transports, notamment entre l’Asie et les Etats-Unis, où l’armateur était très présent. 98 navires spécialisés, sans compter 44 vraquiers et tankers sont immobilisés, limitant un peu pour le moment les surcapacités.
Le Baltic Dry Index (BDI) est l’un des indices de prix du transport maritime. En mai 2010, le BDI atteignait 4000 points. Après une baisse vertigineuse à 290 points en février 2016 et quelques fluctuations, il reprend de la vigueur depuis août et atteint 937 points au 22 septembre, soit un niveau similaire à celui observé en septembre 2015. Mais « la reprise n’est tout simplement pas en vue, même si le pire est passé », assure la Shanghai Shipping Exchange, la Bourse maritime de Shanghai, dans un communiqué. « La seule solution viable pour retrouver la santé du marché est de mettre fin à l’approvisionnement de nouveaux navires et d’envoyer à la casse les plus anciens », assure Khalid Hashim, directeur général de l’opérateur thaïlandais Precious Shipping.
Les armateurs se réorganisent pour affronter la crise
Toutes les grandes compagnies maritimes encaissent de mauvais résultats au deuxième trimestre. Par exemple, le danois A.P. Møller-Mærsk, numéro 1 mondial, présente un résultat net de 118 millions de dollars, contre 1,1 milliards engrangés au 2e trimestre 2015. Le français CMA CGM, numéro 3 mondial, a annoncé une perte de 128 millions de dollars, contre un bénéfice de 156 millions un an plus tôt. Sur les 6 premiers mois de l’année, l’armateur français a perdu 204 millions d’euros. Le groupe a donc lancé début juillet un plan d’économies considérable : un milliard de dollars en 18 mois. Et pour limiter les surcapacités, CMA CGM, à l’image d’autres armateurs, va décaler la livraison de certains navires à 2017.
Pour résister, l’ensemble du secteur se réorganise. Les chinois China Ocean Shipping et China Shipping ont fusionné, de même que l’allemand Hapag-Lloyd avec United Arab Shipping Company (UASC). CMA CGM a absorbé la plus grande compagnie maritime d’Asie du Sud-Est, la Neptune Orient Lines Limited (NOL). De son côté, A. P. Møller-Maersk va se séparer de sa branche pétrolière pour devenir un pur spécialiste du transport maritime.
Une surcapacité durable
Les armateurs n’avaient pas anticipé la crise économique et ont commandé des méga porte-conteneurs il y a une dizaine d’années, au pic de la croissance des échanges. Il y aurait désormais un tiers de navires en excès et les armateurs tardent à envoyer les plus anciens à la casse, le prix de la ferraille ayant aussi chuté.
Le commerce maritime continue pourtant de croître mais de moins de 3% par an, deux fois moins vite qu’au milieu des années 2000. La situation devrait s’améliorer sur le court terme : les capacités mondiales devraient augmenter de 2,4 % en 2016 alors que la demande, elle, devrait grimper de 3,9 %. Malgré tout, avec des prix qui ont considérablement baissé, la banque Morgan Stanley anticipe pour cette année une perte globale de 5 milliards de dollars pour le secteur.
Par Matthieu Combe, journaliste scientifique
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