Occupant 60 % du marché des textiles, le polyester, aussi appelé polyéthylène téréphtalate (PET), nécessite 100 millions de tonnes de matières fossiles chaque année pour sa fabrication. En 2019, Tawfiq Nasr Allah et Benoît Illy, tous les deux docteurs en chimie, fondent la start-up Fairbrics afin d’alléger le bilan carbone de ce plastique tout en revalorisant le CO2 issu d’industries polluantes. L’entreprise, localisée sur le plateau de Saclay à Villebon-sur-Yvette (Essonne), transforme le CO2 industriel en fibre de polyester.
Dès sa création, Fairbrics connaît un succès majeur. En 2020, elle lance sa première levée de fonds et collecte un million d’euros grâce à des business angels. Elle s’installe ensuite dans l’accélérateur de start-up du chimiste Air Liquide, sur le plateau de Saclay. Après avoir développé une preuve de concept et fabriqué son premier T-shirt, les marques H&M, On-Running et Aigle signent des accords d’achat pour ce polyester.
S’ensuit une autre levée de fonds qui amasse cinq millions d’euros supplémentaires en janvier 2022. Un an plus tard, rebelote. Fairbrics réalise un tour de table pour subventionner sa montée en échelle et industrialiser son procédé. 22 millions d’euros sont ainsi récoltés dont 7 millions d’euros issus du programme de recherche et d’innovation Horizon 2020 de l’Union européenne et 5 millions d’euros provenant des partenaires de la start-up. Fairbrics lancera une nouvelle levée de fonds d’ici à la fin de l’année pour consolider ses finances et sécuriser ses projets en cours.
Utiliser des rejets industriels
Certaines industries comme la sidérurgie ou la pétrochimie rejettent d’importantes quantités de CO2. Fairbrics a donc pour objectif de réaliser des partenariats avec ces compagnies pour les débarrasser de leur dioxyde de carbone. Une association gagnant-gagnant : Fairbrics achète sa matière première à bas coût, tandis que l’industriel amoindrit considérablement ses émissions. Le CO2 récolté est ensuite transformé selon un procédé de chimie analytique. Il subit une étape de carbonylation oxydante et d’hydrogénation de l’oxalate formé. Le produit obtenu est l’éthylène glycol qui, combiné à l’acide téréphtalique, permettra de fabriquer du PET, ces fameuses fibres de polyester. Pour l’instant, l’acide téréphtalique utilisé par Fairbrics n’est pas issu de CO2, mais la jeune entreprise y travaille. Ce procédé complexe fait l’objet de cinq brevets. En analysant le cycle de vie de ses molécules, la start-up affirme que son polyester réduit l’empreinte carbone de la fibre de 70 %.
Avec un procédé qui a fait ses preuves, la jeune pousse ambitionne d’installer un démonstrateur pilote à Anvers, en Belgique, d’ici mi-2024. Le CO2 sera directement récupéré sur la plateforme chimique du port. Ce pilote sera en mesure de générer 100 kg par jour de polyester. À plus long terme, Fairbrics souhaite mettre en place sa première usine pilote, capable de produire une tonne par jour de polyester, à l’horizon 2026.
Une fois ces deux étapes franchies, Fairbrics désire faire de la licence de technologie pour des fabricants, en se limitant à la production de billes de polyester, afin de restreindre les investissements en matériel. Ces billes pourraient servir non seulement au secteur de l’habillement, mais également pour les emballages plastiques ou la conception de sièges automobiles.
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