Le 10 avril 2024, le Parlement européen a adopté une loi concernant la révision des normes européennes en matière de gestion de l’eau et de traitement des eaux urbaines résiduaires. Cette directive introduit également le principe de pollueur-payeur pour certains industriels et doit favoriser la réutilisation des eaux usées traitées.
Cette révision des normes permettra de mieux protéger l’environnement et la santé publique au sein de l’UE, par une surveillance accrue des polluants chimiques, des agents pathogènes et de la résistance aux antimicrobiens. Si au moins 80 % des coûts de traitement devaient être financés par les industriels, les municipalités européennes craignent cependant une explosion de leurs coûts.
Des traitements qui devront évoluer sur le long terme
Le texte qui a été adopté le 10 avril 2024 à une large majorité (481 voix pour, 79 contre et 26 abstentions) prévoit trois échéances : 2035, 2039 et 2045.
Dans un premier temps, d’ici 2035, les collectivités de plus de 1 000 équivalents-habitant (EH) devront mettre en place un traitement secondaire des eaux usées urbaines afin d’éliminer les matières organiques biodégradables. Jusqu’ici, ce type de traitement n’était imposé qu’aux communes de plus de 2 000 habitants par la Directive 91/271/CEE.
Il faut néanmoins rappeler qu’en France, les STEU (stations de traitement des eaux usées) délivrant au moins un traitement secondaire représentent déjà 97 % de la capacité totale des STEU en activité.
Mais d’ici 2039, un traitement tertiaire sera également imposé aux communes de plus de 150 000 habitants, afin d’éliminer l’azote et le phosphore. Cette jauge sera ensuite abaissée aux communes de plus de 10 000 habitants en 2045. Sur ce volet, la nouvelle législation ira donc bien plus loin que la Directive 91/271/CEE qui l’impose uniquement dans des zones « définies comme sensibles ».
Enfin, et c’est probablement le plus intéressant, cette nouvelle loi ne compte pas s’arrêter là, puisqu’en 2045 des traitements supplémentaires seront obligatoires afin de traiter un large éventail de micropolluants. Ce traitement dit « quaternaire » sera ainsi imposé aux stations de plus de 150 000 EH[1].
Micropolluants : les PFAS sont aussi en ligne de mire
Qu’entend-on par « micropolluants » ?
Si le texte ne donne pas de liste précise, il suggère néanmoins de « se concentrer sur les micropolluants organiques qui représentent une part importante de la pollution et dont les technologies d’élimination existent déjà. »
Ces traitements quaternaires devraient donc permettre d’éliminer un large éventail de micropolluants résiduels dont les résidus de médicaments, de produits cosmétiques, mais aussi les microplastiques et les PFAS qui font régulièrement l’actualité.
Une responsabilité élargie des industriels vis-à-vis de la pollution des eaux
Dans une estimation publiée en 2020, la Commission européenne et l’OCDE évaluaient le coût d’une telle directive à 289 milliards d’euros supplémentaires pour l’approvisionnement en eau et l’assainissement, à l’horizon 2030 (pour l’ensemble des 28 pays de l’UE).
La question du financement est donc cruciale, les municipalités de l’UE ne pouvant supporter la majorité du surcoût de traitement. Pour y remédier, le texte prévoit alors la mise en place de régimes de responsabilité élargie des producteurs (REP), qui mettront donc à contribution les industriels, sur le principe du pollueur-payeur.
Pour le moment, seuls deux types de polluants figurent à la liste des produits couverts par ce régime de REP : les médicaments à usage humain[2] et les produits cosmétiques[3]. Néanmoins, la liste sera amenée à évoluer, et pourrait varier suivant les États membres, puisque le texte rappelle qu’ils « peuvent dépasser les exigences minimales énoncées dans la présente directive, par exemple en appliquant des délais ou des seuils plus stricts que ceux qui y sont prévus (…) et/ou en instituant des exigences supplémentaires concernant l’application de leurs régimes nationaux de responsabilité élargie des producteurs ou en élargissant le champ d’application de ceux-ci. »
Il n’est donc pas exclu qu’une REP PFAS soit un jour mise en place en France. C’est même fort probable, puisque cette REP fait partie des recommandations présentées dans le rapport PFAS qui a été remis au Premier ministre le 4 janvier 2024, au même titre que la création d’une filière de traitement.
[1] Voire 10 000 EH, si une évaluation des risques l’impose.
[2] Relevant du champ d’application de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil.
[3] Relevant du champ d’application du règlement (CE) 1223/2009 du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 relatif aux produits cosmétiques.
Crédit image de une : image générée sur Adobe Firefly
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