TotalEnergies a pour ambition d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050 et de réduire fortement ses émissions de méthane. Néanmoins, certains acteurs environnementaux accusent TotalEnergies d’être lié à « une vingtaine de projets pétroliers ou gaziers susceptibles d’émettre plus d’un milliard de tonnes d’équivalent CO2 sur l’ensemble de leur cycle de vie. »
Sur l’initiative du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires (GEST) du Sénat, une commission d’enquête a ainsi été lancée. Celle-ci concerne les moyens mobilisés et mobilisables par l’État pour assurer le respect par TotalEnergies des obligations climatiques et des orientations de la politique étrangère de la France.
Le rapport complet, les auditions détaillées, ainsi que les 33 recommandations qui ont été formulées par la commission sont disponibles sur le site du sénat.
TotalEnergies multiplie les projets de réduction des émissions de méthane
Les émissions de méthane sont un problème qui a longtemps été sous-estimé. On sait désormais qu’elles ont généré 30 % du réchauffement mondial depuis la Révolution industrielle. Or, le secteur de l’énergie est responsable d’environ 40 % des émissions de l’activité humaine, en raison de fuites accidentelles ou de mauvaises pratiques lors de l’extraction.
À l’issue de la COP26, dont le sujet principal était la réduction des émissions de méthane, une centaine de pays se sont ainsi engagés à réduire de 30 % leurs émissions d’ici 2030. Et de son côté, le groupe TotalEnergies s’est lui aussi fixé un objectif ambitieux : réduire les émissions de méthane sur ses sites exploités de 50 % d’ici 2025 et 80 % d’ici 2030 par rapport à 2020.
Pour y arriver, le groupe a donc commencé par mener une campagne mondiale de détection par drone sur ses 150 sites de production. Preuve de sa bonne foi et de son engagement, le groupe a même mis à disposition de compagnies nationales sa technologie de détection AUSEA.
Mais en dehors de ce qui est communiqué par TotalEnergies, le rapport de la commission d’enquête du Sénat souligne néanmoins que « la problématique des fuites de méthane lors de la production, du transport et du stockage du GNL est largement sous-estimée par l’énergéticien et doit mieux être prise en compte. »
TotalEnergies investit encore trop dans les énergies fossiles
Outre la question du méthane, la stratégie de décarbonation de TotalEnergies ne convainc pas forcément tout le monde. Lors de la 2e audition de cette commission d’enquête du Sénat, le politiste et membre du Giec François Gemenne a rappelé que si les investissements des multinationales du secteur se tournent de plus en plus vers les énergies renouvelables, « les investissements dans les énergies fossiles continuent d’être en hausse ». Il va même plus loin en affirmant que « TotalEnergies a raté l’opportunité de réinvestir massivement ses profits vers le déploiement des énergies renouvelables. »
Pour Valérie Masson-Delmotte, paléoclimatologue et ancienne coprésidente du Giec, il y a aussi un décalage entre l’image que le groupe semble vouloir se donner auprès du grand public et la réalité. Et ce constat dépasse d’ailleurs l’échelle européenne, puisque le régulateur de la publicité en Afrique du Sud a récemment dénoncé une campagne publicitaire trompeuse qui laisserait croire que le « développement durable est pratiqué dans toutes les activités de l’entreprise. »
Réduire la consommation d’hydrocarbures doit être la priorité pour le climat
Les faits sont là : 84 % du mix énergétique mondial repose actuellement sur les énergies fossiles. Comme l’affirme Valérie Masson-Delmotte : « nous émettons à peu près 40 milliards de tonnes – de gaz à effet de serre – chaque année. Il nous faudrait donc entre six et sept ans, au rythme actuel d’émissions, pour atteindre cet objectif (de limiter le réchauffement à 1,5° degré). Autrement dit, si nous n’engageons pas une forte baisse du niveau actuel d’émissions polluantes, le réchauffement dépassera inéluctablement 1,5 degré ».
Du point de vue de la physique et du climat, le problème est donc simple : nous devons réduire fortement nos émissions de méthane et de CO2 pour limiter le réchauffement. De manière logique, la priorité absolue devrait donc être de mettre fin le plus rapidement possible à notre dépendance aux énergies fossiles. Cela suppose ainsi de progressivement réduire nos prélèvements dans les réserves d’énergie fossile disponibles. Et sur ce point, une étude parue dans la revue Nature en 2021 fournit des chiffres clairs : « 60 % du pétrole et du méthane et 90 % du charbon ne devraient pas être extraits. »
Malheureusement, ni les groupes pétroliers ni les états ne semblent prêts à renoncer à l’exploitation des immenses réserves de combustibles fossiles. Pour s’en convaincre, il suffit de voir les faits. Selon l’AFP, plus de 400 projets pétroliers et gaziers impliquant 200 entreprises privées et publiques ont ainsi été approuvés en 2022 et 2023, dans 58 pays.
Et il y a plus alarmant encore. Selon les médias britanniques Newsweek et The Daily Telegraph, des chercheurs russes auraient mis au jour, en 2020, l’équivalent de 511 milliards de barils de pétrole en Antarctique. À titre de comparaison, cela représente le double des réserves connues de l’Arabie Saoudite, principal exportateur mondial de pétrole. Bien que toute exploitation minière soit strictement interdite en Antarctique depuis le protocole de Madrid en 1998, les intentions russes ont de quoi interroger, compte tenu de sa tendance à outrepasser les règles internationales. À l’avenir, un tel « trésor » ne risque-t-il pas également de susciter d’autres convoitises ? Il faut espérer que non.
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