Pour répondre à la consommation électrique des 1500 habitants de cet archipel totalisant une surface de 10 kilomètres-carrés, chaque année 220 000 litres de diesel étaient délivrés par bateau. De vieux générateurs diesel, à faible rendement, bruyants et polluants, délivraient une électricité très coûteuse.
Grâce au système à présent en place, presque 100% de l’électricité proviendra du solaire photovoltaïque. Les générateurs diesel ne sont conservés que pour être utilisés dans les cas exceptionnels de très faible ensoleillement sur plusieurs jours, ce qui est rare sur ces îles tropicales de l’océan Pacifique.
Du soleil et des noix de coco de secours
Pas moins de 4032 panneaux solaires, totalisant une puissance d’1 MW, ont été installés sur les trois îles par l’entreprise néo-zélandaise Power Smart en collaboration avec IT Power Australia. L’installation, particulièrement robuste, est capable de résister à des vents de 230 km par heure, en cas de cyclone.
Trois outils ont été utilisés pour adapter la production fluctuante du parc photovoltaïque à la demande des habitants des atolls, demande également variable.
En premier lieu le parc PV a une puissance surdimensionnée d’un facteur 1,5 comparativement aux besoins. Le parc peut produire 150% de l’électricité consommée dans l’île. Disposer d’une telle puissance installée permet de répondre intégralement à la demande électrique les jours ou l’ensoleillement est environ un tiers plus faible qu’en moyenne.
En second lieu 1344 batteries de 250 kg chacune, soit 336 tonnes au total, assistent le parc, ce qui permet d’absorber les pics de production et de restituer l’électricité pendant les périodes de faible production solaire.
Enfin, les générateurs diesel déjà en place ne vont pas être éliminés. Ils serviront en appoint (back-up) les jours où la production solaire est vraiment très faible. L’Ulu de Tokelau, le chef du gouvernement du territoire, a indiqué à radio New Zealand que les îles auront besoin des générateurs diesel en cas d’urgence, les jours où la production solaire sera insuffisante ou en cas de problème. Il a ajouté que « le territoire de Tokelau étudie actuellement la possibilité d’utiliser l’huile de coco » en tant que biocarburant à la place du diesel, et parvenir ainsi à une autonomie vraiment totale. Au final, plus de 95% de l’électricité consommée dans les 3 atolls sera solaire, et moins de 5% sera d’origine fossile ou biomasse. Un record mondial.
Une initiative qui fait des émules
L’atoll de Fakaofo a été équipé en août 2012, l’atoll de Nukunonu mi-septembre, et le troisième, Atafu, vient de l’être il y a quelques jours.
Le montant de l’investissement pour l’ensemble de l’archipel s’élève à 7,5 million de dollars néo-zélandais, c’est-à-dire environ 6,3 million de dollars américains. Il a été délivré dans le cadre du programme d’aide au développement du gouvernement de Nouvelle-Zélande, pays qui administre ce territoire insulaire isolé.
Les économies réalisées grâce au nouveau système en place sont estimées à un million de dollars américains par an. Le coût élevé de l’électricité obtenue à partir de générateurs diesel est un obstacle au développement socio-économique des très nombreuses îles de l’océan Pacifique. Les îles Tonga ont annoncé qu’elles allient suivre l’exemple de Tokelau. 1 MW de solaire photovoltaïque va y être installé.
Plusieurs îles dans le monde aspirent à devenir vraiment autonomes grâce aux énergies renouvelables. El Hierro, à l’extrême ouest de l’archipel des Canaries, va mettre en service de début 2013 un parc éolien assisté d’une STEP, qui stocke l’énergie sous forme gravitaire. Les îles d’Aran, en Irlande, ont un projet similaire. L’île anglo-normande d’Aurigny a de son côté comme objectif de devenir autonome grâce à des hydroliennes (capture de l’énergie des courants de marée) également assistées d’une STEP.
Au Danemark, l’île de Samsoe produit depuis plusieurs années autant d’électricité éolienne qu’elle n’en consomme, mais il s’agit d’une autonomie virtuelle: quand la production éolienne est insuffisante l’île importe du continent, tandis qu’elle exporte les jours de grand vent.
Ces exemples insulaires seront peut-être suivis par les continents du monde dans quelques décennies. La planète bleue est une île.
Par Olivier Daniélo, journaliste scientifique