Aurélie Mossé est designer indépendante, chercheur et enseignante à l’Ecole nationale supérieure des Arts décoratifs (ENSAD). Elle forme ses étudiants en design aux nouvelles technologies textiles et aux enjeux écologiques. Cela inclut les e-textiles de façon générale, qu’il s’agisse de textiles high-tech et complexes, comme les tissus photovoltaïques, et les textiles low-tech, à base de fibres naturelles.
Aurélie Mossé est designer indépendante, chercheur et enseignante à l’Ecole nationale supérieure des Arts décoratifs (ENSAD). Elle forme ses étudiants en design aux nouvelles technologies textiles et aux enjeux écologiques. Cela inclut les e-textiles de façon générale, qu’il s’agisse de textiles high-tech et complexes, comme les tissus photovoltaïques, et les textiles low-tech, à base de fibres naturelles.
Techniques de l’ingénieur : Quelles recherches avez-vous menées sur les textiles intelligents?
Aurélie Mossé : J’ai principalement travaillé sur deux projets pour explorer l’utilisation des matériaux qui réagissent à la lumière ou changent de forme avec l’électricité dans la maison.
Ainsi, en 2009 j’ai développé une membrane textile composite dotée de films photovoltaïques souples qui change de forme pour produire de l’électricité en fonction du rythme solaire. Les cellules photovoltaïques sont collées sur des voiles en tulle. Pour les activer, il suffit d’ajouter un capteur de lumière qui détecte les variations lumineuses, un microcontrôleur qui les traduit en données numériques et des mécanismes de poulies pour faire bouger le textile. En cas de forte luminosité, le textile est complètement déployé et génère de l’électricité. En revanche, quand l’ensoleillement diminue, il se contracte pour laisser passer la lumière du jour et se redéploie la nuit pour préserver l’intimité.
En 2011 et 2012, j’ai travaillé sur un plafond qui change de forme avec le vent et l’électricité. Les éléments ont deux niveaux d’activité. Des structures s’ouvrent ou se ferment en fonction de la vitesse du vent et des motifs passifs vont juste frémir avec les courants d’air intérieur. Les structures sont réalisées grâce à des polymères électroactifs, en particulier des élastomères diélectriques. Ce sont des plastiques qui changent de forme lorsqu’ils sont soumis à une impulsion électrique. Dans ce cas précis, il s’agit d’élastomères diélectriques. C’est la structure moléculaire qui se déforme sous la pression du courant électrique. Pour ce faire, il faut appliquer un voltage entre 1.000 et 5.000 volts. Pour préparer chaque structure, l’élastomère est pré-tendu sur un cadre et recouvert d’un enduit conducteur. Il suffit ensuite d’ajouter les électrodes. Lorsque l’on relâche cette structure, elle forme un volume en 3D. Elle passe à une forme plus plate pré-enregistrée dans le processus de fabrication de la structure lorsqu’on applique le voltage. Il y a toutefois encore des recherches à mener pour arriver à 230 volts et avoir des applications en décoration pour les particuliers.
Plafond doté de structures qui changent physiquement de forme en réaction à l’électricité (haut voltage). Dans cette installation, les structures sont connectées à un capteur de vent ce qui implique qu’elles s’ouvrent et se ferment en fonction de la vitesse du vent extérieur. ©Anders Ingvartsen
ETI : Où en est aujourd’hui la recherche dans ces domaines?
A.M : Le champs des polymères électroactifs se développe assez rapidement et il y a des solutions commercialisées pour des applications très ciblées, notamment en robotique. En laboratoire de recherche, on arrive désormais à faire de l’impression in-jet de solutions conductrices, à créer des matériaux complexes et on commence à développer des technologies d’activation sous formes de fils et non plus de films. Ces fils peuvent par exemple réagir à différentes longueurs d’onde. Nous sommes dans des choses assez expérimentales au stade de laboratoire, mais cela est très prometteur.
Côté photovoltaïque, il est possible d’apposer des panneaux souples sur les textiles, mais on a encore du mal à faire des fibres photovoltaïques. Techniquement, les niveaux de production d’électricité sont tellement bas que le rapport entre le coût et le gain n’est pas du tout intéressant.
ETI : Quelles sont les tendances d’utilisation en design?
A.M : Pour la mode, plusieurs vêtements chauffants arrivent sur le marché. Il y aussi les foulards anti-pollution de la start-up française Wair. En design d’intérieur, la réflexion se porte sur les solutions pare-soleil, les rideaux pour gérer la luminosité et la façon d’améliorer la qualité de l’air des bâtiments.
Une autre tendance est à suivre. Il s’agit des surfaces qui changent de couleur, d’esthétique ou de forme en fonction de différents stimuli : la lumière, l’humidité, le son l’électricité, etc.
ETI : Y a-t-il de la place pour l’écologie dans le domaine?
A.M : Il y a des efforts d’utilisation de bioplastiques ou de fibres naturelles, mais ces solutions sont encore au stade de la recherche et ne se retrouvent pas dans les produits commercialisés. Pour réduire l’empreinte écologique, il faut par exemple trouver d’autres façons que l’électronique pour activer les surfaces. Je pense aux plastiques qui changent de forme avec la lumière et aux fibres naturelles qui changent de forme avec l’humidité. Il faut également penser au devenir post-utilisation et post-consommation des textiles et réfléchir au désassemblage en vue du recyclage. Le projet européen Wear Sustain s’intéresse de près à ces questions.
Propos recueillis par Matthieu Combe, journaliste scientifique
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