« Au moins 25% de la demande mondiale durant 50 ans peut être fournie via le Groenland », révèle Damien Degeorges, auteur de Terres rares : enjeu géopolitique du XXIe siècle (Ed. L’Harmattan, 2012). On assiste dès lors à une « véritable course à ces terres rares du Groenland entre Etats-Unis, Union Européenne, Chine et Corée du Sud », témoigne-t-il.
Les représentants défilent sur l’île pour négocier des contrats d’extraction. Les Groenlandais ont pu voir Antonio Tajani, commissaire européen en charge de l’Industrie, puis le président chinois Hu Jintao en juin dernier. En septembre, le Président Sud-Coréen s’est même rendu directement au Groenland sans passer par Copenhague ! Début novembre, c’était au tour du ministre groenlandais des ressources naturelles de se rendre en Chine.
L’enjeu stratégique est important. Si le Groenland est actuellement un territoire autonome rattaché au Danemark, son indépendance à terme est quasiment inévitable. L’île gère déjà en indépendance ses ressources depuis 2010. Elle, qui ne compte que 57.000 habitants pour un territoire grand comme quatre fois la France, y voit l’opportunité de mettre fin à sa dépendance économique vis-à-vis du Danemark. « L’indépendance est une quasi-certitude à moyen terme », estime Damien Degeorges. Tout dépendra du niveau d’indépendance et des alliances qui seront nouées par le Groenland. L’enjeu pour le Groenland est de « choisir les bons investissements aux bons endroits », analyse-t-il.
Un uranium bien gênant
Au Groenland, les dépôts de terres rares sont souvent en lien avec des dépôts d’uranium radioactif. Or, l’île a adopté une tolérance zéro sur l’extraction d’éléments radioactifs depuis les années 1980. Pour l’instant, certains projets sont donc en stand-by. C’est le cas du projet d’extraction mixte terres rares-uranium de Kvanefjeld au sud de l’île. Il prévoit l’extraction de 40.000 tonnes de minerais par an.
« La question est en débat très intenses puisque c’est la clé pour déclencher certains projets, notamment ceux liés aux terres rares », témoigne Damien Degeorges. À l’occasion des prochaines élections qui auront lieu en juin 2013, un changement de politique est peut-être en vue. Dans tous les cas, « on prévoit le début de l’exploitation très rapidement, en 2014 à peu près », révèle l’auteur. Et pour cela, la politique sur l’uranium aura nécessairement évolué.
Le Groenland , nouveau carrefour des échanges
La banquise Arctique ne s’arrête plus de fondre en été. Cet été encore, un nouveau record de fonte des glaces a été atteint. La banquise ne recouvrait plus que 3,4 millions de kilomètres carrés au 16 septembre 2012. Du fait du réchauffement climatique, traverser l’océan Arctique en bateau en été devrait donc être possible dans quelques décennies à en croire différents experts. « Le changement climatique fait que le Groenland et l’Arctique passent d’un statut de régions périphériques à région centrale », estime quant à lui Damien Degeorges.
De fait, le Groenland constitue un carrefour des intérêts américains, européens et à présent asiatiques dans la région arctique. Du fait du changement climatique, une nouvelle route maritime est possible à terme. Ceci signifie une réduction des distances d’environ 40% entre Asie et Europe et un accès à des ressources jusqu’ici difficilement accessibles.
Par Matthieu Combe, journaliste scientifique
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