Interview

Teqoya : des technologies de pointe pour purifier l’air intérieur

Posté le 6 mars 2023
par Benoît CRÉPIN
dans Matériaux

Créée en 2015 par un trio d’ingénieurs, Teqoya propose une gamme de produits destinés à purifier l’air intérieur des maisons ainsi que des bâtiments tertiaires et recevant du public. Des dispositifs qui bénéficient des technologies de pointe développées par l’entreprise basée en Gironde. Teqoya a annoncé il y a peu le lancement de deux nouveaux produits, dont un purificateur d’air neutralisant plus de 99 % des particules ultrafines : Alana.

Teqoya a débuté ses activités en 2015 en redonnant vie à une technologie d’ionisation de l’air sans ozone, un temps laissée de côté après avoir été développée aux côtés d’une PME bordelaise par le professeur à l’Université de Bordeaux Jacques-Breton.

L’entreprise a ainsi lancé sur le marché plusieurs purificateurs d’air par ionisation à la fois performants et compacts, mais aussi silencieux, économes en énergie et ne nécessitant aucun consommable.

Pour élargir la palette des applications possibles de ses solutions, Teqoya a combiné cette première brique technologique avec un procédé d’électrofiltration. Une union qui a permis de donner naissance à une technologie dite « d’e-filtration », lancée en 2022. Pierre Guitton, co-fondateur de Teqoya, nous dévoile les secrets de cette technologie et nous présente plus en détail les produits dans lesquels elle est intégrée.

Techniques de l’Ingénieur : Quelles sont les origines de Teqoya ?

Pierre Guitton : J’ai été sensibilisé à l’importance de la qualité de l’air de par mon histoire personnelle. Ma fille aînée est en effet très asthmatique. Je me suis donc intéressé aux facteurs déclencheurs des crises et donc à la qualité de l’air. Chemin faisant, j’ai entendu parler d’une technologie d’ionisation de l’air… Je m’y suis donc penché et j’ai fini par prendre la décision de me lancer dans ce domaine.

Teqoya est ainsi basée sur un socle technique préexistant, qui a été développé par l’Université de Bordeaux en partenariat avec une PME bordelaise spécialisée en ingénierie électronique. Un long travail de mise au point a été effectué, mais le projet a finalement été mis de côté pendant un temps. Après avoir testé en laboratoire la technologie, je me suis aperçu de son potentiel, et j’ai donc décidé de redonner vie à ce projet avec l’aide de mes deux associés. C’est ce qui a permis de donner vie à Teqoya en janvier 2015.

Sur la base de cette technologie que vous évoquez, quelles ont été les principales étapes de R&D que vous avez poursuivies ?

Teqoya a commencé par commercialiser des purificateurs basés sur sa technologie d’ionisation sans ozone. En 1 : étape d’ionisation des particules, en 2 : purification naturelle de l’air. © TEQOYA

Nous réalisons de la R&D en continu depuis la création de Teqoya. On peut scinder ce travail en deux grandes phases. La première a consisté à faire mûrir la technologie qui consiste, en substance, à porter une pointe à haute tension. C’est ce que l’on appelle l’effet de pointe, ou effet couronne. Cela génère un champ électrique très fort au voisinage de cette pointe, qui accélère les électrons libres dans l’air et génère une réaction en cascade. On assiste donc à des réactions chimiques complexes, typiques des plasmas froids.

Hors de cette zone de plasma, il existe une zone de dérive, à quelques micromètres autour de la pointe. Les ions au même potentiel électrique que la pointe sont repoussés, alors que ceux dont le potentiel est opposé sont attirés. Cela va donc entraîner la diffusion dans l’air de charges monopolarisées, sous la forme d’ions.

Tout cela est très classique. Mais notre technologie comporte des particularités. En travaillant, d’une part, sur l’alimentation de la haute tension et, d’autre part, sur l’environnement électrostatique de la pointe – en jouant sur des matières diélectriques ou au contraire conductrices – nous sommes en effet parvenus à un procédé générant beaucoup d’ions tout en diffusant très peu de substances oxydantes, en particulier l’ozone. C’est pourtant le risque numéro un des ioniseurs conventionnels…

À partir de cela, nous avons observé le marché de la purification de l’air. Nous avons alors constaté qu’il était occupé par des appareils à filtration mécanique conventionnelle. Ils sont, certes, très performants, mais aussi gros et puissants, donc bruyants et consommateurs d’énergie. À cela s’ajoute la nécessité de remplacer régulièrement les filtres.

Les gens ont donc tendance à ne les utiliser que ponctuellement. Or, pour les protéger des petites doses de polluants qu’ils inhalent continuellement à l’intérieur des bâtiments – dont on sait qu’elles sont néfastes –, il fallait développer un appareil capable de fonctionner en continu.

C’est justement ce que permet l’ionisation : les appareils consomment peu, sont compacts et silencieux. Le tout sans consommables.

Nous avons donc lancé Teqoya avec cette volonté de produire des purificateurs faciles à vivre, en visant, d’emblée, les marchés les plus significatifs, notamment la Chine. Et nous avons bien fait : l’Asie représente en moyenne 70 à 80 % de nos ventes…

À partir de 2017-2018, nous avons toutefois fait un autre constat : même si elle fonctionne très bien, la technologie d’ionisation n’est pas faite pour obtenir une diminution drastique des polluants en un temps très réduit. Elle est là pour réaliser un travail de fond. Cette technologie conserve aussi un côté « mystérieux », dérangeant pour certaines personnes, qui se demandent comme un appareil complètement inerte peut réussir à dépolluer l’air…

Ces deux facteurs combinés nous privaient d’une partie des applications et débouchés possibles en matière de purification de l’air. Nous en avons donc conclu que nous avions besoin de développer un autre procédé, utilisant la convection de l’air pour piéger les particules dans un filtre.

Nous nous sommes alors posé une question : ne pourrait-on pas exploiter notre technologie d’ionisation dans un appareil de filtration plus conventionnel, utilisant un courant d’air ? C’est ce qui nous a conduits à développer une autre technologie, que l’on appelle la « e-filtration ».

Ce procédé consiste à charger électrostatiquement les particules, puis, dans un second temps, à piéger ces particules dans un système de plaques polarisées. Les particules chargées électrostatiquement sont ainsi déviées par les forces électrostatiques vers l’une des deux plaques, celle qui a un potentiel opposé à leur charge.

Ce procédé est notamment utilisé au niveau industriel dans des applications telles que le traitement de fumées. Il bénéficie en effet de capacités de stockage de particules très importantes, contrairement aux filtres traditionnels. Il n’est toutefois pas transposable directement auprès du grand public. Nous avons donc décidé de tirer parti de nos savoir-faire pour créer un filtre disposant de toutes les qualités d’un électrofiltre conventionnel, mais en étant plus sûr à utiliser : sans ozone et sans risque de décharges électrostatiques, dangereuses ou du moins désagréables. C’est ainsi que nous avons donné naissance à notre technologie d’e-filtration.

À quelles solutions concrètes avez-vous donné naissance à partir de cette technologie d’e-filtration ?

Développée par Teqoya et intégrée notamment au purificateur Alana, la technologie d’e-filtration agit en deux étapes. En 1 : ionisation des particules, en 2 : purification de l’air par électrofiltration. © TEQOYA

Nous avons, d’une part, développé un purificateur d’air destiné tant au grand public qu’aux professionnels. Nous l’avons lancé commercialement il y a peu, sous le nom d’Alana.

Nous le fabriquons en France dans notre atelier en Aquitaine. Les volumes augmentant, nous avons aussi sous-traité une partie de notre fabrication auprès de partenaires basés en France ou dans le Pays basque espagnol.

D’autre part, nous avons aussi présenté ce procédé d’e-filtration à des industriels de la qualité de l’air des bâtiments. Nous avons alors commencé à travailler avec Aldes, qui a perçu le potentiel de notre technologie. Ils nous ont ainsi proposé de développer une première application : l’entrée d’air filtrante, destinée aux systèmes de VMC simple flux des bâtiments résidentiels. Nous venons de lancer cette deuxième solution, commercialisée par Aldes.

Quelles performances ces solutions de purification atteignent-elles ?

L’entrée d’air filtrante est adaptée à des débits d’environ 35 m³/h, avec une performance de filtration de l’ordre de 80 % pour les PM1[1]. C’est mieux que les meilleurs filtres installés dans le tertiaire… !

Pour le purificateur d’air Alana, les performances sont encore plus élevées. Il dispose de quatre débits. Sur les deux débits inférieurs, l’appareil dépasse les 99 % de filtration et sur les deux débits supérieurs, il se situe un peu en deçà, mais toujours au-dessus de 90 %.

Sur quels types de polluants de l’air ces dispositifs agissent-ils ?

Nos solutions agissent sur toutes les natures de particules : suies et particules minérales, biocontaminants tels que les bactéries et les spores, ainsi que les microgouttelettes potentiellement chargées en virus, notamment celui qui est responsable de la Covid-19. Le procédé ne fonctionne cependant pas sur les gaz, les COV, ou alors très peu.

Nous avons en revanche constaté une bonne efficacité sur les odeurs. Nous devons encore réaliser des tests en laboratoire pour bien comprendre cet effet.

Avez-vous éventuellement d’autres produits en préparation ?

Nous sommes effectivement impliqués dans un projet européen de recherche qui vise à évaluer tous les impacts sur la santé des enfants de la pollution de l’air ainsi que les solutions de remédiation. Nous travaillons donc sur une évolution d’Alana, sur laquelle je ne peux pas encore tout dire, si ce n’est qu’elle utilisera notre technologie d’e-filtration complétée par plusieurs briques technologiques supplémentaires.

Nous sommes aussi engagés dans un projet de recherche qui vise, lui, plutôt des applications dans le tertiaire. Il s’agit d’utiliser l’e-filtration en lieu et place ou en complément de la filtration conventionnelle des systèmes de VMC double flux. Ceci afin d’améliorer nettement les performances de filtration sans augmenter la consommation d’énergie.

Ces différents projets devraient aboutir à des solutions concrètes aux alentours de 2024-2025.

Image de une : Pierre Guitton, co-fondateur et président de Teqoya – Crédit Laurent Sacco


[1] Particules de taille inférieure à 1 micron.


Pour aller plus loin