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Tensions autour de l’accès réglementé à l’énergie nucléaire historique (Arenh)

Posté le 7 avril 2020
par Joël Spaes
dans Énergie

La Commission de régulation de l’énergie (CRE) a tenté de répondre aux difficultés des fournisseurs d’électricité pendant la crise du Covid-19. Elle a ainsi récemment publié une délibération s’attachant aux factures liées à l’acheminement (distribution et transport), mais aussi à l’Arenh, l’accès réglementé à l’énergie nucléaire historique. Avec une décision de refuser la « force majeure » qui vient d’être contestée par deux associations de fournisseurs.

Les fournisseurs d’électricité font face à une perte de chiffre d’affaires liée à la baisse de la consommation d’énergie à cause de la crise sanitaire et des mesures de confinement mises en œuvre pour faire face à l’épidémie de Covid-19. Le recul de la demande électrique est de l’ordre de 15 % en moyenne par rapport au niveau habituellement constaté au mois de mars, rappelle la CRE. En outre, cette baisse de la consommation se concentre en particulier sur le segment industriel et tertiaire en raison des mesures d’urgence prises par le Gouvernement pour faire face à l’épidémie de Covid-19.

Ce retrait de la demande affecte, comme nous l’avions déjà écrit, les prix de l’électricité sur les marchés de gros : le prix du produit base pour le deuxième trimestre de 2020 est de 21 €/MWh au 26 mars 2020 (contre de 40 €/MWh à 45 €/MWh sur l’année précédente). Et comme le montre le dernier rapport daté du 2 avril d’Epex, la bourse de l’électricité, la moyenne des prix sur les échanges en mars et en base s’élève à 23,83 €/MWh et en pointe à 28,96 €/MWh.

En outre, les fournisseurs doivent revendre sur le marché un surplus d’électricité à un prix plus bas que celui auquel ils l’ont acheté. Enfin, ils doivent reporter la facture d’énergie des petites entreprises en difficulté.

Or, les fournisseurs ont généralement déjà acheté, à un prix convenu à l’avance, les quantités d’électricité nécessaires à l’approvisionnement de leurs clients. Et pour la majeure partie d’entre eux, cette électricité a été achetée dans le cadre de l’Arenh, qui prévoit qu’EDF doit céder à ses concurrents un quart de sa production nucléaire (soit 100 TWh) à un prix fixe de 42 €/MWh. La CRE signale que la plupart des fournisseurs actifs en France ont choisi, pour l‘année 2020, de recourir à l’Arenh pour approvisionner leur portefeuille de clients, à hauteur en moyenne de 60 % de leurs besoins et pour un volume global de 100 TWh.

Ils se retrouvent donc avec un surplus d’électricité qu’ils doivent vendre sur le marché à un prix bien inférieur à celui auquel ils l’ont acheté.

Activer la clause de force majeure

Dans ce contexte, plusieurs fournisseurs ont demandé l’activation de la clause de force majeure prévue dans l’accord-cadre Arenh. Cela leur permettrait de suspendre le contrat Arenh, de mettre fin aux livraisons des volumes d’Arenh pendant la durée de la force majeure et de s’approvisionner sur le marché à un prix beaucoup plus bas pour la totalité de leurs volumes, explique la CRE.

EDF, le vendeur, a fait part à ces fournisseurs de son opposition au déclenchement de cette clause, considérant que les conditions prévues dans le contrat Arenh ne sont pas réunies.

La CRE constate le désaccord entre les parties au contrat, mais considère néanmoins que la force majeure ne trouverait à s’appliquer que si l’acheteur parvenait à démontrer que sa situation économique rendait totalement impossible l’exécution de l’obligation de paiement de l’Arenh. Compte tenu de ce qui précède, les conséquences d’une suspension totale des contrats Arenh en raison de l’activation des clauses de force majeure seraient disproportionnées, indique le régulateur du secteur. Ce dernier juge en outre qu’« une telle situation créerait un effet d’aubaine pour les fournisseurs au détriment d’EDF qui irait à l’encontre des principes de fonctionnement du dispositif, lesquels reposent sur un engagement ferme des parties sur une période d’un an ». En conséquence, la CRE se refuse à activer la clause de force majeure.

C’est cette décision que l’Association nationale des opérateurs détaillants en énergie (Anode) et l’Association française indépendante de l’électricité et du gaz (Afieg), deux associations rassemblant des fournisseurs alternatifs d’énergie, viennent de contester en référé devant le Conseil d’Etat afin de faire annuler la décision de la CRE du 26 mars dernier.

En revanche, face aux circonstances exceptionnelles actuelles, la CRE préconise des mesures d’ajustement du mécanisme Arenh. D’abord, la CRE va procéder à la suppression de certaines pénalités (dénommées CP2) au titre de l’année 2020. Ces pénalités s’appliquent en cas de demande excessive d’Arenh par rapport à la consommation des clients du fournisseur. La CRE considère que les éventuels excédents pour 2020 seront « indépendants de la volonté des fournisseurs ». En outre, la CRE accepte un rééchelonnement du paiement des factures Arenh pour les fournisseurs dont les clients auraient eux-mêmes demandé un paiement différé de leurs factures.

Enfin, elle demande à EDF d’être souple sur les conditions de paiement des « petits fournisseurs », en prenant en compte leur situation de fragilité, donc à accepter d’une certaine manière le cas de « force majeure ». Dans le cadre de ces échanges, la CRE estime souhaitable qu’EDF puisse accorder des facilités de paiement supplémentaires. En cas d’accord amiable entre EDF et un fournisseur sur de telles mesures, la CRE transmettra les nouvelles modalités de paiement à la Caisse des dépôts et consignations, après s’être assuré du caractère proportionné de l’accord.

Selon certains échos dans la profession, ce dernier point, qui s’apparente à « avantage » à certains fournisseurs au détriment d’autres, pourrait bien constituer une distorsion de concurrence, et donc conduire à des recours.

Cette tension autour de l’Arenh intervient alors que le gouvernement a lancé en février dernier (cf.  EDF : remaniement des ventes de la production nucléaire…et de l’entreprise) des projets de remaniement de la façon dont l’énergie nucléaire est vendue en France, et donc mettre un terme au mécanisme actuel. Des propositions qui avaient été plutôt bien accueillies par la profession dans son ensemble.


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