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Interview

Technosport : un lieu de coopération entre chercheurs et acteurs du milieu du sport

Posté le par Alexandra VÉPIERRE dans Innovations sectorielles

Inaugurée fin 2014 au sein de l'Institut des Sciences du Mouvement Etienne-Jules Marey, la plateforme Technosport permet aux fédérations sportives, aux industriels et chercheurs de partager leurs connaissances et de mener des projets communs. Rencontre avec Guillaume Rao, directeur de la plateforme.

Créée il y a 10 ans au sein de l’Institut des Sciences du Mouvement Etienne-Jules Marey, la plateforme Technosport-amU permet de faire le pont entre la recherche fondamentale autour du mouvement humain et les besoins des acteurs du milieu du sport. Via une approche pluridisciplinaire, la plateforme donne l’opportunité aux fédérations sportives et aux industriels de collaborer avec les chercheurs du laboratoire pour mener des projets communs et faire avancer la recherche dans le sport. 

Guillaume Rao est professeur dans la faculté des sciences du sport de l’université Aix-Marseille et chercheur à l’Institut des Sciences du Mouvement. Il est directeur de la plateforme Technosport. 

Techniques de l’Ingénieur : Qu’est-ce que la plateforme Technosport ?

Guillaume Rao, Technosport
Guillaume Rao / Crédits : Elea Ropiot

Guillaume Rao : Technosport est un lieu de rencontre entre les industriels, les fédérations sportives et les scientifiques. Les entreprises de matériel sportif et les fédérations viennent nous voir avec des problématiques et l’idée est de se réunir autour d’une table, de manière horizontale, pour trouver des solutions. C’est important pour nous de ne pas prendre une position supérieure de “sachant” mais au contraire d’écouter les besoins, les contraintes et les attentes des acteurs du milieu sportif. Les entraîneurs nationaux par exemple sont des experts de leur pratique, et nous notre rôle est d’amener des bases scientifiques, de générer de la créativité pour réfléchir ensemble à d’autres manières de concevoir un entraînement ou une interaction avec le matériel. Notre but est d’avoir une approche vraiment pluridisciplinaire du mouvement, pour avoir la vision la plus complète possible du sportif en interaction avec son environnement et du matériel.

Comment se passent les collaborations avec les fédérations sportives et les industriels ?

Parfois les fédérations ou les industriels nous contactent avec une problématique, parfois ce sont nous qui les contactons car nous pensons avoir développé au sein du laboratoire quelque chose qui pourrait être utile dans leur activité. Nos étudiants aussi réalisent des stages dans les fédérations, ce qui peut mener à des thèses. L’idée est de déboucher sur un consortium et d’accueillir les athlètes pour réaliser des tests et résoudre la problématique soulevée. Les tests sont réalisés en partie en laboratoire, et en partie en conditions réelles, pour se rapprocher le plus possible de l’écologie de l’activité.

 

La plateforme est équipée d'un gymnase instrumenté, d'un mur d'escalade et de salles de recherche
La plateforme est équipée d’un gymnase instrumenté, d’un mur d’escalade et de salles de recherche / Crédit : Elea Ropiot

Quels types de recherches menez-vous ?

Au niveau du Technosport, nous sommes spécialisés sur les mesures du mouvement humain, avec un accent donné à la biomécanique. Nous couvrons trois volets de recherches. D’abord, la recherche fondamentale pour mieux comprendre le mouvement lui-même et augmenter notre base de connaissance sur le sujet. Ensuite, les recherches sur l’optimisation de la performance des athlètes. Et enfin, l’aspect prévention du risque des blessures. Nous sommes toujours à la recherche du point d’équilibre entre une haute sollicitation mécanique qui va mener à de la fatigue voire à une rupture ou fragilisation, et une insuffisante sollicitation mécanique qui mène à une dégénérescence. Chercher le point d’équilibre permet d’améliorer la structure, sans dépasser la charge critique qui entraîne la blessure. 

Sur quels projets travaillez-vous en ce moment ?

Nous sommes actuellement en train de lancer un projet avec la Fédération française de cyclisme sur la partie optimisation de la performance et risque de blessure en lien avec le matériel. En parallèle, nous avons des projets avec la Fédération française de golf sur le développement des athlètes et de leur swing. Nous développons aussi des projets avec le CREPS PACA sur la formation des entraîneurs. C’est un sujet sur lequel nous intervenons beaucoup, afin de valoriser et transférer au mieux les recherches qui sont faites dans les laboratoires auprès des entraîneurs et des fédérations. Enfin, nous menons divers projets en relation avec des industriels du sport pour développer des produits et améliorer les performances.

Pourriez-vous décrire votre travail avec la Fédération française de golf ?

Le golf est un sport très piloté par la donnée. Certaines, comme les statistiques liées à la progression des joueurs, sont disponibles pendant les tournois. D’autres, comme les données sur le geste lui-même, sont plus complexes à obtenir. Pour cela, il existe différents outils qui mesurent comment chacune des parties du corps va se déplacer dans l’espace, les angles articulaires, les vitesses angulaires, les accélérations, la vitesse de tête de club etc. Il y a aussi un autre aspect primordial dans le golf : les efforts qui sont transmis au sol, donc comment le golfeur va changer ses appuis au fur et à mesure de son coup. Ces données ne sont pas disponibles partout, c’est pourquoi des entraîneurs nationaux sont venus nous demander une base de données du mouvement et des efforts au sol dans différentes situations de coups chez leurs jeunes. Ainsi, leurs jeunes athlètes viennent régulièrement faire des tests et nous mesurons comment leurs coups évoluent. Dans un second temps, nous proposons de nouveaux exercices pour modifier la manière dont le geste est réalisé. Nous ne voulons pas changer la façon de travailler de l’entraîneur mais seulement opposer une vision complémentaire sur la base de nos données pour venir challenger les limites et les points bloquants que lui a déterminé. 

Les athlètes réalisent des tests au sein de la plateforme Technosport
Les athlètes réalisent des tests au sein de la plateforme Technosport / Crédit : Elea Ropiot

Comment a évolué la recherche dans le sport depuis vos débuts ?

Il y a 25 ans, les collaborations entre les universitaires et les industriels n’étaient pas si fréquentes et le côté recherche appliquée n’était pas très bien vu ou encouragé. Aujourd’hui, les collaborations sont valorisées et on peut voir des fédérations entrer dans des laboratoires. Il y a une volonté partagée de se rassembler pour mettre en commun les connaissances de chacun dans un objectif de performance. Il y a une vingtaine d’années, l’approche pluridisciplinaire en science était déjà présente mais plus complexe à mettre en place. Cette évolution des cadres de pensée a fait le jeu de la recherche appliquée car désormais nos recherches peuvent s’appuyer sur la connaissance de l’activité auprès des fédérations, mais aussi sur la connaissance du matériel auprès des industriels, et enfin sur les connaissances scientifiques fondamentales issues des laboratoires. Ces progrès sont le résultat de plusieurs facteurs, notamment la volonté de différents acteurs comme l’INSEP, les fédérations, les universités ou le Ministère.

En parallèle, si la volonté d’une fédération a toujours été d’optimiser la performance de ses athlètes, nous notons aujourd’hui de fortes évolutions sur l’approche pluridisciplinaire de cette quête. Les fédérations souhaitent ainsi pousser tous les curseurs de la performance au maximum. Les approches et donc les recherches touchent aussi bien les équipements, la physiologie, la biomécanique, les neurosciences, les aspects familiaux, la nutrition, le sommeil etc. Il n’y a plus une focalisation sur certains facteurs mais une ouverture à tous les facteurs qui peuvent jouer. 

D’un point de vue éthique, est-il souhaitable de viser l’optimisation totale des athlètes ?

Quand on prend en compte le caractère très complexe des êtres humains, ainsi que tous les derniers cas de burn out et de problèmes mentaux chez les athlètes, la question se pose. D’un côté, on peut se dire que toujours pousser les athlètes n’est pas forcément bon car, si l’inactivité sportive est très mauvaise, on sait aussi que la suractivité sportive n’est pas bonne non plus. De ce point de vue là, peut-être que pousser le corps humain à son maximum de la performance n’est pas une bonne chose. D’un autre côté, les connaissances que nous avons aujourd’hui sur l’activité physique, les programmes de renforcements et certains nouveaux matériaux n’auraient pas été possibles sans les recherches sur le sport de haut niveau. Nos recherches sur le corps humain permettent aussi de grandes avancées en médecine, avec le développement par exemple de prothèses. De la même manière, les athlètes inspirent le grand public, qui va s’inscrire à des cours de sport, ce qui est extrêmement bénéfique. Il est donc difficile d’avoir un avis tranché. 

Comment imaginez-vous le futur de Technosport ?

Je souhaiterais continuer à améliorer le lien entre les fédérations et les universitaires pour fluidifier encore plus les connexions. Ensuite, j’aimerais qu’il y ait davantage de partage de compétences entre les différents laboratoires, à échelle locale et nationale. Enfin, je voudrais poursuivre les projets de recherche pluridisciplinaire et continuer à travailler sur des techniques nouvelles. Aujourd’hui, on parle beaucoup d’intelligence artificielle, mais il y en a beaucoup d’autres.

Propos recueillis par Alexandra Vépierre

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Posté le par Alexandra VÉPIERRE


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