Créé en 2005, le Pôle de compétitivité Systematic Paris-Region se positionne aujourd’hui en tant que pôle européen des Deep Tech. Fort de près d’un millier de membres – grands groupes, PME, ou startups, mais aussi acteurs de la recherche publique –, le pôle francilien fédère et anime ainsi un écosystème d’acteurs très large et diversifié, autour de projets R&D collaboratifs centrés sur des technologies clés pour l’avenir.
Organisé en sept « hubs », le Pôle de compétitivité Systematic Paris-Region couvre une vaste palette de technologies : infrastructures numériques, cybersécurité, photonique, open source, ou encore drones, ingénierie et informatique avancées. Pour mener à bien les projets d’innovation qu’il accompagne dans ces domaines, le pôle Systematic a défini une stratégie axée autour de deux thèmes « forts et complémentaires », tels qu’il les définit : l’innovation structurante, mais aussi la transformation numérique. Le pôle compte ainsi plus de 200 experts réunis au sein de ses Comités de pilotage, et a mené depuis sa création pas moins de 796 projets jusqu’au stade du financement, pour un montant total de 3,6 milliards d’euros… À nouveau labellisé en mars dernier par l’État à l’issue de l’appel à candidatures relatif à la phase V de la politique des Pôles de compétitivité (2023-2026), Systematic ambitionne désormais de décupler les capacités d’innovation et la croissance de l’écosystème francilien des Deep Tech qu’il anime, comme nous l’explique Jean-Luc Beylat. Actuellement à la tête de Nokia Bell Labs France, il préside par ailleurs le pôle Systematic depuis 2011.
Techniques de l’Ingénieur : Quelle est la genèse du Pôle de compétitivité Systematic Paris-Region ?
Jean-Luc Beylat : Systematic est né de la première vague d’appels à candidatures de la politique nationale des Pôles de compétitivité : il existe depuis la première phase, en 2005. Il s’est structuré autour d’un écosystème constitué, au départ, essentiellement de grands groupes : Thales, Dassault Aviation, Renault, Alcatel-Lucent, etc. Ces acteurs basés en Île-de-France se sont rassemblés sur des thématiques telles que la simulation numérique, les technologies de défense, de sécurité, ou encore de télécommunication.
Le Pôle de compétitivité a ainsi commencé avec une petite centaine de membres. Il a toutefois très rapidement pris de l’ampleur sur des axes technologiques aussi bien logiciels que hardware, en demeurant, donc, un pôle assez généraliste, là où d’autres, tels que NextMove, se sont quant à eux développés en tant que pôles de filière.
J’ai, pour ma part, pris la présidence de Systematic en 2011. Le pôle comptait alors environ 200 membres, contre presque un millier aujourd’hui. Nous avons alors entrepris de le transformer pour en faire le pôle européen des Deep Tech, en le restructurant autour d’aspects aujourd’hui prédominants, comme la data, l’IA, l’open source, les technologies cyber, les infrastructures numériques, la photonique… Nous avons eu cette volonté de mettre particulièrement en avant les technologies, afin de fédérer les différents acteurs de ces domaines.
Quelle est à l’heure actuelle la typologie des membres de Systematic, et leur répartition ?
Systematic compte aujourd’hui beaucoup de grands groupes, 140 environ. Notre Pôle de compétitivité regroupe aussi près de 600 PME, ETI et startups innovantes. Des jeunes poussent qui œuvrent par exemple dans le domaine de l’informatique quantique, à l’image de Quandela, Pasqal, Alice & Bob, Craft AI… Plus largement, à peu près toutes les startups Deep Tech qui ont émergé en Île-de-France sont membres de Systematic.
À ces acteurs économiques privés s’ajoutent aussi 160 laboratoires de recherche publics. C’est l’une des forces des Pôles de compétitivité que de faire se rencontrer cette diversité d’acteurs, publics comme privés. La mission globale d’un pôle tel que le nôtre consiste en effet à animer un écosystème très divers pour générer de la recherche partenariale. Ceci afin de permettre à ces acteurs de croître, dans le cas des PME et startups, ou, pour les grands groupes, de les aider à se transformer.
Quels sont les principaux enjeux auxquels sont confrontées les différentes catégories d’acteurs que vous citiez ?
Pour les grands groupes, l’enjeu principal actuellement réside dans ce que l’on appelle le scouting de l’innovation, c’est-à-dire le fait d’aller chercher les technologies innovantes dont ils ne disposent pas en interne. Ils bénéficient, certes, de pôles R&D importants, mais vu la diversité des technologies que l’on connaît aujourd’hui, ces grands groupes ont besoin de trouver des partenaires pour accompagner leur dynamique d’innovation.
Les PME, quant à elles, sont confrontées au besoin de consolider leur savoir-faire technologique, mais aussi à la nécessité de faire croître leur chiffre d’affaires avec de nouveaux produits innovants.
Les startups, elles, ont besoin de l’appui d’un écosystème à même d’accompagner leur croissance rapide. Elles ne sont pas forcément préoccupées d’emblée par leur chiffre d’affaires, et se concentrent ainsi plutôt dans un premier temps sur l’accès aux compétences, aux laboratoires publics, etc.
Enfin, ces universités et laboratoires publics sont quant à eux bien souvent à la recherche de partenaires industriels, dans l’optique de valoriser leurs technologies et de mettre en place leurs stratégies de transfert technologique.
Chacun de ces acteurs fait ainsi face à des problématiques diverses et adopte donc une démarche sensiblement différente. La possibilité qu’ils ont de se rencontrer, ensemble, au sein d’un même pôle, fait que finalement, tout cela fonctionne malgré tout de concert.
Quels rôles concrets jouez-vous, en tant que Pôle de compétitivité, pour accompagner vos membres à faire face à ces enjeux ?
Comme je l’évoquais, notre rôle premier est celui de l’animation d’un écosystème. Pour cela, sur une technologie donnée, nous amenons les partenaires à se réunir afin qu’ils définissent une feuille de route commune, des trajectoires collectives dans lesquelles se projeter.
Cela se traduit ainsi par la mise en place de projets de R&D collaboratifs, entre grands groupes, PME, laboratoires… Cela leur permet aussi de partager des connaissances sur les enjeux technologiques : nous organisons un grand nombre de rencontres, de webinaires, d’évènements à l’occasion desquels nos membres se retrouvent pour interagir.
Nous aidons aussi nos membres à s’orienter vers les différents guichets de financement. Nous travaillons pour cela avec les services de l’État, avec le Secrétariat général pour l’investissement, avec Bpifrance… Nous travaillons aussi étroitement avec les régions : la Région Île-de-France est notamment très impliquée dans la vie de Systematic. Elle définit elle-même un certain nombre de technologies qu’elle souhaite voir se développer sur son territoire. C’est le cas par exemple de l’IA ou du quantique, des piliers de notre pôle.
Vous avez, il y a quelques années, organisé le pôle Systematic en sept « hubs ». Pourquoi ?
Vous l’avez compris, Systematic est une grande structure qui regroupe beaucoup de monde… Il nous fallait donc recréer des structures plus petites, pour plus d’agilité, mais aussi pour donner plus de visibilité aux différentes technologies autour desquelles sont axés chacun de ces hubs : les infrastructures numériques, la cybersécurité, la photonique, l’open source, les drones, ainsi que l’ingénierie & l’informatique avancées.
Pour éviter que tout cela soit uniquement technology driven – axé sur les technologies –, nous avons par ailleurs défini trois enjeux transverses liés aux grandes transformations de notre société : santé, territoires, ainsi qu’industrie & services. Associés aux technologies que je citais, ces grands enjeux permettent de définir une sorte « d’approche matricielle » de la transformation de notre société.
Tout cela s’est fait il y a cinq ans environ, à un moment où nous devions redéfinir notre stratégie pour la phase IV de labellisation des Pôles de compétitivité et où nous avons décidé de faire de Systematic un pôle européen des Deep Tech. Plutôt que de former des groupes de filières, nous avons ainsi décidé des constituer des groupes technologiques, en créant ces sept hubs.
À l’occasion du lancement de la phase V en janvier 2023, nous avons d’ailleurs renforcé cette approche autour des technologies, auxquelles nous donnons encore plus de visibilité. Nous avons concentré nos efforts sur des thématiques qui connaissent une véritable accélération : IA, quantique, 5G… Nous sommes d’ailleurs, sur ce dernier point, opérateurs d’un grand projet qui s’appelle 5G Open Road. Son objectif est de lier les enjeux de la mobilité avec ceux des infrastructures, en accompagnant le développement de la voiture – si ce n’est autonome – en tout cas connectée, capable par exemple d’anticiper les perturbations de trafic. Ce projet rassemble une quarantaine de partenaires. Il s’agit, en quelque sorte, d’un laboratoire de développement de nouveaux concepts pour la mobilité de demain. Nous faisons de même sur d’autres aspects que j’évoquais, tels que l’IA ou l’informatique quantique. L’Île-de-France est en effet très riche en acteurs de l’innovation : il s’agit du premier pôle de R&D d’Europe. Nous essayons donc de soutenir cet environnement afin d’accélérer le développement de ces technologies clés pour notre avenir. C’est ce qui guide notre feuille de route pour 2027, dans le cadre de cette labellisation en phase V.
Que représente justement cette labellisation, s’agit-il simplement d’une reconnaissance purement formelle… ?
Non, cela se traduit de manière très concrète ! Le pôle n’existerait d’abord tout simplement pas sans ce label de l’État. En plus du label en tant que tel, l’État nous apporte, via les régions, un financement qui compte pour environ 20 % de notre budget, auquel s’ajoutent 25 % d’aide de la région elle-même. Cette labellisation a aussi pour vertu de mettre en mouvement la dynamique de l’écosystème, en lien avec la région, les entreprises, les universités. C’est cette dynamique-là qui est finalement le moteur de la démarche globale de Systematic, et qui nous permet d’aboutir chaque année à beaucoup de grandes réussites, comme nous l’avons encore constaté mi-décembre à l’occasion de notre assemblée générale.
De « grandes réussites » auxquelles vous décernez chaque année le label de « Champion du Pôle »…
Tout à fait ! C’est notre plus beau label. Nous l’avons décerné depuis la création du pôle à 68 entreprises. Il permet de mettre en avant, de donner de la visibilité à des acteurs au potentiel de développement important. Nous avons d’ailleurs révélé, le 14 décembre dernier, nos quatre nouveaux champions : les entreprises tout à fait remarquables que sont Accenta, Ecomesure, Naarea et SiPearl.
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