Que ce soit en tant qu’experte indépendante en protection de l’environnement, consultante en performance énergétique dans l’industrie ou professeur aux universités de Cergy-Paris et Sorbonne, Sylvie Riou s’emploie à la diffusion de la connaissance sur les moyens pour améliorer la gestion de l'énergie. Avec des acteurs économiques tels que les entreprises industrielles, ses missions consistent à déterminer les processus permettant d’effectuer, in fine, des économies d’énergie. Auprès de Techniques de l’Ingénieur, elle est conseillère scientifique pour l’offre "Ressources énergétiques et stockage" et auteur d’un article de ressources documentaires consacré au diagnostic énergétique dans l’industrie. Dans une nouvelle collection portant sur les économies d’énergie et la performance énergétique dans l’industrie, un nouvel article est paru en janvier et un deuxième est à paraître.
Techniques de l’Ingénieur : Pouvez-vous revenir sur votre parcours professionnel ?
Sylvie Riou : J’ai démarré mon parcours en tant qu’assistante d’ingénieur, puis en promotion interne avec une formation au CNAM en thermique, j’ai accédé au poste d’ingénieur. Avec les années d’expérience, je suis devenue expert public français puis à l’international (en normalisation notamment) dans les domaines de la protection de l’environnement et de la performance énergétique.
Qu’est-ce qui vous a amenée à vous intéresser à l’énergie ?
Ma première recherche d’emploi me donnait le choix entre le privé (en téléphonie) et le public (la toute jeune Agence pour les Économies d’Énergie). L’engagement dans le secteur public dans un domaine totalement nouveau m’a séduite. L’intérêt pour les problématiques énergétiques et d’économies d’énergie est venu après, en prenant conscience des enjeux vitaux.
Comment les entreprises industrielles peuvent-elles connaître leur situation énergétique ?
Une entreprise qui souhaite connaître sa situation énergétique doit commencer par la réalisation d’un diagnostic énergétique sérieux et complet, qui lui donnera toutes les données utiles dont son niveau de performance énergétique pour se comparer à des références connues et se donner des objectifs d’amélioration. Mais les enseignements d’un diagnostic énergétique sont également indispensables avant tout projet d’investissement, d’autant plus dans le cas d’un projet portant sur la production d’énergie à partir d’énergies renouvelables afin d’optimiser sa situation énergétique au préalable et définir au plus juste le besoin en puissance utile.
Quelles sont les différences entre un diagnostic et un audit énergétique et comment déterminer lequel de ces dispositifs est le plus adapté ?
Ce sont le contexte et les textes de référence qu’il convient de prendre en compte pour définir la différence entre ces deux approches. Le diagnostic énergétique dans l’industrie a pour référence le document normatif AFNOR BP X 30120, qui est la conclusion d’un consensus entre professionnels sur la démarche la plus complète à entreprendre par un intervenant compétent. L’entreprise sera donc dans une démarche volontaire pour réaliser ce diagnostic. Le document de référence pour l’audit énergétique est la norme européenne NF EN 16247 dont l’application est en lien avec l’obligation réglementaire pour les entreprises d’une certaine taille, de réaliser un audit énergétique. Ces deux documents comprennent des objectifs, des principes et un déroulement qui sont approchants, étant donné que le deuxième a été inspiré par le premier. Toutefois il est reconnu que pour le domaine industriel, le document français est le plus complet dans la démarche et les informations qu’il contient, en particulier dans ses annexes.
Quelles sont les principales étapes d’un diagnostic énergétique ?
Le diagnostiqueur énergétique doit, en préalable à tout engagement à la démarche, réaliser une visite du site à diagnostiquer, afin de définir le niveau d’intervention nécessaire. Suite à cette visite, il établira un contrat d’intervention en se mettant d’accord avec l’entreprise sur le périmètre (géographique et/ou thématique) et l’objectif du diagnostic énergétique. Le plus tôt possible, il communiquera la liste des informations dont il a besoin afin de faciliter l’étape de collecte de données. Celle-ci est primordiale d’autant plus qu’il faudra vérifier et contrôler la fiabilité de ces données. Une campagne de mesures sera peut-être nécessaire pour compléter les données et devra être prévue dès le début de l’intervention. Ensuite vient l’étape d’analyse de ces données afin d’établir le bilan énergétique de l’entreprise, qui doit englober au minimum toutes les consommations annuelles d’énergies et d’eau sur 3 ans pour déterminer une situation de référence (la moyenne sur 3 ans ou la plus représentative par exemple), le profil énergétique, la répartition des consommations d’énergie par usage énergétique (chauffage, éclairage, procédé…), le calcul de l’indicateur de performance énergétique et son comparatif avec une référence connue. Le diagnostic énergétique pourra comprendre également une estimation des besoins énergétiques de l’entreprise basée sur des calculs théoriques allant jusqu’à une modélisation, pour le comparer au bilan réel.
À partir du bilan, des observations, enquêtes, interviews entrepris par le diagnostiqueur, des améliorations seront proposées sous forme d’actions à entreprendre, complétées par des solutions quantifiées en économies d’énergie et en montants d’investissement. Par exemple, il sera proposé d’améliorer l’isolation des ouvrants et différentes solutions seront calculées en fonction du niveau d’isolation, de la qualité des matériaux, de la quantité d’ouvrants, etc. afin que l’entreprise soit en mesure de choisir la solution adaptée à ses critères de choix (financement, objectifs…). Le diagnostic énergétique requiert la coopération de l’entreprise et le diagnostiqueur doit communiquer tout le long de son intervention, en particulier en rendant compte de ses résultats dans un rapport final et oralement. La bonne communication ne pourra que bénéficier à des résultats de qualité. La démarche est itérative, c’est-à-dire que l’on peut revenir à l’étape de collecte de données, tout comme on peut donner dès le début quelques axes d’amélioration voire une action à entreprendre immédiatement (suppression de fuites par exemple).
Quelle est la proportion d’entreprises industrielles françaises à avoir procédé à un diagnostic énergétique ?
Dans le cadre de l’aide à la décision de l’ADEME, un bilan réalisé sur la période de 2000 à 2010 montrait qu’environ 1 000 entreprises industrielles par an faisaient réaliser un diagnostic énergétique (démarche volontaire aidée par l’ADEME), soit 10 000 entreprises en 10 ans. Pour ce qui est de l’obligation réglementaire apparue en 2013 en France de réaliser un audit énergétique, 3 600 entreprises ont réalisé cet audit, mais avec un niveau de qualité bien moindre.
Celles qui y ont procédé reçoivent-elles une certification ?
Il n’y a pas de certification, étant donné que c’est une obligation réglementaire. Une certification peut intervenir si l’entreprise s’engage dans une démarche de système de management de l’énergie (ISO 50001).
Quelles compétences/qualités sont, selon vous, indispensables en général et plus particulièrement sur vos domaines d’expertise ?
Elles sont nombreuses, d’autant plus comme expert public, en touchant aussi bien la technique, la communication et le relationnel, la capacité de synthèse, de curiosité, le rédactionnel, la projection vers le futur avec l’intérêt pour la R&D et l’innovation, le montage et la gestion de projet…
Quels conseils adressez-vous à un ingénieur, un technicien ou un scientifique qui arrive sur le marché du travail ?
Les connaissances sur la gestion de l’énergie et la capacité à réaliser un minimum d’analyse énergétique (diagnostic énergétique) constituent un atout dans la recherche d’un poste technique. Encore récemment, un étudiant ayant suivi mon cours sur ces sujets a obtenu le poste convoité en gestion des déchets, car ses connaissances faisaient la différence avec les autres candidats.
Que vous apporte la collaboration avec Techniques de l’Ingénieur, en tant qu’auteur et conseiller scientifique ?
Techniques de l’ingénieur est une revue scientifique de référence reconnue par les ingénieurs et scientifiques. Ma collaboration correspond à mon souhait de faire connaître une part de l’expérience française, et à diffuser la connaissance sur les moyens et le processus à enclencher pour des acteurs économiques (en l’occurrence des entreprises industrielles) dans l’amélioration de la gestion de l’énergie. Une façon de poursuivre mon action par-delà mon parcours à l’ADEME. L’enseignement en Master en fait partie également.
Quels sont vos projets, actuels et futurs ?
J’aimerais poursuivre cette collaboration et j’en profite pour lancer un appel à ceux qui sont en mesure de proposer un sujet et de rédiger un article dans une nouvelle collection sur les économies d’énergie et la performance énergétique qui sera lancée en 2024. Continuer également dans le domaine de l’enseignement. Je n’ai pas souvenir d’avoir bénéficié d’un cours sur l’énergie lors de ma scolarité ni lors de ma formation, alors qu’elle est le moteur de toute activité.
Les contributions de Sylvie Riou aux Techniques de l’Ingénieur
Spécialiste de la gestion de l’énergie, Sylvie Riou contribue avec les Techniques de l’Ingénieur en tant que conseillère scientifique et auteur.
Offre
– Ressources énergétiques et stockage
Articles
– Diagnostic énergétique dans l’industrie – Aide au choix de la prestation : critères et textes de référence
– Économies d’énergie et performance énergétique. Notions de base, enjeux et méthodes
Cet article en préparation, paraîtra fin février :
– Actions d’économies d’énergie dans l’industrie.
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