« Survivre au péril plastique », le nouveau livre de Matthieu Combe, vient de paraître aux éditions Rue de l’Echiquier. Deux ans d’enquête sur les causes, les conséquences et les solutions à la pollution plastique en France, en Europe et dans le monde. En voici un extrait.
Où est le plastique qui disparaît de la surface des océans ?
Commençons par un rappel basique : les plastiques qui flottent sont ceux qui ont une densité inférieure à celle de l’eau, comme le polyéthylène, le polypropylène et le polystyrène expansé, notamment utilisés dans les emballages alimentaires à usage unique. Sont également concernés les objets chargés d’air, comme les bouteilles ou les briquets. En théorie, plus de la moitié du plastique rejeté chaque année dans les océans répond à ces critères. Toutefois, seulement 270000 tonnes de plastiques flottent dans les océans, ce qui représente entre 2% et 6% du déversement annuel. La grande majorité se trouve en-dessous de la surface : les scientifiques estiment qu’il y aurait au moins 150 millions de tonnes de plastiques réparties dans les océans.
Lorsqu’ils arrivent en mer, la moitié des déchets coule aussitôt, l’autre moitié flotte pendant quelques mois. Nous allons nous consacrer, dans un premier temps, à cette fraction flottante. Les déchets les plus rigides vont résister à la dégradation pendant plusieurs années, mais les plus fragiles et les moins épais vont se dégrader rapidement et relâcher des microplastiques et des nanoplastiques. Nous l’avons déjà dit, lorsque les scientifiques font leurs prélèvements avec des filets Manta, ils ne mesurent que les particules de plus de 0,33 mm. Très peu d’études ont fait des tests en mer avec des filets à plancton de mailles de 0,08 mm. Il s’agit là d’une première explication : une partie des déchets flotte bien sous une toute petite forme, mais le poids de cette portion reste inconnu.
Des plastiques qui se répartissent dans la colonne d’eau, les animaux et les glaces
Par la suite, quelle que soit leur taille, une partie des déchets est rapidement ingérée par diverses espèces marines. Ils se retrouvent ainsi dans leurs glandes digestives, dans leurs tissus ou bien sont rejetés sous forme d’excréments. La part absorbée par les espèces aquatiques demeure incertaine : les habitants de la mer seraient-ils devenus des réservoirs de plastique ? Une autre portion du plastique flottant se trouve emprisonnée dans les glaces de l’Arctique et de l’Antarctique. En faisant fondre des échantillons de la banquise arctique, des chercheurs allemands ont ainsi trouvé jusqu’à 12000 microplastiques dans un seul litre d’eau. Au total, 17 sortes de plastiques ont été retrouvées et 67% des particules détectées dans la glace mesuraient moins de 0,05 mm. Enfin, une dernière fraction du plastique est rejetée sur les plages et les côtes du monde entier.
Au fur et à mesure de leur dérive, les plastiques flottants qui n’ont pas été avalés sont colonisés par des micro-organismes et s’alourdissent. Les plus petits peuvent s’agréger ou s’enchevêtrer à d’autres molécules présentes dans le milieu marin. Leur densité augmente et il arrive un moment où elle devient supérieure à celle de l’eau. Les plastiques commencent alors à couler lentement. En fonction de leur nouvelle densité, ils se répartissent verticalement tout le long de la colonne d’eau, entre la surface et le fond. Ils peuvent alors y rester, être ingérés par d’autres organismes marins, ou se retrouver dans la neige marine – cette pluie continue de détritus marins qui tombe vers les abysses – et dans les sédiments. Le plastique connaît des mouvements incessants : lorsqu’il coule, il peut refaire surface ou être remis en suspension si sa densité se trouve à nouveau modifiée.
Des millions de tonnes dans les fonds des océans
Intéressons-nous désormais aux millions de tonnes qui coulent aussitôt, la fraction constituée des plastiques les plus lourds, ceux qui ont une densité supérieure à l’eau. François Galgani, chercheur à l’Ifremer et spécialiste des déchets plastiques, indique qu’il pourrait y avoir entre 71 et 116 milliards de gros débris plastiques dans le fond des océans et des mers, sans prendre en compte les microplastiques, d’une taille inférieure à 5 mm. Les scientifiques doivent désormais faire des estimations plus précises, notamment pour en déterminer le poids et mieux estimer leur localisation. Des dizaines de millions de tonnes sont transportées par les courants et finissent dans les fonds marins, les fosses océaniques ou les canyons sous-marins. Certaines fosses atteignant plus de 10 000 mètres de profondeur, une quantité impressionnante de plastiques pourrait s’y déposer.
Vingt-trois fosses océaniques ont, à l’heure actuelle, été répertoriées dans le monde. La fosse des Mariannes, située dans le nord-ouest du Pacifique, est la plus grande d’entre elles. Elle mesure 2500 km de long, 70 km de large et a une profondeur de plus de 11000 mètres. Il s’agit d’une zone largement inexplorée, où peuvent s’accumuler des déchets. Ajoutons-y des milliers d’autres canyons sous-marins propices au dépôt de plastiques. En revanche, il serait faux d’imaginer le fond des océans comme un tapis de déchets. Pour que les plastiques s’accumulent, « ils doivent rencontrer des obstacles comme des épaves, des rochers, des trous, des rigoles ou tout autre fosse« , explique François Galgani. Il est envisageable que des déchets se concentrent dans des zones à faible courant ou de forte sédimentation, mais la majorité des déchets qui ont coulé se trouverait loin des regards, dans les fosses océaniques.
Présentation du livre
« Survivre au péril plastique » dresse un tableau complet de la production, de l’utilisation, de la gestion et de l’avenir des plastiques. La pollution engendrée par ces matériaux est planétaire. Elle envahit les mers et les océans du monde, les rivières, la terre et l’air. Les gros déchets contaminent, étouffent et tuent les animaux. Les plus petits font de même sur une multitude d’espèces. Différents fragments de plastique se retrouvent inexorablement dans notre assiette et nous en ingérons au quotidien. Ils relâchent des perturbateurs endocriniens dans notre corps. Le constat est sans appel et incite à mettre en place des solutions rapidement.
L’ouvrage fait ainsi le tour des solutions pour nettoyer les eaux, créer des filières de transition, arrêter à la source les rejets dans l’environnement, valoriser 100 % des plastiques et repenser leur usage. Ces solutions sont mises en place par des entreprises, startups, collectivités, ONG et citoyens. Le monde politique joue également un rôle important.
Matthieu Combe a fondé le webzine Natura-sciences.com en 2009. Il collabore régulièrement avec Techniques de l’ingénieur. Son premier livre «Consommez écologique» est paru en 2014 aux éditions Sang de la Terre.
Le livre est disponible depuis le 21 mars chez votre libraire ou sur les plateformes de vente en ligne.
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