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Surveillance des caténaires : du concept de l’instrumentation aux essais terrain

Posté le par La rédaction dans Environnement

Comment surveiller efficacement les pantographes des trains qui sont à l'origine de 4 à 5 pannes pour 100 km de voie ferrée par an ? En installant des capteurs sur des portiques d'inspection. Explications du CEA LIST.

Pour prévenir les incidents responsables des interruptions de trafic, la surveillance de l’infrastructure ferroviaire est réalisée périodiquement par des trains dédiés. Or, celle-ci, onéreuse et lourde, ne détecte que des défauts liés à l’infrastructure, et pas ceux dus aux trains (un pantographe détérioré peut être source d’incidents). Tel que souligné dans le précédent article (lire Mesure à très haute cadence : l’exemple des lignes TGV), la Commission Européenne a lancé des initiatives de R&D pour améliorer cette situation. Le CEA LIST a ainsi participé au projet européen CATIEMON – CATenary InterfacE MONitoring – (1) pour mettre au point des Capteurs à Fibres Optiques (CFO) à réseaux de Bragg, et leurs instrumentations [1]. L’objectif : caractériser l’interaction entre lignes caténaires et pantographes de trains empruntant un réseau ferré (Fig. 1), mais cette fois à partir de capteurs installés sur portique d’inspection.

Fig. 1 : Eléments de l’interaction « pantographe/caténaire »
 
Un « portique d’inspection » pour la surveillance du trafic ferroviaire
Intégrant capteurs et instrumentations, son rôle est de diagnostiquer les convois, pour bien sûr stopper ceux qui présenteraient un danger pour le réseau, mais aussi pour évaluer l’impact de chaque train en terme d’usure de l’infrastructure.Le comportement dynamique d’une ligne de contact est complexe : le point d’application de la force est glissant, la ligne suspendue par des « pendules » chemine en zigzag, des phénomènes de propagation d’ondes apparaissent, … le tout nécessitant de multiples capteurs. Ceci est particulièrement vrai pour les mesures de déformations de la ligne de contact, la modélisation montrant qu’elles évoluent de façon oscillatoire entre pendules de suspension.L’interaction pantographe/caténaire peut en fait être caractérisée à l’aide des mesures du déplacement 3D et des déformations induites sur le fil de contact par les pantographes (Cf. Fig.1). Celles-ci requièrent des capteurs insensibles à la haute tension (25 kV), peu intrusifs et résistants (température, pluie, grêle, gel). De plus, la vitesse des trains impose des cadences d’acquisition d’au moins un kHz, et les oscillations de moyenner les déformations mesurées par plusieurs capteurs successifs pour obtenir un indicateur pertinent de la force de contact.Le portique d’inspection, issu du projet CATIEMON étant un prototype, il regroupe différentes technologies (télémètre laser, nappe laser + caméra) ainsi que des CFO du CEA LIST (capteur de déplacement 3D et de déformations à réseaux de Bragg). En fait, seuls les CFO (Fig. 2) réalisent l’éventail complet des mesures :
  1. déplacement 3D de la ligne ;
  2. déformations locales via un maillage fin d’une section de ligne ;
  3. oscillations de celle ci via un bras de rappel instrumenté.

Fig. 2 : Implantation des capteurs de Bragg dans le portique d’inspection
 

Capteurs de Bragg et instrumentations
Déplacements 3D du fil de contact. Trois capteurs de déplacement forment les arêtes d’un tétraèdre inversé surplombant la caténaire, son sommet étant fixé en un point du fil de contact (Fig. 3a). Chacun d’eux comporte une tige mobile équipée d’un dispositif mécanique à ressort de réduction du déplacement, et un réseau de Bragg (20 cm de course induit 1 nm de décalage spectral). La géométrie permet de remonter aux mouvements 3D du fil.Bras de rappel instrumenté. Un réseau de Bragg est collé dans une rainure usinée le long des parties cylindriques du bras (Fig. 3b). Lorsqu’il se déforme ou subit un impact, suite aux mouvements de la ligne, on détecte les variations de la longueur d’onde du réseau.Déformations subies par la ligne de contact. Cette mesure est très utile pour caractériser l’interaction caténaire/pantographe : des fibres avec 20 réseaux de Bragg espacés de 25 et 50 cm, ont été collées le long du fil (Fig. 3c), par un procédé « de terrain » innovant (polymérisation à froid par lampe UV fibrée). Effectuées en plusieurs points, ces mesures sont reliées à la force. Puis, répétées sur des trains commerciaux, elles définissent une distribution des déformations de la ligne, permettant, une fois des limites haute et basse définies, d’identifier les trains ‘à risque’.Instrumentation pour capteurs de Bragg. Tous ces capteurs sont scrutés au kHz, simultanément sur 6 voies, à l’aide d’une seule instrumentation (approche client – serveur [3]) de mesure spectrale de résolution 1 pm (Fig. 3d). Un PC portable est utilisé pour configurer le serveur que constitue l’instrumentation de mesure. Equipée de cartes réseaux Ethernet et Wi-Fi, elle permet les connexions distantes, très utiles sur le terrain pour paramétrer et récupérer les mesures, tout en restant à distance de sécurité.
Fig. 3a : Capteur de déplacement 3D Fig. 3b : Bras de rappel instrumenté
Fig. 3c : Lignes de réseaux de Bragg multiplexés Fig. 3d : Système de mesure
 
Installation sur site et essais ferroviaires
Installation. Capteurs et instrumentations ont été installés (de nuit pour réduire l’impact sur le trafic) en amont du tunnel du Lötschberg (Suisse) inauguré en 2007 ; localisation ‘critique’ par excellence. Les conditions de travail (nuit, intempéries, froid, vent) ont nécessité des méthodes d’installation spécifiques. Ainsi, pour le collage des réseaux sur la caténaire (Fig. 4a), du fait de l’absence d’alimentation, un système de mesure spectral portable et autonome, a été développé pour suivre la polymérisation. Par ailleurs, des câbles optiques de terrain ont permis le déport des instrumentations dans un container le long des voies.Essais. Une motrice a permis de calibrer les capteurs vis-à-vis de la force de contact et de la vitesse de passage sous le portique ; afin de relier ces deux grandeurs aux déformations et déplacements mesurés (Fig. 4b). Des vitesses évoluant de 5 à 100 km/h ont été utilisées, et les forces de contact ajustées à 50, 70 et 90 N, lors des calibrages nocturnes réalisés sur 18 mois. Au final, les mesures ont été collectées lors du passage de convois commerciaux (passagers, fret), permettant d’établir la distribution de la déformation moyenne d’une section de ligne de contact (Fig 4c). Pour cela, une procédure simple a été mise en oeuvre qui consiste à détecter les pics de déformation dus à chaque bande de frottement, du (ou des) pantographe(s) du train considéré, puis de les moyenner sur l’ensemble des réseaux de Bragg de la ligne. Cette procédure permet l’identification des trains dont l’impact sur l’infrastructure sort du gabarit (Fig. 4c, de 150 à 250 pm). 
Fig. 4a : Collage d’une ligne de mesure de réseaux de Bragg sur la ligne de contact Fig. 4b : Evolution de la déformation moyenne d’une section de ligne vs la vitesse du train pour une force de contact de 92 N Fig. 4c : Distribution de la déformation moyenne d’une section de ligne pour une centaine de trains
Par Guillaume Laffont, Nicolas Roussel, Jonathan Boussoir, Stéphane Rougeault, Laurent Maurin et Pierre Ferdinand, CEA, LIST, Laboratoire de Mesures Optiques, Gif-sur-Yvette Cedex

Note
1 – Ce projet, piloté par Siemens [Ge], regroupe les sociétés BLS et Furrer&Frey [CH], Morganite [UK], AKX [Au], ainsi que deux Instituts de Recherche : l’IPHT [Ge] et le CEA LIST [Fr].

Bibliographie
1 – P. Ferdinand, « Capteurs à fibres optiques à réseaux de Bragg », Techniques de l’Ingénieur, R 6735, pp. 1-24, déc. 19992 – S. Kusumi, T. Fukutani & K. Nezu, « Diagnosis of Overhead Contact Line based on Contact Force », QR of RTRI, vol. 47, n°1, pp. 39-45, 20063 – Yong Hyeon Cho, « Numerical simulations of the dynamic responses of railway overhead contact lines to a moving pantograph, considering a nonlinear dropper », J. of Sound and Vibration, vol. 315, pp. 433-454, 20084 – http://sine.ni.com/cs/app/doc/p/id/cs-11200.

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