L’ambiance est à l’orage chez les apiculteurs. L’Union nationale de l’apiculture française dénonce une récente décision de l’Anses. L’Agence nationale de sécurité sanitaire a en effet proposé en septembre dernier une alternative à l’usage des néonicotinoïdes en France. Gilles Lanio, président de l’UNAF, rappelle qu’ils seront interdits dès septembre 2018, mais des dérogations existent jusqu’en 2020. La solution proposée aux agriculteurs est de remplacer les néonicotinoïdes utilisés sur leurs cultures. Ces pesticides neurotoxiques causent chaque année la mort de 300.000 à 400.000 colonies d’abeilles selon Henri Clément, secrétaire général de l’UNAF.
Le sulfoxaflor, une molécule très dangereuse
L’UNAF annonce que l’Anses a autorisé, de manière confidentielle, deux nouveaux pesticides à base de sulfoxaflor. Cette substance est officiellement reconnue comme dangereuse pour le monde aquatique, mais le problème ne s’arrêterait pas là. Le sulfoxaflor serait lui-même… un néonicotinoïde ! L’annonce de l’Anses déplaît car elle indique que le sulfoxaflor pourrait remplacer les néonicotinoïdes prochainement prohibés. Ceci est «pitoyable, pathétique et irresponsable», juge Henri Clément. En effet, selon une décision pénale rendue aux États-Unis, le sulfoxaflor est lui aussi un néonicotinoïde et interdit sur le territoire américain. Échaudés par la décision de jugement américain, l’UNAF est allée demander des comptes à l’Anses. Mais le dialogue est rompu entre les deux organismes, l’Anses ne répondant plus à l’Union française des apiculteurs. Ainsi, le problème des néonicotinoïdes ne serait pas du tout solutionné et tous les efforts de l’UNAF vains. C’est pourquoi elle exige que l’Anses ajoute le sulfoxaflor à la liste des substances néonicotinoïdes à interdire.
Si aucune interdiction n’est prise, le sulfoxaflor pourrait se retrouver épandu sur nombre de cultures. Le néonicotinoïde serait donc utilisé sur les cultures de céréales à paille (blé, orge, etc.) mais pas seulement. Le sulfoxaflor permettrait également de traiter des cultures légumières, les pommiers et les cerisiers. Et la position du ministre de l’Agriculture ne rassure pas l’UNAF. L’inquiétude vient du fait que Stéphane Travert ne semble pas favorable à l’interdiction des pesticides tueurs d’abeilles. Il avait indiqué en juin dernier qu’interdire les néonicotinoïdes «n’est pas conforme avec le droit européen». Bien que le gouvernement et le ministre de l’Écologie Nicolas Hulot aient contesté cela, l’UNAF craint les prochaines décisions. Pour Gilles Lanio, aucune tergiversation ne peut être permise de la part de la France. «Comme s’y est engagé le président Emmanuel Macron, la France doit supprimer tous les néonicotinoïdes» déclare-t-il.
Par Matthieu Combe, journaliste scientifique
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