Reportage

SUB 2 : courir un marathon en moins de 2h

Posté le 27 juillet 2016
par Matthieu Combe
dans Innovations sectorielles

Le débat fait rage. Pour certains experts, courir un marathon en moins de 2h va au-delà des limites de l'endurance et des capacités de l'être humain. Mission impossible donc. Mais avec son projet SUB 2, Yannis Pitsladis, professeur de sport et de science de l'exercice à l'université anglaise de Brighton, veut atteindre l'exploit d'ici 2019 !

Les sportifs vous le diront, les records sont faits pour être battus. L’histoire ne les fait pas mentir. En 1896, le record du marathon était de 2h58’5s. Au début du 20e siècle, l’entraînement des athlètes se professionnalise et les records tombent peu à peu : la meilleure performance mondiale passe sous la barre des 2h30, grâce à l’Américain Albert Michelsen en 1925. Pour passer sous la barre des 2h20, il faudra attendre 28 ans (1953) et la performance de Jim Peters qui court en 2h18’41s . La barre des 2h10′ est passée 14 ans plus tard, en 1967, grâce à Derek Clayton, à 2h9’37s.

Les records tombent encore, année après année, mais gagner encore 10 minutes ne semble pas être si aisé. Passer de 2h09 sous la barre des 2h08 aura pris 18 ans. 3 ans pour passer sous la barre des 2h07, 11 ans sous 2h06, 4 ans sous 2h05, 5 ans sous 2h04 et 6 ans sous 2h03. En extrapolant ces données, les observateurs prédisent que le premier marathon couru en moins de 2h ne devrait pas survenir avant 2028.

Le dernier record en date remonte à  septembre 2014. Détenu par le Kenyan Dennis Kimetto à Berlin, le chrono est à 2h02 et 57 secondes. Soit 26 secondes de moins que le précédent record de 2013, lui même ayant battu le record de 2012 de 15 secondes.

La science pour gagner encore 2’58s

Yannis Pitsladis, membre de la commission Médicale et Scientifique du comité international olympique, est à la recherche de l’athlète qui pourra réaliser la prouesse d’un chrono sous les 2 heures. Soit 2’58s de moins que le record actuel ! Sans dopage, mais grâce à la science, la médecine et la technologie.

Pour venir à bout des 42,195 kilomètres, son marathonien devra courir en moyenne à près de 21,1 km/h. Autrement dit, parcourir chaque kilomètre en deux minutes et cinquante secondes.

Pour parvenir à cette prouesse, Yannis Pitsladis souhaite s’entourer d’experts spécialistes de domaines multiples : nutrition, bioénergie, biomécanique, génétique, entraînement physique, efficacité et stratégie de course, médecine du sport, physiothérapie, développement de nouveaux textiles, utilisation de données et des satellites…

Nutrition, endurance, génétique et autres recherches

Pour obtenir son marathonien « parfait », Yannis Pitsladis s’intéresse au régime alimentaire quotidien, post-entraînement et pré-course (notamment concernant les substrats énergétiques – protéines, glucides), ainsi que le timing optimal pour le suivre. Le professeur veut également étudier les stratégies d’apport en liquides et glucides durant la course. Et les adapter en fonction des conditions thermiques ambiantes, suivies en temps réel par satellites et par capteurs au sol.

Concernant l’endurance, il étudiera le taux maximum d’oxygène (VO2 max) qu’un athlète peut envoyer à ses muscles durant l’effort et le taux de VO2 max qu’il peut maintenir sans trop puiser dans ses réserves. Il explorera l’influence de la taille et des particularités physiques des coureurs, modélisera la mécanique de course et les forces avec lesquelles ils battent le pavé… Pour apprendre à réguler sa température lors de l’effort et améliorer l’économie de course, c’est-à-dire optimiser l’énergie nécessaire pour courir.

Par ailleurs, il s’intéressera aux technologies « omiques » – génomique, transcriptomique, métabolomique, protéomique et épigénomique – notamment pour déterminer les influences génétiques sur la performance sportive et les prédispositions aux blessures. Les résultats permettront de concevoir un programme d’entraînement personnalisé basé sur la réponse des bio-marqueurs du coureur.

Pour passer la barre des 2h, le parcours et les conditions météorologiques devront être optimales. Ce record sera certainement obtenu à Berlin, au regard des six derniers records du monde enregistrés depuis 2003, tous dans la capitale allemande. Sur ce parcours très plat, il ne devra pas y avoir de vent et des températures proches des 15° C.

A la veille des JO de Rio, Yannis Pitsiladis est toujours à la recherche de 30 millions de dollars pour lancer concrètement SUB 2.

Pour information, voici l’évolution des records du monde de la distance depuis 1896.

Par Matthieu Combe, journaliste scientifique


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