Le tout premier satellite en bois laisse-t-il présager une nouvelle génération de satellites réalisés à partir de matériaux renouvelables ? C’est l’ambition affichée des chercheurs de l’université de Kyoto qui ont conçu cette innovation en partenariat avec Sumitomo Forestry¹. Ce satellite en bois expérimental a été lancé avec succès, le 5 novembre dernier, selon le New York Times à bord d’une fusée Falcon 9 de SpaceX depuis le centre spatial Kennedy de la NASA en Floride dans le cadre d’une mission de réapprovisionnement de la Station spatiale internationale. Baptisé LignoSat², il a été affrété vers la station spatiale et sera mis en orbite dans un mois à environ 400 km au-dessus de la Terre. Durant six mois, la résistance et la durabilité du satellite seront évaluées dans l’espace pour tester s’il possède le potentiel requis pour remplacer les satellites traditionnels en métal.
Lutter contre la pollution spatiale
La conquête spatiale va de pair avec la création de particules métalliques qui polluent l’espace. Celles-ci correspondent aux débris spatiaux issus des satellites en fin de vie. En effet, lors de leur mise hors service, les satellites sont déviés de leur orbite et atteignent l’atmosphère où ils se consument pour éviter de devenir des débris spatiaux. Cependant, la constitution métallique des satellites engendre des particules d’oxyde d’aluminium. Ces débris peuvent s’accumuler dans l’espace et causer des collisions avec les satellites maintenus sur leur orbite à des vitesses très élevées. Chaque collision génère à son tour des débris supplémentaires ; cette réaction en chaîne est connue sous le nom du syndrome de Kessler³. En outre, ces débris spatiaux peuvent atteindre notre environnement terrestre. En mai dernier, un agriculteur découvre un débris spatial de 2 mètres de large dans son champ. L’utilisation du bois comme matériau offre l’avantage d’une désintégration entière sans émission de résidus toxiques lors de la rentrée atmosphérique du satellite. Cette moindre pollution fait de LignoSat un prototype de satellite biodégradable. L’absence d’eau et d’oxygène dans l’espace empêche le bois de pourrir ou de brûler.
Surmonter les défis technologiques posés par un satellite en bois
Le bois utilisé pour ce satellite provient d’une espèce de magnolia originaire du Japon : le honoki. Alors qu’il est traditionnellement utilisé pour les fourreaux d’épée, ce bois a été retenu pour sa légèreté et sa résistance aux conditions hautement rigoureuses de l’environnement spatial. Étant conçu selon une technique artisanale japonaise traditionnelle, sans vis ni colle, le satellite devrait subir une destruction complète lors de son retour sur Terre. LignoSat prend la forme d’une boîte compacte dont chaque face mesure à peine 10 centimètres ; des composants électroniques en métal entourent la structure en bois. Une fois déployé, LignoSat sera mis en orbite et testé en conditions réelles grâce à des capteurs collectant les données relatives au comportement physique du bois dans cet environnement extrême. Le satellite sera, en effet, soumis aux rayonnements cosmiques avec des particules solaires qui peuvent dégrader les composants électroniques, les températures pouvant osciller entre -100 °C et 100 °C toutes les 45 minutes en fonction de la position du satellite par rapport au soleil.
Le bois, futur allié des satellites ?
Contrairement à une idée reçue, le bois peut devenir un matériau de choix quand il s’agit d’innover dans le domaine technologique. Koji Murata, professeur de sciences forestières à l’université de Kyoto, rappelle que les avions étaient fabriqués en bois au début du XXe siècle. Le recours à ce matériau pourrait revivifier l’industrie du bois. Les concepteurs envisagent l’interdiction dans un avenir proche des satellites en métal et imaginent même d’étendre l’utilisation du bois pour d’autres infrastructures spatiales comme des bases lunaires ou martiennes.
[1] Entreprise japonaise spécialisée dans la construction en bois
[2] En référence au mot latin signifiant « bois »
[3] Augmentation à vitesse croissante du nombre de débris spatiaux en orbite terrestre suite aux collisions entre des objets spatiaux engendrant, à un rythme plus élevé que celui de leur élimination naturelle, de nouveaux débris
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